Cette borne d’arcade a presque conduit à la chute de Nintendo !

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Quand Nintendo se lance dans l’arcade

Dans la grande histoire de Nintendo, entre ses chapitres les plus glorieux d’innovation et de succès, il y a encore quelques faux pas. L’un d’eux s’appelle Laser Clay Shooting, un jeu d’arcade qui a failli entraîner la société japonaise dans sa chute, avant de devenir finalement une référence incontournable. L’anecdote remonte à l’aube des années 1970, une époque où Nintendo ne se limitait plus aux jeux de cartes et s’essayait encore à vendre des jouets, comme l’Ultra Hand, un bras télescopique vendu à 1,2 million d’unités, et le Beam Gun, un gadget de tir tout aussi prolifique. L’entreprise lorgne avec enthousiasme de nouveaux secteurs d’activité en vogue, sous la houlette de Gunpei Yokoi, prêt à se jeter corps et âme dans l’industrie du jeu d’arcade et à prêter main forte au président Hiroshi Yamauchi, qui formule une demande très particulière : aidez-le à concevoir une simulation basée sur le tir au pigeon d’argilecette pratique d’entraînement à la chasse qui consiste à tirer en l’air sur des objets composés de brai de pétrole et de calcaire avec une carabine. Le descendant éthique du tir aux pigeons vivants, en somme. La discipline, à la mode dans le pays, trouve grâce auprès de Yamauchi et Yokoi, déjà adeptes des jeux d’armes légères depuis leur conceptualisation des séries Kôsenjû SP et Kôsenjû Custom à usage domestique.

Nous sommes en 1973, une année charnière pour les jeux d’arcade, avec l’apparition de bornes dans les lieux publics. Le public assiste à l’essor des jeux de course avec Space Race d’Atari ainsi qu’aux premiers tournois de air hockey. Nintendo, de son côté, espère s’épanouir dans le domaine prometteur de la simulation de tir. Le lieu des premières expérimentations de Yamauchi n’est pas très difficile à trouver. À cette époque, le Japon regorgeait de terrains désaffectés qui abritaient autrefois des pistes de bowling, dont la popularité a lentement diminué après la Seconde Guerre mondiale, avant de disparaître complètement.Nintendo s’autorise donc le luxe d’installer ses répliques de stands de tir dans une poignée de ces vastes locaux. Sur les murs de béton, ils peignent de grandes forêts luxuriantes bordées de lacs, où défilent des pigeons d’argile. L’idée, lors de la conception du projet, est que les visiteurs viennent s’armer librement de leur réplique de fusil pour tirer sur leur cible, provoquant l’extinction du projecteur puis l’affichage d’une image d’une cible détruite. Lorsqu’il est touché, l’oiseau se disperse et la marque d’impact située devant la plateforme de tir s’illumine. Dans le cas contraire, l’oiseau d’argile s’envole et disparaît. Il s’agit de l’expérience de tournage la plus proche de la réalité à ce jour.. Avant Laser Clay Shooting, les cibles des autres simulations de tir devaient stagner à un endroit fixe pour que la détection fonctionne. Bien que le projet ne soit pas vraiment considéré comme un jeu vidéo au sens strict,« Au lieu de la vidéo électronique, il utilise un film 16 mm projetéil représente le premier pas de Nintendo dans l’industrie.

