Cinq choses à savoir sur « La Noire de… », le premier long métrage du « père du cinéma africain » Ousmane Sembène
Le film a reçu le prix Jean Vigo en 1966. Sa version restaurée est à redécouvrir sur les écrans français.
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Diouana, une jeune nounou sénégalaise, met le cap sur Antibes avec ses patrons français. Elle pense avoir l’opportunité de découvrir la France, mais son destin est celui d’une femme de ménage à tout faire. Choisira-t-elle de subir son sort ? Le premier long métrage du cinéaste sénégalais Ousmane Sembène, considéré comme « le père du cinéma africain », sort dans les salles françaises en version restaurée mercredi 9 octobre. Avec Thierno Ibrahima Dia, auteur de deux livres sur Ousmane Sembène, c’est l’occasion pour en savoir plus sur cette œuvre majeure du cinéma africain.
1Sembène rompt avec les codes et renverse les préjugés coloniaux
D’abord d’un point de vue formel. « Le noir et blanc lui donne cette sorte d’intemporalité. C’est un film très cadré, très composé, très carré. Sembène n’a jamais cherché la virtuosité à travers la caméra »souligne Thierno Ibrahima Dia, historien et sociologue du cinéma qui est l’auteur de deux ouvrages sur le cinéaste. « Il y a à la fois un travail de mise en scène (comment je déplace les personnages et les objets dans l’espace) et un travail de mise en scène (comment je positionne la caméra). À l’époque, c’étaient des métiers différents. Il y avait assistant-réalisateur et assistant-réalisateur. Aujourd’hui, les deux sont Jusque dans les années 1970, ces deux métiers étaient très cloisonnés. » A l’époque, Ousmane Sembène portait les deux casquettes.
Par ailleurs, « il torpille tous les fondements du cinéma colonial qui érige l’Afrique en terre de relégation, en terre de douleur. Or, pour Diouana, mais aussi Madame, la patronne française, le continent est la terre de la jouissance, du bonheur. , l’Europe devient une terre ossifiée. Il y a un renversement des préjugés. « Mais c’est très discret »note Thierno Ibrahima Dia. De même, » les espaces ne s’affirment pas de la même manière. Quand on est au Sénégal, les espaces sont ouverts alors qu’en France, ils sont fermés, fermés et contraints. Le regard se heurte toujours à un obstacle. Il prend le regard inverse de tout ce que images produites par les cinémas coloniaux, y compris Hollywood ».
Essentiellement, Le Noir de…est une série d’inversions. « Elle propose une alter-représentation, au même sens que l’altermondialisation, c’est-à-dire une autre représentation qui change l’axe de notre regard par rapport à une représentation négative parce qu’elle est partielle ou partielle.« .
2Diouana Gomis, une obsession artistique
Le Noir de… est inspiré d’une histoire vraie. La fiction est la troisième œuvre consacrée à l’histoire tragique de son héroïne, Diouana Gomis. « Elle est originaire de Casamance, Sembène est également née en Casamance. Le cinéaste a vu cet article dans Belle matinéeJe crois » De cette histoire, il fit d’abord un poème, puis une nouvelle en Voltaïque avant de passer à la fiction. « Il a eu très tôt l’idée de faire ce film pour qu’il ne soit pas simplement ‘une femme noire qui s’est suicidée dans la baignoire de ses patrons blancs‘. Cela lui donne une identité et une voix, même si elle est interne. C’est la métaphore de l’Afrique qui sort à peine du joug colonial. C’est une façon de retrouver sa voix. Même si elle est intérieure, sourde, elle reste une voix.
3Un film qui consacre Ousmane Sembène sur la scène panafricaine et internationale
Le film, présenté à la Semaine de la Critique en 1966, « lui vaudra d’être membre du jury du Festival de Cannes l’année suivante », rappelle Thierno Ibrahima Dia. « Ce film a également eu un impact sur les cinémas africains. Tahar Cheriaa, le Tunisien qui lançait les Journées Cinématographiques de Carthage (JCC) et qui a découvert son film à Cannes, lui a demandé d’être son partenaire dans cette aventure. Ce qui a donné cette dimension panafricaine au JCC que recherchait Tahar Cheriaa »dit Thierno Ibrahima Dia.
4Mbissine Thérèse Diop, une égérie pour Sembène
L’actrice sénégalaise, à qui la réalisatrice franco-sénégalaise Maïmouna Doucouré a confié un rôle dans Mignonfait partie de la première génération d’actrices d’Afrique subsaharienne. Elle était couturière, avant d’être repérée par Ousmane Sembène pour son film. Il s’agit de leurs deux premiers longs métrages. « Elle représente une égérie pour Ousmane Sembène. Elle est indissociable du cinéma de Sembène même si elle n’est pas présente dans tous ses films. souligne Thierno Ibrahima Dia.
5« La Noire de… » existait avec une partie colorée
Récompensé à plusieurs reprises, notamment le prix Jean Vigo en 1966, et le Tanit d’or aux JCC, le film connaît une version longue, avec une partie en couleur. « Il a dû couper la couleur car il n’avait pas à l’époque toutes les certifications nécessaires : il n’avait pas de carte de réalisateur professionnel en France. »explique Thierno Ibrahim Dia. Le montage du film couramment utilisé a été réduit à soixante minutes.