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cinq questions sur le gel temporaire des retraites proposé par le gouvernement

C’est l’une des mesures des textes budgétaires pour 2025 qui seront présentés par le gouvernement, jeudi 10 octobre, en Conseil des ministres. Face à l’escalade du déficit public, le Premier ministre Michel Barnier souhaite reporter de six mois la hausse des retraites de base. La revalorisation, initialement prévue le 1er janvier, serait reportée au 1er juillet.

Selon le ministère du Travail, ce report libérerait « environ 4 milliards d’euros d’économies ». Mais quel serait le manque à gagner pour les retraités ? Comment le gouvernement justifie-t-il ce choix ? Franceinfo répond à cinq questions sur cette mesure qui a déjà suscité de vives réactions dans la classe politique et parmi les syndicats.

1 Combien de retraités seraient concernés par cette mesure ?

Cette mesure cible plus de 14 millions de retraités affiliés à régimes de base obligatoires, selon les chiffres communiqués en janvier dernier par le site service-public, lors de la précédente revalorisation des retraites. Il s’agit notamment des anciens salariés du secteur privé du régime général, des fonctionnaires, ou encore des retraités affiliés à la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales. En revanche, le report souhaité par le gouvernement ne concerne pas les retraites complémentaires, dont les régimes « avoir leurs propres règles de réévaluation »ajoute le portail d’administration.

Le montant de la réévaluation est calculé en fonction de l’évolution des prix au cours des douze derniers mois. Au 1er juillet, compte tenu des prévisions d’inflation du gouvernement, la hausse de la pension de base devrait être d’environ 1,8 %. Pour un retraité « qui bénéficie d’une pension de retraite de 1 500 euros », le manque à gagner « il aura 15 ans euros par mois pour les six mois de janvier à juin »calcule le président du Conseil d’orientation des retraites (COR), Gilbert This.

2 Les gouvernements précédents ont-ils déjà pris des décisions similaires ?

Oui, même si, en théorie, l’indexation des pensions de retraite à l’inflation est prévue par la loi. Traditionnellement, ils sont automatiquement réévalués au 1er janvier. Des augmentations supplémentaires au cours de l’année peuvent survenir en fonction du niveau des prix. Par exemple, en 2022, en pleine crise inflationniste, les retraites de base ont augmenté de 1,1 % en janvier, puis de 4 % à l’été.

En pratique, ces règles ne sont pas toujours appliquées. Certains gouvernements ont parfois choisi de décaler de quelques mois la revalorisation annuelle pour faire des économies, comme l’envisage Michel Barnier. En 2014 et 2016, les retraites de base ont été gelées, note la Direction générale des finances publiques. A l’époque, le gouvernement socialiste justifiait cette décision en arguant que l’inflation était quasi nulle, rappelle Radio France. En 2018, sous Emmanuel Macron, ils n’ont pas non plus augmenté. Puis, en 2019 et 2020, ils ont bénéficié d’un coup de pouce, mais en dessous du niveau de l’inflation.

3 Comment le gouvernement justifie-t-il ce choix ?

« Nous devons tous faire un effort et retrousser nos manches » rétablir les comptes publics, a déclaré dimanche le Premier ministre. Dans une interview avec La Tribune dimancheMichel Barnier juge que le report de la revalorisation des retraites représente un « un effort raisonnable, qui reflète cet effort collectif et partagé ». De son côté, le ministre du Budget a affirmé jeudi sur France 2 que les retraites avaient augmenté de 5,3% en janvier, « pour une inflation d’environ 2% » d’ici la fin de l’année. Laurent Saint-Martin estime que ce report de la hausse des retraites l’an prochain est un « lisser » par rapport à cette année.

L’idée de jouer sur l’indexation des retraites pour freiner les dépenses était dans l’air depuis le printemps. L’ancien ministre du Budget, Thomas Cazenave, y avait fait allusion en février. En juin, après la dissolution de l’Assemblée nationale, Emmanuel Macron s’est pourtant engagé à maintenir l’indexation des retraites sur l’inflation en 2025. La solution adoptée par Michel Barnier permettrait donc aux retraités de contribuer à l’effort. budget, sans contredire totalement l’engagement du chef de l’Etat.

