Bourse Entreprise

cette menace qui inquiète (vraiment) la Chine

Donald Trump n’a pas renoncé à son idée de construire un mur. Pour cette campagne présidentielle, le candidat républicain envisage plutôt un mur fiscal. L’ancien président a en effet promis d’imposer un droit de douane universel de 10 ou 20 % sur tous les produits non fabriqués aux États-Unis, et même de 60 % sur les marchandises en provenance de Chine.

Une décision qui s’appliquerait à pas moins de « 3 000 milliards de dollars de produits importés », souligne Antoine Bouët, directeur du Centre de prospective et d’information internationale (Cepii).

SpaceX, Musk et l’espace : les atouts gagnants de Trump ?

Rééquilibrer la balance commerciale

Cette surtaxe massive permettrait à l’économie américaine de réaliser des économies, affirme Donald Trump.  » Il est mercantiliste, c’est-à-dire qu’il juge le succès ou l’échec de son pays en fonction des excédents ou des déficits extérieurs. », définit Bruno Cavalier, économiste chez le gestionnaire d’actifs Oddo BHF, dans une note. Or,  » Trump constatera que le déficit commercial des États-Unis est toujours très important » ajoute l’économiste. Même s’il a diminué de 18 % sur un an, en 2023, le déséquilibre entre exportations et importations américaines s’élève toujours à 773 milliards d’euros. Une situation inacceptable pour le milliardaire, qui accuse la Chine d’en être en grande partie responsable.

L’ancien Empire du Milieu est néanmoins passé de l’équivalent de plus de la moitié du déficit extérieur américain en 2016 à 25 % aujourd’hui. Le Républicain envisage désormais de rééquilibrer complètement la balance. Les importations chinoises représentaient 426 milliards de dollars en 2023, faisant de Pékin le deuxième pays importateur des États-Unis, après le Mexique. Inversement, Washington a exporté pour 148 milliards de dollars de marchandises vers la Chine l’année dernière.

Pour le Républicain donc : « Plus les droits de douane sont élevés, plus une entreprise a de chances de s’implanter aux Etats-Unis » » et produire localement, justifiait-il le 16 octobre.

Forte baisse du PIB chinois

Une conviction qui entraînerait des bouleversements majeurs pour l’économie chinoise et le commerce mondial. Si les droits de douane souhaités par Donald Trump étaient mis en place, les échanges commerciaux entre les Etats-Unis et la Chine pourraient être réduits de 80 % d’ici 2030, selon une étude du Cepii publiée en octobre.

 » La Chine envoie beaucoup de produits électroniques et électroménagers vers l’Amérique et, avec ces taxes, elle pourrait être supplantée par d’autres pays asiatiques dont les produits seraient plus compétitifs. », explique Gary Ng, économiste spécialiste de l’Asie à la banque Natixis.

Les États-Unis défient la Chine en signant un accord sur les semi-conducteurs avec le Vietnam

Dans un tel scénario, le cabinet Roland Berger estime que l’économie chinoise subirait un déficit de 827 milliards de dollars au cours de la prochaine législature, si les Républicains gagnaient également le Parlement. Le Cepii estime que le PIB chinois pourrait même diminuer de 1,3 % entre 2024 et 2029. Et la vague de froid commercial ne se limiterait pas à Pékin.

 » La crise du commerce international serait équivalente à celle connue en 2020 et le PIB mondial pourrait chuter de 0,5 % d’ici 2030 si les pays ciblés mettaient en place des contre-mesures. », prévient Antoine Bouët du Cepii.

Une préoccupation qui n’est cependant pas partagée par tous les observateurs.  » Ce serait important, mais ce ne serait pas la fin du monde pour Pékin, car lors du premier mandat de Trump, les mesures américaines n’ont finalement pas nui à l’économie chinoise. », précise David Gaud, associé au family office (un gestionnaire de fortune) B. Durand Capital Partners, spécialiste de la Chine. L’ancien président avait en effet imposé des droits de douane de 20 % sur les produits chinois en 2019, avant de les annuler grâce à un accord en 2020.

Effets indésirables aux États-Unis

Surtout, Pékin ne serait pas le seul perdant de la proposition choc de Trump. L’économie américaine elle-même pourrait en souffrir grandement. Roland Berger anticipe 749 milliards de dollars de pertes cumulées sur le PIB américain entre 2024 et 2029, dues aux droits de douane. Le Cepii voit même l’économie américaine diminuer de 1,3% au cours du prochain mandat.

De plus,  » il existe un risque fort de hausse des prix des produits importés, ce qui pourrait conduire à une résurgence de l’inflation aux Etats-Unis », prévient Sarah Guillou, directrice du département Innovation et Concurrence à l’OFCE. Selon l’économiste, « il n’est pas du tout certain que la balance commerciale américaine bénéficiera de ces droits de douane à court terme. Cela obligerait les entreprises américaines à produire et exporter davantage, ce qui ne sera pas forcément le cas si leurs coûts de production augmentent. »

 » Une autre théorie est que les droits de douane sont si élevés, si terribles, si odieux, que (les fabricants étrangers) viendront immédiatement » produire aux Etats-Unis, a balayé le républicain dans un discours en octobre, niant le risque d’inflation et de baisse du PIB.

Rien ne dit toutefois s’il saura le mettre en place. Dans  » l’absence d’alignement complet de la Maison Blanche, de la Chambre et du Sénat entraînera des compromis sur les questions budgétaires et fiscales et l’enterrement de mesures très controversées », rappelle Bruno Cavalier, économiste chez Oddo BHF. L’avenir des deux plus grandes économies mondiales ne se décidera donc pas uniquement à la Maison Blanche.