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Claire Deya, reconstruire un monde apaisé

Aux questions personnelles, Claire Deya ne répond qu’avec son livre : Un monde à refaire, un premier roman qui a surpris tout le monde, et peut-être même son auteur. C’est un texte intense, dont l’histoire se déroule à la fin de la Seconde Guerre mondiale, qui met chacun face à ses souvenirs et à ses secrets. Un livre couronné du grand prix RTL/Lire 2024. Et dont l’auteur, jusqu’ici inconnu, se protège pour mieux livrer dans une écriture serrée, sérieuse et captivante.

Discrète, voire insaisissable – au point de cacher son âge – Claire Deya laisse la fiction parler pour elle : « Je ne pourrais pas en révéler autant sur moi-même si je disais « je » ». Mieux vaut ne pas, à ses yeux, s’exposer sur les réseaux sociaux : « En gardant pour moi une partie de ma vie, je peux aller plus loin dans mon écriture. » Ce premier roman est une nouvelle facette de son existence parmi bien d’autres : « Nous avons tous mille vies », dit ce passionné d’histoire de l’Université Normale, dont la seule envie est de raconter des histoires. Une aspiration née au cœur d’une famille aimante et cultivée. Dès l’âge de 3 ans, elle apprend à lire sur les genoux de sa mère. Les murs du bureau de son père sont couverts de livres, et l’adolescente ira jusqu’à voler un exemplaire de La Pléiade pour lire sous les couvertures les nouvelles de Maupassant : « Une nouvelle, une histoire puis une autre… C’était addictif ! »

Mais raconter des histoires n’est pas un travail. Sérieuse derrière de grandes lunettes, Claire Deya se passionne pour l’histoire, les relations internationales…  » J’aurais puj’ai étudié toute ma vie ! « , » lâcha-t-elle avec avidité. Même si les livres d’histoire sont trop sérieux. De ses années parisiennes, l’étudiante à Normale-Sup retient sa passion pour le cinéma : Les règles du jeu ouLa grande illusion par Renoir, Maris de Cassavetes, les femmes libres et mystérieuses des films de Claude Sautet… Alors pourquoi pas le cinéma ? Diplômée de la Femis, elle devient scénariste. « En fait, j’ai toujours voulu tout… »

Correspondance amoureuse

De la littérature aussi, mais « Je ne me suis pas permis d’écrire un roman. » D’où vient l’audace d’agir ? Un silence, soudain et dur, s’installe dans la conversation. « J’ai traversé une période douloureuse, un vrai chaos personnel… » Pas besoin de demander plus. Son intimité dépouillé force le respect. Il semble que tout se superpose dans le livre, même le titre : Un monde à refaire. La réponse à cette expérience douloureuse est l’écriture. Non plus des scénarios qui mobilisent un collectif, mais de la fiction, quand on est seul, face à soi. Ce sera ce roman puissant. Un personnage tient le fil de l’histoire, il s’agit de son grand-père. Retrouvant le rythme d’un discours alerte, elle raconte : « Je ne me souviens pas comment cela s’est passé, mais à sa mort, j’ai hérité de sa correspondance. Pendant longtemps, je n’ai pas osé, et puis un jour, j’ai lu. »

Détenu dans un camp de prisonniers en Allemagne, ce médecin, évadé et à chaque fois repris, a écrit pendant plus de deux ans à la femme qu’il aimait. Des lettres bouleversantes qu’il voulait rassurer sur son sort. «J’étais fasciné par cette fidélité amoureusesouligne Claire Deya. Ce qui le maintenait en vie, c’était l’amour d’une femme. »

Succès international

Patrice Hoffmann – l’éditeur français de la prix Nobel Doris Lessing – se voit confier les premières pages et ne lâche jamais Claire Deya. Un romancier est né, il en est convaincu. Il l’encourage, la libère des recettes littéraires et des références historiques qui chargent son texte : « Ne vous justifiez pas » il le lui ordonne. «Cela m’a permis de retrouver une légitimité que je ne m’accordais pas « , elle explique. Le manuscrit achevé après trente mois de travail acharné, il a d’abord été présenté à la Foire du livre de Londres, comme un coup de poker. En deux jours, un éditeur américain en prend la relève, bientôt suivi par des collègues des Pays-Bas, d’Italie, d’Espagne et de Grèce.

La famille des écrivains

Le succès de Claire Deya a commencé à l’étranger avant qu’elle ne signe avec un éditeur français. Depuis, elle raconte son histoire au rythme envoûtant de sa voix chaleureuse, au gré des librairies et des salons. Récemment, elle s’est retrouvée en compagnie de Jean-Christophe Rufin, Atiq Rahimi et Jean-Baptiste Andrea dans un salon du livre : elle a désormais sa place dans la famille des écrivains. Avec l’écriture comme une nouvelle vie, un monde qui se refait.

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Déminage interne

Un monde à refaire

par Claire Deya

L’Observatoire, 416 p., 22 €.

(1945 : les Allemands ont perdu la guerre mais la paix n’est pas encore signée La Provence est libérée mais les plages infestées de mines Il y a encore des milliers de raisons qui composent notre vie, toutes différentes selon les personnages qui entreprennent de déminer la côte Vincent rempli d’amour fou Fabien qui dirige les opérations que les prisonniers allemands font travailler malgré les accords internationaux A cela s’ajoutent les visages de femmes très présentes« Une femme que nous avons aimée en danger ne peut être remplacée ». Un roman choral qui raconte comment chacun reprend pied, s’ébranle et découvre un monde à refaire.

William Dupuy

Independent political analyst working in this field for 14 years, I analyze political events from a different angle.
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