Plusieurs milliers de personnes ont défilé dans les rues de Paris ce samedi 1er juin en soutien aux Palestiniens. Dans les rangs des manifestants, de nombreux jeunes, tous révoltés par les horreurs perpétrées à Gaza et par la position de la France, loin d’être à la hauteur des enjeux.
Publié le 1 juin 2024
Mis à jour le 1 juin 2024 à 18h46
Publié le 1 juin 2024
Mis à jour le 1 juin 2024 à 18h46
Comme d’autres ici, Jihan croit depuis longtemps à la paix et à son triomphe. Cette croyance ne reposait sur rien, seulement sur sa foi, et cela suffisait. « Ça fait huit mois que je me dis chaque jour que ça va s’arrêter, que ça ne peut pas durer, dit-elle, à l’abri sous son parapluie. Sauf que chaque jour est pire que la veille et que l’escalade de l’horreur est toujours plus grande. ». Autour d’elle, ce samedi 1er juin, sur la place de la République à Paris, une foule dense s’est formée en soutien aux Palestiniens sous le feu de l’armée israélienne à Rafah. Dans les haut-parleurs, un slogan crépite que Jihan, qui jusqu’ici n’avait jamais épousé une cause, répète mot pour mot : « A Gaza comme à Rafah, c’est l’humanité qui est assassinée ! ». « On croit souvent qu’on peut continuer nos petites vies comme si de rien n’était, qu’on peut compartimenter, ignorer ces images d’enfants martyrs. Je ne peux pas le faire, ou je ne peux plus le faire» souffle l’analyste d’affaires de 34 ans. Être ici n’est pas une consolation, mais au moins cela rassure. On se sent moins seuls, et on se bat pour faire entendre notre indignation ». Le sera-t-elle ?
« Nous sommes en train de nous fracturer et nous le devons à la passivité des gouvernements »
De la même manière, Chiara et Nina, 24 et 17 ans, viennent ici pour exprimer toute leur tristesse, crier leur colère. « Ce n’est pas une guerre, c’est un génocide ! » »insiste le second, lycéen en région parisienne. « Il faut juste que ça s’arrête, au moins ça» prolonge le premier, juriste social, qui poursuit les mobilisations cette semaine. Nos dirigeants doivent comprendre qu’il existe une réelle émotion. Je le vois tous les jours sur les réseaux et c’est vraiment impressionnant : des gens d’habitude passifs affichent de l’engagement dans les stories (publication éphémère, NDLR). Il se passe quelque chose et cela ne vient pas vraiment de nulle part ! ». Plus loin, Hikram, 28 ans, travailleur social et militant communiste, fait le même constat, mais s’inquiète : « Tout le monde crée des tensions, tout le monde rejoint un camp. Sur les réseaux, certains demandent à focaliser leurs regards sur Rafah et d’autres demandent où étaient leurs yeux le 7 octobre… J’ai des amis qui ne se parlent plus à cause de ça. Comme si on ne pouvait pas s’indigner des deux ! Nous sommes tous fracturés et nous le devons à la passivité des gouvernements. ».
Des fumigènes explosent, verts, rouges, la foule frappe dans ses mains au rythme des chants antifascistes, Emmanuel Macron est dénoncé pour sa lâcheté… « Cela n’en a pas l’air, mais ce n’est pas une manifestation comme les autres », prévient Zaïn, 20 ans, étudiant en mathématiques à Jussieu. Bien sûr, ce n’est pas la première fois qu’il vient « soutenir sans condition » La Palestine et ses « les gens opprimés » contre le massacre perpétré par le gouvernement d’extrême droite de Benjamin Netanyahu. Mais cette fois il sent un vent nouveau, un » rage » plus grand encore. « Quand j’entends Emmanuel Macron dire qu’il ne faut pas céder à l’émotion en reconnaissant l’Etat de Palestine, ça me rend fou, il a dit. DTout d’abord, nous aurions dû le faire il y a des années. Et puis il ne s’agit pas seulement d’émotions, nous ne sommes pas des êtres hypersensibles, nous parlons d’en finir avec l’inhumanité ! Cela me dégoûte de le voir donner des cours alors qu’il s’est laissé faire dès le début. La France est également complice de cette situation ». A ses côtés, Louis, un camarade de classe, murmure : « Notre président n’entend que des chiffres, alors nous sommes venus lui en apporter un. Combien y en a-t-il aujourd’hui ? Les gens sont dans la rue pour exprimer leur dégoût face au silence et à l’inaction de leur propre pays. ».
Dans les cortèges, le drapeau palestinien n’est pas le seul à défier la grisaille du ciel. Il y a ceux des antifascistes, venus saluer la mémoire de Clément Méric, tué il y a onze ans presque jour pour jour dans la capitale par des skinheads, mais aussi le drapeau Kanaky, fièrement porté par Toa, 30 ans. « On pourrait penser que c’est un mélange étrange et peu cohérent, mais ce n’est pas le cas.il éclaircit aussitôt son visage, tout sourire. Nous luttons tous contre les injustices, l’impérialisme, la colonisation, le droit des peuples à l’autodétermination et l’extrême droite. La situation est grave partout et le début est loin. Nous aurons besoin d’une jeunesse mobilisée pour faire face à tous les défis. Il semble que la réponse ne puisse venir que de la rue. ». Et toujours pas plus haut.