Chlordécone : une étude sur la santé cardiaque qui divise
Le 16 août dernier, l’Institut de Cardiologie de Montréal publiait une étude qui mettait en lumière les dangers de l’exposition au chlordécone sur la santé cardiaque. Cette étude largement relayée a mis en lumière la complexité de la recherche autour de cette molécule, qui divise les chercheurs.
Le chlordécone pourrait favoriser l’apparition de problèmes cardiaques, selon une étude menée par des chercheurs de l’Institut de Cardiologie de Montréal et publiée dans le Journal des matières dangereuses. Cette recherche, menée sous la direction du Dr Roddy Hiram, originaire de Guadeloupe, a démontré qu’une ingestion prolongée de chlordécone, via l’eau de boisson, « est associée à une inflammation cardiaque, augmentant ainsi la vulnérabilité aux arythmies cardiaques, y compris la fibrillation auriculaire« .
Mais cette hypothèse n’est pas du goût de tout le monde. L’épidémiologiste Luc Multigner, spécialiste de la question du chlordécone, appelle à la prudence : « Quand je communique avec la population antillaise qui souffre dans son sang de la pollution environnementale par le chlordécone et des conséquences sanitaires qui vont avec, en lui faisant avaler des informations qui peuvent engendrer une anxiété supplémentaire, je trouve cela inapproprié. Ce n’est pas ainsi que l’on fait de la santé publique. » . «
Pour Luc Multigner, directeur de recherche à l’Inserm, les informations diffusées dans ce communiqué ne précisent pas que l’étude a été menée sur des rats et non sur des humains.Autant que je sache, les rats ne sont pas des humains. » réagit-il.
Aucun aspect de notre méthodologie n’est caché.
Une critique à laquelle Roddy Hiram a répondu : «Nous sommes dans le milieu canadien, il y a des organismes qui protègent les animaux et nous devons respecter les règles d’éthique et de déontologie. Donc, quand nous communiquions, nous utilisions le conditionnel pour dire que ce que nous observions pouvait avoir des effets sur la santé humaine. Nous montrons très bien dans notre article que nous avons utilisé des modèles expérimentaux.«
Le chercheur d’origine guadeloupéenne soutient la démarche menée par son laboratoire, notamment en ce qui concerne les tests réalisés sur des rats et non sur des êtres humains.Nous sommes des scientifiques, nous travaillons au niveau clinique. Nous utilisons des modèles translationnels, c’est-à-dire qu’à chaque étape de la démonstration, nous regardons comment cela peut être transposé à l’être humain. » explique-t-il.
Malgré ses propos, Luc Multigner considère tout de même que cette étude est intéressante car elle apporte quelques pistes, mais il estime qu’ils auraient pu aller plus loin dans leur démarche.
L’étape suivante consisterait à tester l’hypothèse selon laquelle l’exposition au chlordécone serait nocive pour l’homme. Mais pour cela, des études épidémiologiques sur des populations humaines sont nécessaires pour confirmer ou infirmer les choses.
Selon Roddy Hiram, tester le chlordécone en l’administrant à des humains serait contraire à l’éthique étant donné la dangerosité de cette molécule. Le Dr Hiram soutient donc l’importance des modèles expérimentaux qu’il a développés dans son étude et propose également la perspective de réaliser des tests supplémentaires. : « Ce qui serait intéressant, c’est d’aller voir des gens qui ont été exposés au chlordécone et de voir dans quelle mesure ils développent des troubles du rythme cardiaque. » . «
« Nous avons ouvert une voie, il s’agit maintenant de l’explorer davantage« , se réjouit Roddy Hiram. Ces deux visions opposées montrent toute la complexité qui existe à ce jour dans la recherche sur le chlordécone et ses effets sur la santé tels que cancer de la prostate, troubles de la fertilité et anomalies fœtales et périnatales.