« Choose France » met en lumière un projet contesté d’usine de conversion de cobalt et de nickel dans l’estuaire de la Gironde
Le sommet Choose France, qui a lieu ce lundi à Versailles, met en avant un projet d’usine déjà contesté en Gironde, en raison de possibles risques environnementaux.
Le Figaro Bordeaux
Les Girondins auront-ils aussi le droit de choisir ? Versailles accueille ce lundi 13 mai la septième édition du sommet « Choose France », créé par Emmanuel Macron en 2018 pour les entrepreneurs étrangers. Parmi les 56 projets réunissant 15 milliards d’investissements, un est déjà sous le feu des critiques. Il s’agit d’une usine de conversion de nickel et de cobalt, prévue sur la Garonne, dans l’estuaire de la Gironde. Un projet présenté comme nécessaire à la décarbonation de la production de véhicules électriques, mais qui présente plusieurs risques pour l’environnement.
Le projet EMME (Electro Mobility Materials Europe) est un projet majeur. Chiffré à 480 millions d’euros, il prévoit de créer 200 emplois directs afin de convertir 20 000 tonnes de nickel et 1 500 tonnes de cobalt par an à partir de 2028, afin d’être « un des premiers sites spécialisés dans les applications batteries en Europe et en France », avec l’objectif de produire d’ici 2030 de quoi couvrir l’équivalent de 20 à 30 % du marché français des véhicules électriques. Le lieu choisi pour son installation, le parc des Jalles, fait cependant partie d’un espace naturel, agricole et inondable, couvert à 60 % par des protections environnementales, dont 20 % par Natura 2000.
Le risque d’un événement climatique extrême
« C’est un projet qui n’est pas du tout adapté au territoire pour lequel il est prévu »explique Florence Bougault, de Sepanso Gironde, qui regroupe plusieurs associations de protection de l’environnement. « Les zones autour de la Garonne ne sont pas constructibles et le sont pour de bonnes raisons. » Le militant met en avant les dangers liés au changement climatique, avec des risques de submersion marine et d’inondations provoquées par les précipitations. « Cela semble absurde, quand la préfecture interdit aux riverains de construire ou d’installer une usine en bord de Garonne ».
Même si le porteur de ce projet ambitieux se veut rassurant et précise que des études sont en cours « en cours » pour garantir qu’un accident du travail « ça n’arrive jamais »le risque zéro n’existe pas, et « à cet endroit, il fait bien au-dessus de zéro », souligne Florence Bougault. Sur les trente hectares où devrait être installée l’usine (sur environ 60 hectares appartenant au Grand port maritime de Bordeaux et qui seront dédiés à l’activité industrialo-portuaire), il est notamment prévu de remblayer le terrain de plusieurs mètres, en cas de d’un événement climatique extrême.
Un déni du processus démocratique
L’usine EMME sera également classée Seveso seuil haut, le niveau le plus élevé en termes de dangerosité, car les produits transformés sur place – qui quitteront ensuite l’usine pour servir à fabriquer des batteries ailleurs – sont particulièrement toxiques. « Les deux éléments chimiques que produira cette usine, le sulfate de cobalt et le sulfate de nickel, sont extrêmement miscibles à l’eau », rappelle Florence Bougault. L’estuaire de la Gironde, le plus grand estuaire d’Europe, est aussi un espace naturel abritant de nombreuses espèces protégées. « Construire une usine Seveso entre deux salles (les rivières qui se jettent dans la Garonne, NDLR) aura forcément des répercussions sur les corridors environnants »craint donc Sepanso.
Une pétition a été lancée et a déjà récolté plus de 1 600 signatures. Pour les instigateurs de ce texte, « le risque de contamination des sols et des eaux par l’usine de conversion du nickel et du cobalt est extrêmement élevé avec des conséquences potentiellement graves sur la santé humaine et la biodiversité ». Tout comme Sepanso, ils estiment que l’installation de l’usine EMME dans une zone inondable « mettrait en danger la population de Bordeaux Métropole et l’un des plus grands estuaires d’Europe, crucial pour la biodiversité régionale ». Alors que le projet a déjà été annoncé dans le cadre de « Choose France », des interrogations persistent sur le respect du processus démocratique, car pour l’instant, le quartier n’est pas constructible et une concertation est en cours. En annonçant déjà ce projet, le président de la République semble donc ignorer l’avis des habitants.