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Cinq médailles d’or en cinq Jeux, le lutteur cubain Mijaín López efface Carl Lewis et Michael Phelps – Libération

Cinq médailles d’or en cinq Jeux, le lutteur cubain Mijaín López efface Carl Lewis et Michael Phelps – Libération

Le Crépuscule d’une Légende

A 41 ans, celui que l’on surnomme « le Terrible », « le Comandante » ou encore « le Guérilla » a battu un autre lutteur cubain, Yasmani Acosta, portant les couleurs du Chili, en finale de lutte gréco-romaine dans la catégorie des -130kg. Avant de poser ses chaussures au centre du tapis : il ne combattra plus jamais.

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Pendant deux jours, du côté de l’Arena Champs-de-Mars, une divinité gréco-romaine a marché parmi les hommes. Arbitres, spectateurs, journalistes et même adversaires : à côté de Mijaín López, la fierté de Cuba, il n’y a que des nains. Le « Terrible », le « Commandante », le « Géant de Herradura » (son village natal), le « Guérillero » : choisissez votre surnom préféré… Avec son sourire d’ogre, ses oreilles de cartilage mâché, sa bouche pleine de dents en or et ses 130 kilos de muscles d’ébène, l’invincible vétéran (42 ans à la fin du mois) évoque aussi bien le monstre Shrek qu’un bronze de Rodin.

Mardi 6 août, après avoir remporté sa cinquième médaille d’or en cinq JO consécutifs sans jamais être inquiété (personne, ni Michael Phelps, ni Carl Lewis n’a jamais fait ça), dans un moment sublime, la salle debout, il s’est lentement agenouillé au cœur du cercle. Il a délacé ses chaussures, les a embrassées, les a levées vers le ciel puis les a déposées au centre du tapis. Les lutteurs savent tous ce que cela signifie : il ne combattra plus jamais. Comme si, une fois entré dans la légende, il fallait la quitter immédiatement, en chaussettes. López ne sourit plus. La veille, celui dont les débuts olympiques (et la seule défaite) remontent à Athènes, il y a 20 ans, avait prévenu que ce serait le cas : « La lutte a été toute ma vie, la lutte a été l’amour de ma vie ».

Ironiquement, en finale, il a dû battre un « frère » (ses mots), c’est-à-dire un Cubain, Yasmani Acosta, battant pavillon chilien. Le combat, sous les yeux de Thomas Bach, le ponte du CIO, légèrement hué, fut une formalité. « Tout continuera comme d’habitude »« Il a été très difficile de le faire, mais il n’a pas été capable de le faire, il a été très difficile de le faire, il a été très difficile de le faire, il a été très difficile de le faire, il a été très difficile de le faire, il avait raconté à un journaliste de l’AFP venu l’interviewer six mois plus tôt. En effet : Acosta, comme s’il ne voulait pas interférer dans l’histoire qui devait s’écrire, n’a rien fait, ou presque, puni deux fois pour passivité et envoyé au « par terre » (la position couchée infligée au lutteur trop timide) pour être retourné à chaque fois. C’est 6-0 au bout des deux rounds. Pour fêter ça, López assène un « suplex », doux et festif, à son entraîneur de petite taille, Raul Trujillo, qui, une fois relevé, pleure toutes les larmes de son corps, la tête dans les côtes de son protégé XXL (il arrive à peu près au niveau de ses tétons).

Mascotte du régime de Castro

La veille, pour son entrée en lice dans la compétition, Lopez n’avait fait qu’une bouchée (7-0) du Sud-Coréen placé sur sa route. Puis il avait dévoré l’Iranien Amin Mirzazadeh, champion du monde en titre, annoncé par le speaker comme « l’homme le plus grand de la planète catch aujourd’hui » en le retournant de « par terre » comme s’il s’agissait d’un enfant. Alors que la plupart des lutteurs, pendant la courte pause entre les deux rounds, sont éventés par leurs coachs avec une grande serviette comme des moteurs en surchauffe, López attend impassible, vaguement massé par son coach. Pour la demi-finale, Sabah Shariati, un autre Iranien, mais naturalisé azerbaïdjanais, a eu quasiment le même rythme (4-1), se faisant même dominer sur une rare phase de « par terre » infligée à López.

Mascotte du régime castriste, Lopez avait été réticent ces dernières années à quitter son île. Ainsi, personne ne l’avait vu combattre depuis Tokyo, hormis ceux qui l’avaient côtoyé ces derniers mois en Bulgarie et en Croatie, où le quadragénaire était venu discrètement se peaufiner avant les Jeux de Paris. Son programme, comme toujours, était de « S’entraîner comme un cheval »malgré, selon son staff, quatre hernies discales.

« Camarade »

Dans le monde multipolaire des lutteurs – peuplé de Caucasiens rugueux aux épaules rasées, de Japonais anguleux et de boursiers universitaires américains – les « Grecos », qui se réclament le plus directement de leur ascendance antique, sont vus comme des puristes. Et, dans ce monde, la catégorie des moins de 130 kilos est le royaume du mythe, celui des surhommes, comme le Russe Alexandre Kareline. Car avant le règne interminable de « López le Terrible », il y eut celui d’« Alexandre le Grand », un autre « camarade » qui, au cours des deux dernières décennies du XXe siècle, n’avait perdu que deux combats sur ses 889 disputés. L’un d’eux étant, hélas pour lui, la finale des Jeux de Sydney en 2000.

Les deux géants rouges semblent rejouer le même destin. Kareline, disait-on, s’entraînait en gravissant les escaliers des cités staliniennes avec une machine à laver sur le dos. Lopez, lui, doit ses biceps herculéens aux cageots de légumes qu’il soulevait à bout de bras tout au long de son enfance démunie à la campagne. Après être tombé de l’Olympe (mais avec trois titres à son actif, que personne ne pensait pouvoir égaler), Kareline est devenu député poutinien. Et, après vingt ans à la Douma, le maître du Kremlin l’a même fait sénateur. Le nouveau député Lopez, lui, siège depuis un an à l’Assemblée nationale du pouvoir populaire à La Havane. Attention, a tenu à rassurer son entraîneur Raul Trujillo, avant même la tenue de la finale, Lopez reste « un homme simple ». Avant d’ajouter : « Mais si Dieu lui a donné l’opportunité d’être le plus grand de l’histoire, pourquoi ne pas en profiter ? »

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