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Nouvelles locales

Ousmane Sonko, de l’opposition radicale à la primature

Ousmane Sonko, co-fondateur du parti des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), a été nommé Premier ministre le jour même de l’investiture du nouveau président Bassirou Diomaye Faye, qui a longtemps été son discret bras droit.

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Président Bassirou Diomaye Faye n’aura pas perdu de temps. Quelques heures après avoir prêté serment le 2 avril 2024, il a nommé son Premier ministre : il s’agit d’Ousmane Sonko, son mentor et président du parti des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef). Un Sonko qui ne pouvait pas être candidat au présidentiel à partir du 24 mars 2024 pour des raisons juridiques.

Si le leader politique, farouche rival du président sortant Macky Sall, a œuvré avec ardeur à l’élection de son candidat remplaçant avec pour slogan « Sonko mooy Diomaye, Diomaye mooy Sonko » (« Sonko c’est Diomaye, Diomaye c’est Sonko », en wolof), il n’est pas question pour lui de laisser le nouveau président assumer seul ses responsabilités » cette lourde tâche », comme il l’a expliqué dans un premier discours le soir de son investiture. Trois jours plus tard, le 5 avril au soir, il présentait son nouveau gouvernement « une pause « ,  » rassemblement « ,  » proximité, innovation et efficacité », composé de seulement 25 ministres et cinq secrétaires d’État. Un gouvernement qui incarne « le projet » porté depuis des années par Ousmane Sonko, qui promet un « transformation systémique  » du pays.

Originaire de Casamance, région au sud de Sénégal, l’homme politique de 49 ans a étudié à l’université Gaston Berger de Saint-Louis avant de réussir le concours de l’École nationale d’administration. Il rejoint la direction générale des impôts et des domaines où il crée le premier syndicat de l’administration publique en 2005. Il y rencontre le jeune inspecteur des impôts Bassirou Diomaye Faye avec qui il cofonde le parti Pastef en 2014.

Très vite, il se positionne en opposant antisystème

Très vite, Ousmane Sonko se positionne comme un opposant antisystème et honnête. Jusque-là très peu connu du grand public, il a gagné en popularité lorsqu’il a été radié de la fonction publique en 2016 pour faute. à l’obligation de discrétion professionnelle » après avoir accusé plusieurs personnalités politiques d’avoir bénéficié d’avantages fiscaux illégaux, dont Aliou Sall, le frère de Macky Sall. Un an plus tard, il est élu à l’Assemblée nationale. En 2018, il dénonce les malversations dans la gestion des ressources naturelles du pays dans le livre Pétrole et gaz au Sénégal: Chronique deune spoliationtandis que les premiers barils de pétrole et mètres cubes de gaz devraient être exploités en 2024.

En 2019, il poursuit son ascension et arrive troisième à l’élection présidentielle avec près de 16 % des voix. Souveraineté économique, sortie du franc CFA, anti-néocolonialisme et anti-homosexualité… Son programme séduit un électorat jeune et urbain, ainsi que la diaspora sénégalaise. Il parvient à imposer une image d’homme politique incorruptible et orthodoxe, avec un discours en rupture avec le régime de l’époque. Il revendique l’héritage de l’ancien Premier ministre Mamadou Dia et du Burkinabè Thomas Sankara. Mais ses détracteurs l’accusent de démagogie et de populisme.  » On constate un durcissement de son discours face à un pouvoir fermé à ses propositions. Ousmane Sonko s’inscrit dans une logique panafricaniste et nationaliste sur le plan économique. Alors que le Sénégal a toujours été un pays modéré vis-à-vis de l’Occident, il souhaite revoir les accords et contrats avec la France. », décrypte Ogo Seck, professeur de sciences politiques à l’université Gaston Berger de Saint-Louis.« Il est temps que la France lève son genou de notre cou. Sept siècles de misère faite de traite des êtres humains, de colonisation et de néocolonisation suffisent. Il est temps que la France nous laisse tranquille » , lançait Ousmane Sonko en juillet 2021, lors d’une conférence de presse à Dakar. Des propos qui ont depuis été adoucis, notamment sur le franc CFA ou sur les relations avec la France, afin d’attirer un électorat plus large, dans une logique de conquête du pouvoir.

