La dernière campagne des autorités chinoises suscite l'intérêt des propriétaires, encouragés à remplacer leurs vieux appartements par des constructions récentes, à un détail près: ces mêmes propriétaires n'arrivent pas à vendre leurs logements. Ce nouveau programme est censé aider les villes chinoises à se débarrasser d'un volume toujours plus important d'appartements neufs invendus et offrir un peu de liquidités aux promoteurs immobiliers en difficulté. Au 6 mai, plus de 50 villes chinoises avaient lancé leur version de la campagne surnommée "échanger l'ancien pour du neuf", selon une enquête réalisée par la China Index Academy. Pour autant, observateurs, agents immobiliers et promoteurs estiment que l'appétit pour acheter dans l'ancien est faible, suggérant que le ralentissement immobilier que traverse la Chine se poursuivra. "Certaines personnes ont cherché à en savoir davantage sur le programme, mais pour le moment, nous n'avons pas réussi à finaliser de transaction", résume Qin Yo, agent immobilier à Shanghai. "Le plus dur est de réussir à vendre de l'ancien". La plupart des villes participant au programme exigent un acompte qui peut être saisi après deux ou trois mois si les acheteurs ne réussissent pas à vendre leur logement existant pour financer l'acquisition. Les impôts et les frais sont abaissés si la transaction est complétée. Zhou, un agent immobilier de Shenzhen qui n'a donné que son nom de famille, raconte que plus d'une dizaine de personnes ont versé des acomptes, mais que leurs logements "n'ont semble-t-il pas encore été vendus". À Chongqing, une ville de plus de 30 millions d'habitants du sud ouest de la Chine, le programme n'a eu "aucun effet notable" sur la demande, explique un agent immobilier surnommé You. Dans le centre du pays, la ville de Zhengzhou, où vivent 13 millions de personnes , a demandé aux promoteurs d'acheter les logements anciens. Un cadre dirigeant d'un promoteur chinois explique que son entreprise n'a "pas d'intérêt à acheter", car le marché de l'ancien était "en très mauvais état". Un cadre d'un autre promoteur juge que le programme "n'a aucun sens". "Personne n'achète, alors comment vendez-vous votre propriété?", fait-il mine de s'interroger. "CHUTE LIBRE" La demande en logements neufs ou ancien est en recul en Chine, en particulier dans les petites villes, les acheteurs craignant que les prix ne continuent à baisser et que les projets en construction ne soient pas terminés. Le nombre de biens à vendre ne cesse donc d'augmenter, dans le neuf comme dans l'ancien. Au premier trimestre, 395 millions de mètres carrés de logements neufs étaient à vendre, en hausse de 24% sur un an, selon des données officielles. Les ventes de nouveaux logements ont atteint 189,42 millions de mètres carrés sur la même période, en repli de 28% sur un an. Des dizaines de millions d'appartements en construction attendent toujours d'être terminés. Dans l'ancien, le nombre de propriétés à vendre était 20 fois supérieur au nombre de transactions en avril, selon une enquête menée dans 14 villes par le Zhuge Real Estate Data Research Centre. Les annonces ont bondi de 294% sur un an à Shenzhen, et de 39% à Shanghai. "Les ventes sont en chute libre", explique Ma Hing, analyste chez GDDCE Research à Shanghai, qui juge que l'impact du programme d'échange sera limité. "Très peu de personnes osent acheter une maison", ajoute l'analyste. "Sans d'autres outils plus innovants, comme un fonds de stabilisation de l'immobilier, le retournement de marché se poursuivra". Confronté à l'échec de son programme, Pékin réfléchit désormais à permettre aux gouvernements locaux d'acheter des millions de logements invendus, selon des informations de Bloomberg News. "Le gouvernement devra intervenir et gérer l'offre sur le marché de l'ancien si les acteurs continuent d'anticiper un repli des prix", écrivent dans une note publiée cette semaine les analystes de Goldman Sachs. Le programme constitue le dernier effort en date pour revigorer un secteur qui a représenté jusqu'à 20% de l'activité chinoise à son record, mais qui demeure sinistré malgré les nombreuses mesures prises depuis 2022. La Chine a abaissé les taux d'intérêts et les accomptes requis, tandis que la plupart des villes ont assoupli ou supprimé les restrictions à l'achat. Un programme de subventions pour terminer les projets en constructions et accordées aux promoteurs les plus solides connaît aussi des débuts difficiles. Environ 96% des foyers chinois détiennent au moins un logement, les appartements ayant, pendant des décennies, été considérés comme l'investissement le plus sûr. (Rédigé par Marius Zaharia, version française Corentin Chappron, édité par)