Cinq façons de restaurer la confiance
► Développer une pensée critique face à la désinformation
» L’information est un bien commun « , tel est le postulat des états généraux de l’information (EGI) qui proposent de renforcer l’esprit critique des élèves dès la maternelle. Pour généraliser l’éducation aux médias et à l’information (EMI), au-delà de la semaine de la presse ou de quelques modules épars, ils recommandent de l’inclure dans les programmes scolaires du collège dès la rentrée 2024 – donc de manière obligatoire. » L‘L’éducation aux médias dépend aujourd’hui trop de l’initiative des associations, de certains enseignants ou des parents d’élèves. Pourtant, elle est essentielle « , insiste Maxence Lenglart-Lecomte, rapporteur général.
Des mesures qu’Alexis Lévrier, historien des médias, juge pertinentes : « La semaine de presse à l’école ne suffit pas. Les élèves ont besoin d’une formation continue. « En outre, l’EGI souligne la nécessité d’élargir la sensibilisation des citoyens à la désinformation au niveau des universités et des entreprises. » Tout est une question de moyensprévient l’historienIl faut accepter d’investir dans la formation. »
► Protéger le travail des journalistes
Comment préserver l’indépendance des rédactions vis-à-vis des actionnaires ? C’était l’une des questions brûlantes de ce travail, après la crise qui a débuté en JDD – désormais propriété de Vincent Bolloré – en nommant à sa tête le journaliste d’extrême droite Geoffroy Lejeune. Dans ce cadre, les EGI souhaitent renforcer la loi Bloche du 14 novembre 2016 relative à la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias. Il s’agirait d’obliger ces derniers à rendre public leur code de déontologie, de généraliser les comités d’éthique au sein des rédactions et d’instaurer un statut de salarié protégé pour le président de la société des journalistes.
Mais le rapport indique également que « Le comité directeur n’a pas retenu les propositions les plus restrictives pour l’actionnaire. Il en résulte des mesures trop timides selon Alexis Lévrier : « Les actionnaires comme Bolloré savent contourner ces obligations. La seule véritable solution serait le droit d’approbation, c’est-à-dire que les journalistes pourraient s’opposer à la nomination d’un directeur de rédaction.. L’EGI a renoncé à inverser le rapport de force. »
La commission propose également de clarifier la loi de 2010 sur la liberté de la presse, afin de renforcer la protection du secret des sources des journalistes – une question qui s’est récemment posée lors de la garde à vue de la journaliste Ariane Lavrilleux en 2023. Il s’agit aussi de définir pour la première fois les procédures de bâillonnement, ces actions judiciaires menées contre les journalistes afin de les empêcher de divulguer des informations. Il faudrait que le gouvernement actuel prenne cette responsabilité, ce dont je doute. « , tempère Patrick Eveno, président de l’Observatoire de l’éthique de l’information.
► Réglementer l’information sur Internet
Blogueurs, YouTubeurs, TikTokeurs… Sur les plateformes numériques, les journalistes ne sont plus les seuls à informer. Cependant, les influenceurs, non soumis aux mêmes règles que les médias, deviennent souvent « super-diffuseurs de fausses informations »selon le rapport. Ce dernier propose ainsi de créer un label, similaire à celui de la Initiative pour la confiance dans le journalisme (JTI) lancé fin 2019 par Reporters sans frontières pour récompenser le respect des normes professionnelles et de l’éthique.
Le label proposé par l’EGI aux influenceurs de l’information leur permettrait d’être encadrés et reconnus par les pouvoirs publics, à condition qu’ils s’engagent à « la levée de l’anonymat et la qualité des sources « , entre autres. « « Être labellisé sera un gage de qualité »justifie Anne Perrot, membre du comité de pilotage.
► Renforcer la responsabilité des médias et des annonceurs
La confiance se mérite. Le rapport vise également à responsabiliser les entreprises de médias en leur offrant le statut de « société à mission d’information ». Libres d’adapter leur modèle, les éditeurs devraient ainsi définir « leurs objectifs d’intérêt général » y compris des obligations, telles que « inclure au moins 25% de journalistes titulaires d’une carte de presse ou d’un diplôme d’une école reconnue « , » contribuer aux politiques publiques en matière d’éducation aux médias » Ou « impliquer les journalistes dans la gouvernance de la société « .
En échange de cet effort, les entreprises de médias pourraient voir leur aide à la presse augmentée par l’État. Cela suppose que les aides publiques ne soient plus orientées de manière indifférenciée, ce qui avantage les grands groupes, mais en fonction de l’indépendance des rédactions et de leurs engagements. C’est sain, à condition que les critères soient stricts, fiables et identifiés. » commente Alexis Lévrier.
Toujours dans la volonté d’allouer de nouvelles ressources aux médias, les EGI incitent l’État à mettre en place une nouvelle taxe sur les plateformes numériques (GAFAM), qui captent la publicité numérique et ses richesses, avec pour effet d’appauvrir le modèle économique des entreprises de presse. Les acteurs économiques seraient également incités à investir dans les médias d’information, dans le cadre d’une « responsabilité démocratique ».
► Renforcer le pluralisme
Vincent Bolloré, Daniel Kretinsky, Xavier Niel, Rodolphe Saadé… Une douzaine de milliardaires possèdent plus de la moitié des médias français « , a expliqué à La Croix Le sénateur David Assouline, rapporteur de la commission d’enquête sur la concentration des médias français en 2022. Il ne fait toutefois aucun doute qu’un degré excessif de concentration dans les médias d’information peut nuire à l’expression du pluralisme. « , soutient le rapport de l’EGI. Pour garantir le pluralisme, selon sa commission, il faut réformer la loi actuelle de 1986, relative à la liberté de communication audiovisuelle.
« Il s’agit de recalculer le seuil de concentration, en fonction du pouvoir d’influence réel des médias, de leur » atteindre « , c’est-à-dire leur capacité à atteindre les lecteurs, les auditeurs et les téléspectateurs. Le calcul prend également en compte la diversité du contenu médiatique « , explique Anne Perrot. L’Autorité de régulation de l’audiovisuel (Arcom) verrait ainsi ses missions évoluer, allant jusqu’à un examen multimédia » 360 degrés « , plus adapté aux réseaux sociaux.
Bien que les propositions aient déjà été soumises au Président de la République, la plupart d’entre elles exigent désormais que « le législateur et la volonté politique s’en emparent « , comme nous le rappelle encore Anne Perrot. » Rien n’est moins sûr. « , selon Alexis Lévrier, dans le contexte politique incertain que connaît la France aujourd’hui.
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