« Chanceux avec l'océan », le surfeur tahitien Kauli Vaast a dompté « la mâchoire d'Hava'e » – Libération
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« Chanceux avec l’océan », le surfeur tahitien Kauli Vaast a dompté « la mâchoire d’Hava’e » – Libération

« Chanceux avec l’océan », le surfeur tahitien Kauli Vaast a dompté « la mâchoire d’Hava’e » – Libération
Le surfeur de 22 ans est devenu champion olympique mardi 6 août en parvenant à surfer à deux reprises sur la vague de Teahupo’o. Celle sur laquelle il s’entraîne depuis son enfance.

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Teahupo’o a choisi son roi, il s’appelle Kauli Vaast. Fidèle à sa réputation, la vague du bout du chemin a choisi son vainqueur, dans la nuit de lundi à mardi 6 août. Et celui qu’elle voulait voir sacré champion olympique ne pouvait pas être l’Australien, Jack Robinson, mais son protégé, l’enfant de Teahupo’o au teint hâlé et au mohawk. Alors « la mâchoire de Hava’e » s’est réveillée trois fois. Trois vagues, et pas une de plus. Kauli, ou « celui qui va dans l’océan » en hawaïen, glissa à grande vitesse dans deux d’entre eux. Deux tubes longs et profonds, d’où il sortit, comme un aito – nom tahitien des guerriers du Pacifique – les bras levés au-dessus de la tête. Devant lui, une foule transcendée par la performance de leur jeune surfeur local de 22 ans explosait de joie.

L’ambiance plutôt réservée des premiers jours a été balayée par une tornade de cris et d’encouragements. Pour la première fois depuis le début de la compétition le 27 juillet, les quelques spectateurs présents sur l’eau ont mis le spot de Teahupo’o sens dessus dessous. Certains supporters agitaient fièrement des drapeaux polynésiens, tandis que des enfants, postés sur les bords des bateaux-taxis, criaient à tue-tête : « Allez Kauli ! » Leia Li était à bord d’un des bateaux. Pour cette Tahitienne de 25 ans, « le temps s’est arrêté », comme figé par la beauté du moment historique. « J’ai ressenti des frissons, c’était excitant, s’exclame-t-elle, le visage illuminé d’un large sourire. « C’est le premier Tahitien à remporter une médaille aux JO et il l’a en plus gagnée chez lui, avec un sport qui vient de chez nous. Cette victoire est celle de Kauli, mais c’est aussi celle des Tahitiens. »

« Les quinze minutes les plus longues de ma vie »

A l’arrière d’un jet ski, Kauli Vaast a poussé plusieurs cris, comme possédé par l’adrénaline de sa finale. Un drapeau français dans une main et un drapeau polynésien dans l’autre, il est arrivé sur le ponton grisé par la victoire et entouré de son frère, Naiki et de sa sœur, Aelan. Non loin de là, au milieu d’une foule de bénévoles et de proches venus acclamer leur champion, son père, Gaël, a murmuré à un ami : « Il l’a fait ! Tu as vu ? Deux vagues, ça suffit ! » La seule absente était sa mère, qui, stressée par le défi, a préféré rester à la maison et faire un peu de jardinage. « Je vais rentrer à la maison et je sais que je vais devoir ratisser parce qu’elle va tout couper », plaisante son fils, à peine sorti de l’eau et déjà impatient de retourner faire un « câlin » à ses parents. « Je gagne pour tout le monde et pour Vahine (Fierro, également tahitien, ndlr) qui malheureusement a perdu trop tôt. Devenir champion olympique à la maison, c’est incroyable ! il exulte. J’ai eu de la chance avec l’océan, il n’y avait pas beaucoup de vagues et j’ai eu les deux premières. »

« Ce furent les quinze minutes les plus longues de ma vie. » admet-il. Mais que demander de plus quand on ouvre le score avec un 9,50 et un 8,17 ? « Le mana était avec moi depuis le début, je le ressentais tous les jours » assure le jeune tricolore, évoquant cette énergie ancestrale tahitienne. De quoi donner confiance au jeune prodige du surf. « Je suis très superstitieux », avait-il déclaré quelques mois plus tôt à Paris. Dans l’eau, le surfeur avait ses petites routines depuis le début de la compétition : éponger la série précédente depuis un jet-ski, jouer avec les patrouille maritimeen chantant, en faisant un gros câlin à son entraîneur Jérémy Flores, avant de monter dans sa bulle sur le bateau de présentation des athlètes. « Il y avait beaucoup de pression, mais il a réussi à la gérer. Nous avons fait en sorte qu’il se sente bien et dans le meilleur état d’esprit possible tout au long du match », se réjouit son entraîneur Jérémy Florès. Tout comme sa coéquipière Johanne Defay, médaillée de bronze, Kauli Vaast a débuté les Jeux par les repêchages. Il est revenu de loin, mais il a gravi les étapes jusqu’en finale, peu importe les conditions imposées par Teahupo’o.

« Passer le flambeau »

« Nous avons surfé dans toutes les conditions : grandes, petites, très petites, onshore, offshore », souligne-t-il. L’occasion pour Kauli Vaast de rappeler qu’il était chez lui ici, sur ce spot qui l’a vu surfer sa première vague à l’âge de 8 ans. Cette même vague où il a progressé, entouré des plus grandes légendes de Teahupo’o. Comme Raimana Van Bastolaer. « C’est comme un père pour moi, c’est grâce à lui que je suis là aujourd’hui. C’est grâce à lui que j’aime Teahupo’o et que c’est devenu ma vague préférée. » il l’avait déjà dit. Aux premières loges de ce succès, son entraîneur Jérémy Florès : «Rangée, rangée, rangée» « C’est mon frère, gogogo, » « Respire, respire » pouvait-on entendre dans la bouche du premier Français vainqueur à Teahupo’o, en 2015.

Avant, ils nageaient l’un vers l’autre pour s’embrasser. Aujourd’hui, à Teahupo’o, l’élève a dépassé le maître. « C’est un passage de flambeau et c’est magnifique. Kauli a pu montrer son vrai visage et son meilleur visage sereinement. » Celle d’un jeune homme compétitif, aussi imprévisible que la vague de Teahupo’o. Sous le regard amusé de ses proches, Kauli Vaast est monté sur la plus haute marche du podium… pieds nus. Un pied de nez à la rigueur olympique.

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