cinq chiffres pour comprendre l’ampleur du phénomène
Ne plus aller au restaurant, renoncer aux cadeaux de Noël, sauter un repas… Le rapport de l’association Les Petits Frères des Pauvres sur la pauvreté des personnes âgées, publié ce lundi 30 septembre, révèle que cette précarité n’a aucun impact juste le cadre de vie. C’est aussi un facteur d’isolement important.
« Malgré les mesures qui se sont multipliées au cours des quinze dernières années, la pauvreté continue de croître chez les aînés. Le phénomène s’est accéléré avec la crise sanitaire et l’inflation. » alerte Quentin Llewellyn, directeur consultant à l’institut de sondage CSA, qui a réalisé l’enquête (1) pour les Petits Frères des Pauvres.
► 10% de seniors sous le seuil de pauvreté
Après avoir stagné pendant plusieurs années autour de 9 %, le taux de pauvreté des seniors repart à la hausse. Selon les statistiques, en 2022, plus d’une personne âgée sur dix vivait sous le seuil de pauvreté (1 216 € pour une personne seule).
Chez les 65-74 ans, 10,6% des seniors vivaient sous le seuil de pauvreté, soit une augmentation de 3,2 points en cinq ans. Pour les 75 ans et plus, le constat est similaire : le taux de pauvreté atteint 11,4%, correspondant à une hausse de 5,4 points depuis 2016. Celui-ci reste toutefois inférieur à la moyenne nationale de 14,4%.
► Sept seniors sur dix déclarent être défavorisés
Les seniors pauvres déclarent très largement (69% d’entre eux) devoir se priver dans des domaines comme les sorties, le chauffage ou l’alimentation. Une situation qui affecte leurs liens sociaux, notamment pour les couples, les personnes aux très faibles revenus et celles vivant en milieu rural.
Près d’une personne âgée sur deux évite de sortir au restaurant au cours de l’année. Plus de quatre d’entre eux sur dix (41%) avouent réduire leurs déplacements et renoncer aux vacances. Un quart des seniors ont d’ailleurs dû s’abstenir d’inviter leurs proches et arrêter de chauffer en 2023.
► Plus de la moitié des seniors pauvres sont des femmes
« Les conditions de vie peuvent exacerber la pauvreté. Le sentiment de solitude et d’abandon peut empêcher les personnes âgées de chercher de l’aide auprès de leurs proches et des institutions. précise Yann Lasnier, délégué général de l’association. C’est particulièrement le cas des personnes âgées de 65 ans et plus vivant seules, dont le taux de pauvreté atteint 18,8 %.
Les femmes sont également plus touchées par ce phénomène. Ils représentent 62% des plus de 60 ans vivant sous le seuil de pauvreté. « Au cours de leur vie, ils sont moins payés, ont plus d’arrêts de travail pour raisons familiales et, à la retraite, ils reçoivent moins, tout en vivant plus longtemps », explique Yann Lasnier.
► Les trois quarts des seniors peinent à accéder à l’aide
Pour expliquer cette augmentation des difficultés, l’association pointe du doigt les obstacles que rencontrent les personnes âgées pour accéder aux aides. Lors de l’enquête, 73% des personnes interrogées ont reconnu avoir des difficultés à effectuer des démarches administratives dématérialisées.
Ainsi, une personne sur deux ne reçoit aucune aide et s’estime mal informée. Autre chiffre particulièrement inquiétant : seuls 31 % d’entre eux souhaitent être accompagnés. Par peur d’une stigmatisation ou d’un refus de se reconnaître pauvre, de nombreuses personnes âgées ne demandent pas d’aide. « Être pauvre, c’est celui qui est dans la rue », explique Christine, 61 ans, interrogée par l’association.
► Deux milliards d’euros pour compléter le minimum vieillesse
Pour lutter contre la précarité des personnes âgées, les petits frères des Pauvres ont dressé une liste de 20 recommandations. Parmi eux, l’augmentation du minimum vieillesse. Cette aide, allouée aux personnes à faibles revenus âgées d’au moins 65 ans, s’élève à 1 012 € par mois, un montant inférieur au seuil de pauvreté fixé à 1 216 €, soit un différentiel de 204 €.
Depuis sa création en 1956, le minimum vieillesse constitue le principal outil de lutte contre la pauvreté des personnes âgées. Pour que son montant dépasse le seuil de pauvreté, il faudrait deux milliards d’euros supplémentaires. « Un budget qui pourrait facilement être obtenu en taxant le rachat d’actions », suggère Yann Lasnier, délégué général de l’association.
(1) Enquête CSA auprès d’un échantillon de 755 personnes âgées de 60 ans et plus, vivant sous le seuil de pauvreté, interrogées par téléphone du 5 avril au 2 mai 2024.