CHRONIQUE. Logement social : en déroute ?
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CHRONIQUE. Logement social : en déroute ?

CHRONIQUE.  Logement social : en déroute ?

Clément Viktorovitch revient chaque semaine sur les débats et enjeux politiques. Dimanche 12 mai : la loi logement, déposée cette semaine au Parlement, et qui prévoit notamment de modifier les règles imposées aux communes en matière de construction de logements sociaux.

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Temps de lecture : 6 minutes

Tout d’abord, il faut revenir un peu en arrière pour comprendre de quoi on parle. En janvier dernier, dans son discours de politique générale, le Premier ministre Gabriel Attal avait surpris tout le monde en annonçant une réforme de la loi SRU. La loi SRU impose aux communes de plus de 3 500 habitants de disposer d’au moins 20 à 25 % de logements sociaux dans leur parc de résidence principale. Ce que proposait Gabriel Attal, c’est qu’une partie de ce quota puisse désormais être atteinte avec des logements intermédiaires, destinés, selon lui, aux classes moyennes. Une annonce qui avait suscité des critiques jusque au sein de la macronie.

Mais cette annonce ne s’est finalement pas retrouvée dans la loi logement : le ministre du Logement, Guillaume Kasbarian, a déjà modifié sa copie. Ce qu’il souhaite changer, c’est le rythme du rattrapage imposé aux communes qui ne respectent pas la loi SRU. Aujourd’hui, ils ont l’obligation de construire chaque année un certain nombre de logements sociaux. Ce sont ces quotas de constructions neuves qui pourront désormais intégrer une part de logements intermédiaires. Le gouvernement assure qu’à terme, on devrait toujours atteindre 20 à 25 % de logements sociaux dans les grandes villes. Cela prendra plus de temps. Mais cela devrait également conduire à la construction d’un plus grand nombre de logements, y compris de logements intermédiaires.

Dans l’immédiat, la conséquence sera principalement un ralentissement de la construction de logements sociaux. Mais nous en avons plus que jamais besoin ! Il y a aujourd’hui 2,6 millions de foyers en attente des HLM : c’est le chiffre officiel en 2023, il n’a jamais été aussi élevé. Selon le dernier rapport de la fondation Abbé Pierre, la France compte plus de quatre millions de personnes mal logées, dont 330 000 à la rue, un nombre qui a plus que doublé. Il y a urgence, en France, pour loger ces personnes.

Les classes moyennes victimes du manque de logements sociaux

Le gouvernement souligne que les Français des classes moyennes ont également du mal à se loger. Et c’est vrai. Mais qu’est-ce que la « classe moyenne » exactement ? Le directeur des études de la Fondation Abbé Pierre, Manuel Domergue, est allé voir les portes des logements intermédiaires. Il nous indique que les plafonds de ressources permettent d’héberger des ménages gagnant jusqu’à 7 500 € par mois, pour un couple avec deux enfants, dans des villes comme Lyon ou Lille. Donc, plus vraiment « classe moyenne », en fait ! La vraie classe moyenne devrait avoir accès au logement social ! Le problème est que leurs demandes ne sont pas les plus urgentes, et sont donc rarement satisfaites… justement parce que nous ne créons pas assez de logements sociaux !

En 2023, 82 000 ont été construites : le chiffre le plus bas depuis 2005. Notamment : une décision prise sous la présidence Macron : le gouvernement a réduit les ressources des bailleurs sociaux, en leur imposant de baisser leurs loyers, pour compenser… la baisse des APL. Contrairement aux effets d’annonce, la politique gouvernementale a donc et continuera d’avoir pour conséquence de priver les familles bourgeoises des logements sociaux auxquels elles devraient avoir droit.

La loi SRU, inapplicable ?

C’est effectivement ce qu’on entend. Et c’est totalement faux. Sur les 2.000 communes concernées par la loi, la moitié a déjà atteint son quota de logements sociaux. La ville de Sceaux, par exemple, en Île-de-France, est passée de 12 % en 2002 à 27 % aujourd’hui.

Il est vrai qu’il existe des communes réfractaires, mais ce ne sont pas n’importe quelles communes. Le calcul a été fait par Hugo Botton, doctorant en sociologie urbaine : si l’on prend les 20 % de communes les plus riches, neuf sur dix ont encore un déficit de logements sociaux. Saint-Maur-des-Fossés par exemple, toujours en Île-de-France, ne peut même pas atteindre les 10 %, et préfère payer 6,5 millions d’euros de pénalités par an plutôt que de se conformer à la loi. Il n’en reste pas moins que plus de la moitié des logements sociaux construits ces 20 dernières années l’ont été dans le cadre de la loi SRU.

La loi a fini par s’imposer, et produire des effets. L’Association des maires de France ne demande pas qu’elle soit remise en cause. Un rapport d’information rendu en avril 2023 par deux députés, Annaïg Le Meur et Vincent Rolland, l’un Renaissance, l’autre Les Républicains, préconisait même de renforcer la loi SRU. Le gouvernement préfère tenter le coup, pour des raisons politiques, mais au détriment des mal-logés, des plus pauvres… et des classes moyennes.

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