L’investiture tourne au fiasco

Tout est prêt pour le jour de l’ouverture, celui qui marquera l’une des étapes fatidiques de Nintendo pour devenir bientôt un grand nom des arcades. Mais alors que les premiers visiteurs foulent les immenses salles réinvesties en salles de jeux, les machines tombent en panne, laissant une vague de peur s’emparer des créateurs. La programmation du système est contaminée par un défaut technique majeur qui empêche l’enregistrement des actions du joueur. Le Laser Clay Shooting étant injouable, il n’y a qu’un seul homme pour sauver la mise : Genyo Takeda, dont le talent n’est plus à prouver depuis longtemps. Il est considéré comme le premier concepteur de jeux vidéo de Nintendo, lui qui travaillera plus tard sur EVR Race, la première véritable production vidéoludique de Nintendo. Il est également connu pour son travail sur les franchises Punch-Out‼ et StarTropics. Diplômé en 1970 de l’Université gouvernementale de Shizuoka où il a étudié les semi-conducteurs, il rejoint Nintendo après avoir répondu à une annonce dans un journal et se retrouve ainsi, un beau jour de 1973, à jouer les héros pour sortir ses employeurs d’un fiasco imminent. Doté d’un sang-froid impérial, Takeda se faufile derrière les plateaux de tir au laser et prend le contrôle des pigeons d’argile pour les éliminer manuellement lorsque les clients leur tirent dessus. Il inscrit lui-même chaque point au tableau et fait un travail si efficace que personne ne remarque qu’un seul employé est en train de faire fonctionner le stand, et non un système informatique avancé. La journée se termine et Genyo Takeda devient l’homme qui a sauvé Nintendo d’une catastrophe sans précédent.

Au fil des jours, Laser Clay Shooting System devient rapidement un succès local avant de s’exporter vers d’autres territoires asiatiques et de bénéficier d’énormes campagnes publicitaires avec le célèbre artiste martial Sonny Chiba. Dans les brochures, Nintendo présente son jeu de tir à l’argile comme « un sport qui élimine tout stress« , capable de « captiver le cœur des jeunes et des gens modernes« . Sur les tribunes, désormais lieux de rendez-vous incontournables, les clients sont d’abord invités à se rendre à l’accueil pour remplir une poignée de formulaires qui leur donnent accès à leur arme (il en existe pour les femmes et les hommes), leur cassette de transmission, quelques cartouches et une carte de score. Les joueurs les plus aguerris ont le loisir de venir avec leur propre carabine. Comme lors d’une partie de bowling, il faut enfiler des chaussures spécifiques après quoi, une à quatre personnes peuvent rejoindre une plateforme de tir pour laisser parler la poudre.

L’avis de « bonnes manières » pour Laser Clay :

• Ne pointez pas l’arme vers une autre personne. C’est la règle la plus importante.
• Les tireurs accordent de l’importance aux armes. Manipulez votre arme avec précaution.
• Pliez le fusil en deux lorsque vous le transportez sur le site.
• Ne gênez pas les autres joueurs dans leurs tirs. Le tir est un sport très mental.
• Lorsque le voyant rouge devant la plate-forme de tir est allumé, lorsque vous souhaitez charger les cartouches ou lorsque vous souhaitez mettre les cartouches dans le fusil, utilisez la plate-forme de tir.

Et une crise pétrolière en plus

Malheureusement, la gloire est de courte durée : Laser Clay a été victime de la crise pétrolière de 1973, qui a eu de lourdes conséquences sur l’économie japonaise.Nintendo, qui avait emprunté de grosses sommes d’argent pour développer son activité et construire de nouvelles machines, a vu la plupart de ses commandes annulées. Il lui a fallu pas moins de sept ans pour réunir la somme nécessaire au remboursement d’une dette de 64 millions de dollars. Elle a néanmoins réussi à maintenir le cap grâce à la générosité de ses actionnaires et à quelques succès vidéoludiques qui ont aisément préservé sa bonne réputation. Le Laser Clay Shooting n’a pas été complètement perdu dans cette tourmente ; quelques années plus tard, Il est adapté à un usage domestique sous la forme du Nintendo Kôsenjû Duck Hunt, l’un des derniers jouets électromécaniques créés par Nintendo, aboutissement de plus de dix ans d’ingénierie de l’équipe de recherche et développement de Gunpei Yokoi.

Le kit commercial comprenait un fusil à pompe, une ampoule de rechange, des instructions et un projecteur qui affichait sur le mur l’image d’un canard en vol et détectait les coups de feu. Huit ans plus tard, une nouvelle version de Duck Hunt allait faire son apparition sur la NES, constituant le premier jeu à exploiter le pistolet de la console, le NES Zapper. Une petite innovation qui allait toucher quelques millions de foyers.