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CHRONIQUE. Ingérence extérieure, déclarations politiques… L’ère de la post-vérité

Clément Viktorovitch revient chaque semaine sur les débats et enjeux politiques. Dimanche 26 mai : acte de vandalisme qui a visé le Mémorial de la Shoah à Paris le 14 mai. Des mains rouges aspergées sur le Mur des Justes, en réalité une opération de déstabilisation menée par la Russie.

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Photo d'illustration (RICHARD VILLALON / MAXPPP)

En avril dernier, à Sciences Po Paris, des étudiants brandissaient leurs mains peintes en rouge lors d’une manifestation de soutien à Gaza. Certains veulent y voir un appel au massacre des Juifs, en référence au lynchage des réservistes israéliens à Ramallah en octobre 2000. D’autres, au contraire, soulignent que les mains ensanglantées sont un symbole fréquemment utilisé pour appeler à la fin de la guerre. un massacre. Les mains rouges taguées sur le Mur des Justes le 14 mai semblent mettre un terme à cette polémique. Peu importe ce qu’ont voulu dire les étudiants de Sciences Po, il sera difficile à l’avenir de brandir un symbole entaché par un acte aussi antisémite…

Jusqu’à ce que nous apprenions cette semaine qu’il s’agissait d’une ingérence extérieure, probablement menée par la Russie. Il s’agit en fait du même procédé que pour ces étoiles bleues taguées sur les murs parisiens en octobre dernier. Nous avons découvert qu’il ne s’agissait pas non plus d’actes antisémites, mais plutôt d’une opération russe. Selon la DGSI, il s’agit d’opérations de déstabilisation classiques. Ils visent à « amplifier les fractures de la société française », mettez la main dans les blessures, approfondissez les divisions. En bref : dresser les citoyens les uns contre les autres.

C’est terrible, car ce que Vladimir Poutine exploite pour nous attaquer, c’est à la fois ce qui nous tient le plus à cœur et ce qu’il refuse à son propre peuple : le pluralisme politique. L’idée qu’en France, les débats sont vifs, peut-être. De plus en plus profond et douloureux, sans aucun doute. Mais ils peuvent au moins avoir lieu. C’est cette vertu démocratique qui se retrouve, cyniquement, retournée contre nous pour tenter d’en faire une faiblesse.

On y voit aussi la volonté d’induire une sorte de méfiance systématique : amener les citoyens à douter de tout, y compris des faits. Et je pense que c’est encore plus grave. Que se passera-t-il la prochaine fois que nous découvrirons des tags antisémites ou racistes ? Allons-nous réagir avec force, au risque d’amplifier une opération déstabilisatrice ? Ou allons-nous attendre avec prudence, au risque de laisser passer des faits inacceptables ? Et même, que se passera-t-il demain, lorsque les outils d’intelligence artificielle ne permettront vraiment plus de distinguer le faux du vrai ?

Hannah Arendt disait que ce qui est détruit lorsque le mensonge se généralise est « le sens par lequel nous nous orientons dans le monde réel ». Le problème n’est pas que les mensonges soient acceptés comme vérité. Le problème c’est que plus personne ne croit en rien.

« Si chacun croit en ce qu’il veut, notre capacité à débattre sur des bases communes disparaît. C’est-à-dire le cœur même de la démocratie.

Clément Viktorovitch

sur franceinfo

Malheureusement, il est à craindre que tout cela ne fasse que commencer. D’autant qu’à cet égard, les politiques me semblent aussi avoir une part de responsabilité. Écoutez, ces dernières semaines : Jordan Bardella pense qu’il était « irresponsable d’initier le dégel du corps électoral en Nouvelle-Calédonie avant les Jeux Olympiques ». Le texte constitutionnel a néanmoins été voté avec les voix des députés RN ! N’est-ce pas cohérent ? C’est pas sérieux ! Manon Aubry publie un tweet laissant entendre que Raphaël Glucksmann, François-Xavier Bellamy et Valérie Hayer seraient payés par des lobbies ou des Etats étrangers. C’est faux ? Ce n’est pas grave : le tweet ne sera jamais supprimé ! Valérie Hayer accuse les députés PS de ne pas avoir voté la loi de programmation militaire. En fait, oui, ils avaient voté pour. Mais allez, ce n’est pas grave !

Sarah El Haïry, ministre de la Jeunesse, accuse les étudiants d’avoir mis Sciences Po « à feu et à sang ». Ah, il n’y a pas eu la moindre détérioration ? C’est pas sérieux ! Emmanuel Macron, le président de la République, affirme n’avoir jamais soutenu Gérard Depardieu contre ses victimes. Il n’a pourtant pas dit un mot pour les victimes le 20 décembre, devant les caméras de France 5. Quelqu’un peut-il vérifier ? C’est pas sérieux. Et tout cela ne date que des trois dernières semaines !

Nous sommes (définitivement ?) entrés dans ce que la philosophe Myriam Revault d’Allonnes appelle « l’ère de la post-vérité ». Ce que nous voyons grandir, c’est une indifférence à l’égard de la vérité. Peu importe que ce qui est dit soit vrai ou faux : tout ce qui compte c’est que ce soit efficace, qu’un nombre suffisant de personnes veuillent y croire.

C’est cette situation que rencontrent et amplifient les véritables opérations de désinformation. Je crains que si nous n’y prenons pas garde, il y aura des conséquences néfastes. Un monde dans lequel le discours politique n’est plus lié au réel, où il devient possible de dire tout et n’importe quoi, est un monde où tout peut arriver. Y compris le pire.

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
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