Christian Tein, un leader indépendantiste détenu à 17 000 kilomètres de la Nouvelle-Calédonie
« Bonjour, je suis Anthony Smith, député européen. Je visite votre établissement. » Les deux surveillants du centre pénitentiaire de Mulhouse-Lutterbach (Haut-Rhin) abordent sans hésiter leur interlocuteur pour le saluer. Ils sont habitués à ce genre de rencontre inattendue avec des élus derrière les murs de la prison alsacienne.
Depuis fin juin, une dizaine de sénateurs et députés de gauche ont franchi les portes du « QI », le quartier d’isolement où travaillent ces agents, usant de leur droit de visite des lieux de privation de liberté. L’une des 12 cellules de ce secteur abrite un détenu dont le sort intéresse particulièrement les parlementaires et les journalistes autorisés à les accompagner : Christian Tein.
Emprisonné à Mulhouse le 24 juin
Le militant kanak est l’un des cinq leaders indépendantistes actuellement en détention préventive en métropole pour leur rôle présumé dans les émeutes qui ont éclaté en Nouvelle-Calédonie le 13 mai. Arrêté le 19 juin, il a été transféré en métropole le 23 juin et est arrivé à Mulhouse le lendemain.
Ce leader du mouvement indépendantiste était porte-parole de la cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), organisation créée pour orchestrer la mobilisation contre le dégel du corps électoral en Nouvelle-Calédonie. Accusé d’être l’un des instigateurs de la flambée de violences du printemps, il a été mis en examen notamment pour « complicité de meurtre » Et « association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime ou d’un délit ».
L’affaire est toujours en cours d’instruction à Nouméa. Mais pour Anthony Smith, élu au Parlement européen en juin 2024 sur la liste LFI, Christian Tein est « un prisonnier politique, conservées de manière totalement arbitraire » À 17 000 kilomètres de chez moi.
🚨J’étais à la prison aujourd’hui #Mulhoused’exercer mon droit de visite auprès de Christian Tein, président de la #FLNKS déportés à plus de 17 000 km de chez eux.#Macron mettre le feu à la #Kanakyet emprisonne les voix qui résistent à l’oppression coloniale.
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— Anthony Smith ✊ (@smith51_a) 18 septembre 2024
Ce détenu a été nommé président du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) le 31 août par deux des quatre composantes de l’organisation, un choix symbolique sur fond de fortes divisions internes. « Le président du FLNKS est un interlocuteur de demain, et nous ne mettons pas nos interlocuteurs en prison », martèle l’élu devant la maison d’arrêt de Mulhouse.
A l’intérieur, le député européen est appelé à se montrer plus réservé. « Les discussions ne peuvent porter que sur les conditions de détention », se souvient Laure Haccoun, directrice adjointe du centre pénitentiaire, l’accompagnant dans cet établissement ouvert en novembre 2021 en périphérie de Mulhouse. Les lieux sont présentés comme étant « modèles » par l’administration. Ici, pas de tour de guet, pas de câbles anti-hélicoptères, mais des couloirs aux couleurs vives et une « village d’insertion ».
Des murs couverts de photos
Anthony Smith est surtout là pour voir le chef kanak, qui se trouve dans la cellule numéro 2 du quartier d’isolement. La porte jaune s’ouvre sur des murs en grande partie recouverts de photos prises en Nouvelle-Calédonie, principalement des clichés de famille. Des livres sont alignés sur les étagères, dont une Bible, et une douche occupe un coin de la pièce.
Une plaque de cuisson et un téléviseur complètent l’équipement. « C’est vrai, je suis en isolement, mais les conditions sont bonnes, le personnel est sympa », assure Christian Tein, en pantoufles et survêtement gris. Sur place, il est autorisé à utiliser la salle de musculation et à jouer aux échecs avec un autre détenu de l’unité d’isolement. Sa compagne est également venue lui rendre visite.
Anthony Smith aimerait lui envoyer un message de « solidarité ». « Il y a beaucoup de gens qui pensent à toi tout le temps. » il lui murmure. « J’espère que les choses vont changer pour le mieux », la personne concernée répond sobrement. « C’est bien de savoir qu’il y a des gens qui pensent à nous, mais ça donne un peu de travail au personnel », il continue avec un sourire, en regardant le directeur adjoint et le chef de détention, qui assistent à l’entretien.
Si Christian Tein finit par parler de la Nouvelle-Calédonie après une réunion qui a duré cinq minutes, sans dépasser les limites de l’exercice, c’est pour évoquer Camp-Est, la grande prison proche de Nouméa construite en 1927, dont les conditions insalubres sont régulièrement dénoncées. Il la connaît aussi de l’intérieur : « Cela n’a rien à voir avec ici. Ce serait bien si tu pouvais y aller un jour. »
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