Cinq ans après l'élection de Kaïs Saïed, les observateurs dénoncent un retour à la dictature
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Cinq ans après l’élection de Kaïs Saïed, les observateurs dénoncent un retour à la dictature

Censure des médias, opposants emprisonnés… Démocratiquement élu en octobre 2019, le chef de l’État s’est accaparé tous les pouvoirs depuis son coup d’État de juillet 2021.

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Le président tunisien Kaïs Saïed lors d'un voyage en Chine le 31 mai 2024. (TINGSHU WANG / POOL)

L’élection présidentielle en Tunisie aura lieu le 6 octobre 2024. Le président sortant Kaïs Saïed est le grand favori. Face à lui, deux candidats peu connus, dont l’un est en prison depuis la semaine dernière. En 2019, le professeur de droit constitutionnel avait été élu à une écrasante majorité pour redresser un régime alors jugé inefficace et corrompu. Cinq ans plus tard, les observateurs dénoncent un retour à la dictature, assimilant Kaïs Saïed à un nouveau Ben Ali. Le dernier numéro de Jeune Afrique titrage sur « l’hyper président Kaïs Saïed » est interdit à la vente en Tunisie. Une censure largement pratiquée par l’ancien autocrate tunisien.

Comment la dictature revient-elle en Tunisie, décrite comme la première démocratie arabe depuis la révolution de 2011 ? Tout remonte au 25 juillet 2021. Ce jour-là, Kaïs Saïed a gelé les travaux du Parlement et limogé le Premier ministre. L’avocat invoque le blocage des institutions. Depuis la révolution, le régime parlementaire n’a pas réussi à produire une majorité claire. Onze gouvernements se sont succédé en 10 ans. Kaïs Saïed promet de rationaliser le système. Des milliers de Tunisiens descendent dans la rue pour le soutenir. Une grande partie de la société civile applaudit également.

Deux mois plus tard, c’est la douche froide. Le président fait passer des décrets qui lui accordent quasiment les pleins pouvoirs. Dans la nouvelle Constitution ratifiée un an plus tard, la présidentialisation du régime est actée. Par exemple, la justice n’est plus un pouvoir, mais une simple fonction. Le gouvernement peut muter les juges à sa guise. Les partis politiques ont interdiction de faire campagne, quand leurs bureaux ne sont pas fermés comme pour Ennahdha. Le parti islamiste était le premier parti du pays avant le coup d’État de 2021.

Une fois l’effet de surprise passé, l’opposition a eu du mal à s’organiser. Un Front de salut national a été créé. Mais il regroupe des islamistes, des libéraux et des militants de gauche. Il a été difficile pour ce front d’avoir une stratégie cohérente. La société civile, très forte en Tunisie, a eu et a toujours du mal à se réorganiser. De nombreux militants se demandent encore comment ils ont pu soutenir le 25 juillet 2021. D’autres se sont exilés.

La répression existe, bien sûr. Des décrets présidentiels permettent d’arrêter n’importe qui pour la moindre critique du gouvernement. Les principaux dirigeants politiques, des islamistes aux nostalgiques du régime de Ben Ali, sont actuellement en prison. Certains depuis plus de 18 mois, sans date de procès. Des journalistes, des avocats et des militants des droits de l’homme sont également emprisonnés. Le complot, de préférence venant de l’étranger, est le maître mot du régime. Il sert à justifier les arrestations politiques, mais aussi l’inflation et la pénurie de certains produits alimentaires de base.

En 2011, la révolution a commencé avec l’immolation d’un vendeur ambulant. Aujourd’hui, plus que la colère, on sent monter le désenchantement au sein de la population. Les Tunisiens ne croient plus aux représentants politiques. Financièrement, les familles ont du mal à joindre les deux bouts. Le prix de la viande a grimpé en flèche. Quant aux produits subventionnés comme le sucre, le pain et l’huile, ils viennent régulièrement à manquer car l’État n’a plus les moyens de les importer.

La grande confiance dont jouit Kaïs Saïed commence à s’effriter. Lors des deux précédents scrutins, législatifs et locaux, la participation avait tourné autour de 12%. L’enjeu principal de la présidentielle sera donc le taux de participation.

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