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Mais cette ascension politique de celui que l’on surnomme parfois « la comète » a été perturbée en février 2021, lorsqu’il a été accusé par Adji Sarr, jeune employée d’un salon de massage, de viols et menaces de mort à répétition. Une affaire judiciaire qui lui coûtera son immunité parlementaire. Il dénonce un « tentative de liquidation politique» menée par le camp au pouvoir pour l’empêcher de se présenter à la présidentielle de février 2024. Les deux opposants Karim Wade et Khalifa Sall avaient déjà été exclus de la présidentielle de 2019 avec des poursuites judiciaires où ils avaient été condamnés à des peines de prison pour trafic illicite. enrichissement et détournement de fonds publics.

Alors qu’il était accompagné de plusieurs milliers de jeunes militants et sympathisants, Ousmane Sonko a été arrêté pour «trouble à l’ordre public » le 3 mars 2021 alors qu’il se rend au tribunal où il est convoqué par le juge d’instruction. S’ensuivent cinq jours de violentes émeutes qui font 14 morts selon Amnesty International et 590 blessés selon la Croix-Rouge. Des heurts au cours desquels des manifestants ont attaqué des magasins, des stations-service et des bâtiments publics. « Nous étions en pleine crise économique post-Covid-19 avec la vie chère, les jeunes se sentaient abandonnés par le pouvoirremet le professeur Ogo Seck dans son contexte.Les jeunes trouvent alors refuge dans le discours de Sonko, pensant qu’il va résoudre les problèmes d’emploi.« . Le responsable politique a finalement été libéré et placé sous contrôle judiciaire après des négociations menées par les autorités religieuses.

Malgré cette affaire suspendue comme une épée de Damoclès au-dessus de sa tête, l’opposant reprend son chemin politique. En septembre 2021, il crée la coalition Yewwi Askan Wi (Libérez le peuple), avec le Parti de l’unité et du rassemblement (PUR) de l’influent chef religieux Serigne Moustapha Sy et le parti Taxawu Sénégal de l’ancien maire de Dakar. Khalifa Sall – avec qui la rupture est désormais totale. Une coalition électorale qui lui a permis de remporter la mairie de Ziguinchor, capitale de son fief en Casamance.

L'opposant sénégalais Ousmane Sonko à Dakar en mars 2021.
L’opposant sénégalais Ousmane Sonko à Dakar en mars 2021. AP – Sylvain Cherkaoui

L’alliance politique tient jusqu’aux élections législatives de juillet 2022 et permet de remporter 56 sièges à l’Assemblée nationale, grâce à une intercoalition avec le Parti démocratique sénégalais (PDS) de l’ancien président Abdoulaye Wade, qui a depuis implosé.

Mais la fin de l’année 2022 est marquée par un retour des déboires judiciaires d’Ousmane Sonko avec une accusation de diffamation par le ministre du Tourisme Mame Mbaye Niang. Le 8 mai 2023, il est condamné en appel à six mois de prison, ce qui lui fait perdre son éligibilité. Une semaine plus tard, il est convoqué pour le procès qui l’oppose à la masseuse Adji Sarr qui l’accusait de viol. Après une longue audience en son absence, il a été condamné le 1er juin à deux ans de prison pour «corruption des jeunesUne condamnation qui a provoqué deux jours d’émeutes dans le pays qui ont fait 23 morts et 350 blessés. Les manifestants soupçonnent Macky Sall de vouloir briguer un troisième mandat en février 2024.

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Si le chef de l’Etat de l’époque abandonne en juillet 2023, la pression ne retombera pas sur celui qui fut son principal adversaire. Il a été arrêté dans le cadre d’une troisième affaire judiciaire dans laquelle il était accusé d’appel à l’insurrection et d’atteinte à la sécurité de l’État. Dans la foulée, son parti a été dissous par les autorités qui se sont justifiées par de fréquents appels de Pastef »aux mouvements insurrectionnels». Alors qu’il faisait une grève de la faim depuis plusieurs semaines, Ousmane Sonko a été radié des listes électorales. Sa candidature à l’élection présidentielle est donc écartée par le Conseil constitutionnel. En novembre 2023, il a donc choisi son discret bras droit, Bassirou Diomaye Faye, comme candidat remplaçant alors que ce dernier était également en prison pour outrage à magistrat.

Après des semaines d’incertitude suite au report de l’élection présidentielle décidé par Macky Sall le 3 février, Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye ont tous deux été libérés le 14 mars grâce à une loi d’amnistie générale. proposé par le président sortant. Ensemble, les deux dirigeants ont fait campagne en une seule semaine avant de remporter l’élection présidentielle dès le premier tour le 24 mars avec plus de 54 % des voix, comme un duo qui devra trouver son équilibre à la tête de l’Etat. .

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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