Cinéma. Réhabiliter la Milady des Trois Mousquetaires

Dans « Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan », Milady de Winter (Eva Green) ne fait que passer avant de mourir en se jetant du haut des falaises de Douvres. Nous voici privés du sulfureux espion à la beauté du diable, l’une des deux âmes damnées du cardinal de Richelieu, avec le non moins sulfureux Rochefort.
Le deuxième film à suivre, inspiré de Dumas, la fera revenir puisqu’il s’intitulera « Les Trois Mousquetaires : Milady ». Rescapée de sa chute, avec l’aide providentielle d’un parapente d’époque ? Nous ne savons pas.
Marqué d’une fleur de lys sur l’épaule
Mais qui était vraiment Milady de Winter et n’est-il pas temps de la réhabiliter, en partie ? C’est ainsi que, alors que les quatre mousquetaires vont décider de la mort de la jeune femme, sans autre forme de procès, le bourreau de Lille, juge et bourreau, raconte un épisode de sa jeunesse : « Cette jeune femme était autrefois une jeune fille aussi belle qu’elle est aujourd’hui. Elle était religieuse. Un jeune prêtre au cœur simple et croyant servait l’église de ce couvent. Elle entreprit de le séduire et réussit. »
Allez, pauvre prêtre ! Les deux amants volent des vases sacrés et sont arrêtés. Elle séduit son geôlier et s’enfuit, bien sûr ! Le jeune prêtre est marqué par la main du bourreau, mais c’est son propre frère. Il la retrouve et la flétrit à son tour avec une fleur de lys sur l’épaule. Plus tard, elle séduit définitivement un gentleman ! Il l’épouse. Mais à l’occasion d’une chute de cheval, il découvre la fleur de lys. Il la pend sur-le-champ, comme il a le droit de le faire sur ses terres. Ce gentilhomme est le noble Athos. Où est le problème ?
Une « panthère blessée »
Elle a survécu. D’Artagnan, séduit à son tour, se fait passer pour son amant, le comte de Wardes, la nuit pour tenter d’obtenir ses faveurs. Lorsqu’il lui révèle la supercherie et découvre en même temps la fleur de lys, elle rugit comme une « panthère blessée », il est consterné par « ses pupilles horriblement dilatées, ces joues pâles et ces lèvres ensanglantées ». Quel excès, alors qu’il voulait juste abuser d’elle ! Et ainsi de suite. Sinon, Milady de Winter est devenue une espionne, certes, mais au service de la France, contre les intrigues séditieuses des Anglais. Au fond, elle mérite plus le Panthéon que l’enfer. Enfin presque.
Mousquetaires qui ne sont pas à bout de souffle
Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan.
Par Martin Bourboulon, 2 h 1, France.
Après « Eiffel », Martin Bourboulon s’attaque aux « Trois Mousquetaires ». C’est peu dire que le cinéaste n’a pas peur des monuments. Mais plutôt que d’aborder l’œuvre de front, il la contourne, s’éloigne de l’intrigue, voire la trahit pour se la réapproprier et la moderniser. Bien sûr, les fils conducteurs du récit demeurent. Le Gascon d’Artagnan va encore à Paris pour devenir mousquetaire. Athos, Porthos et Aramis, ainsi que Milady, Louis XIII, Anne d’Autriche, Buckingham et Richelieu s’y trouvent également. En plus de remodeler l’histoire de Dumas, Bourboulon instille la comédie romantique, un surplus d’aventure et de thriller. C’est beaucoup pour un seul film. Probablement un peu trop. Et pourtant, ces trois mousquetaires, portés par un casting destiné à séduire tous les publics, des amateurs de cinéma d’auteur aux amateurs de divertissement, s’en sortent plutôt bien. Bourboulon est un bon directeur d’acteurs, un acteur habile et possède le sens du spectacle. Les scènes de combat se déroulent sans encombre, le hors champ est souvent utilisé à bon escient. Et s’ils n’échappent pas parfois à la sentimentalité, « Les Trois Mousquetaires » ont un souffle qui, à défaut de masquer toutes les imperfections, emporte le spectateur.
MM
Grb2