4 Que disent les données sur le niveau de vie des retraités ?

La proposition a refait surface le débat sur le niveau de vie des retraités. Dans un communiqué publié Vendredi, neuf syndicats  » protestent contre cette mesure qui va encore dégrader le pouvoir d’achat des retraités qui ne bénéficieront d’aucun ajustement pendant 18 mois (du 1er janvier 2024 au 1er juillet 2025)« . Dans son dernier rapport annuel (en PDF)publié en juin, le Conseil d’orientation de la retraite avance que le niveau de vie moyen des retraités est « généralement équivalente à celle de l’ensemble de la population ». En 2021, elle s’élève à 2 188 euros par mois, contre 2 218 euros pour l’ensemble de la population et 2 428 euros pour les actifs.

Le niveau de vie des retraités a « beaucoup de progrès » au cours des cinq dernières décennies, selon le COR. Cette tendance peut s’expliquer par divers facteurs, comme la mise en place de pensions minimales ou même améliorer les carrières des femmes. Depuis le milieu des années 1990, le niveau de vie des retraités a « rattrapé » celui de l’ensemble de la population et est resté « relativement stable ».

Cependant, cet indicateur est en baisse depuis 2017, « notamment parce que les ménages actifs ont bénéficié de mesures visant à augmenter les revenus du travail » et parce que le chômage a diminué. A très court terme, « le niveau de vie relatif des retraités augmenterait de 2024 à 2026 », sous l’effet des hausses de retraites liées à l’inflation et de l’augmentation du minimum contributif (le Mico) introduite dans la réforme des retraites de 2023. En revanche, à long terme, il devrait diminuer, selon le COR, qui anticipe que les pensions de retraite augmenteront moins vite que les revenus des actifs.

Enfin, ces données sont des moyennes, qui peuvent cacher de fortes disparités entre retraités. Deux millions de seniors vivent sous le seuil de pauvreté, notamment les femmes et les célibataires, prévient l’association Les Petits Frères des Pauvres dans un rapport publié le 30 septembre. Proportionnellement cependant, les personnes âgées de 65 à 74 ans sont moins touchées par la pauvreté (10,6% d’entre elles). ) que la population générale (14,4%), selon les chiffres de l’Insee.

5 Cette proposition a-t-elle des chances d’aboutir ?

La proposition a provoqué un tollé au sein de la classe politique, notamment parmi certains macronistes et représentants de droite. « Concernant les plus petites retraites, je pense qu’il ne faut pas tergiverser sur leur indexation car on sait que les petits retraités ont du mal à joindre les deux bouts »a réagi dimanche sur BFMTV Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée et députée Renaissance. L’ancien ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, estime parmi Échos qu’il serait « absurde » reporter la réévaluation, « et en même temps revenir à une réforme des retraites qui entraînerait davantage de dépenses ».

A gauche, le député LFI et président de la commission des finances à l’Assemblée, Eric Coquerel, voit sur franceinfo un « mesure injuste » qui demande « Les retraités doivent payer tous les cadeaux fiscaux accordés aux plus riches »mais aussi un « mesure économiquement stupide »ce qui réduit la consommation des ménages. Du côté du Rassemblement National, Marine Le Pen entend également s’opposer à cette mesure, jugeant sur X qu’elle reviendrait à «voler des milliards d’euros de pouvoir d’achat à nos aînés.

Le Premier ministre confie La Tribune que le chef des députés de la Droite Républicaine, Laurent Wauquiez, lui a également fait part de son scepticisme. Face à ces nombreuses oppositions et à l’absence de majorité claire à l’Assemblée, Michel Barnier a déclaré qu’il « ouvert à trouver d’autres solutions dans le cadre du débat parlementaire ». « Les parlementaires ont la possibilité, comme sur d’autres sujets, de modifier le texte, à condition de trouver des économies équivalentes », tente de calmer le chef du gouvernement.

Cammile Bussière

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