Tout ça pour ça, pourrait-on dire. Des dizaines d’audiences, deux juges d’instruction, des gardes à vue, des arrestations, des milliers d’articles de presse, des années d’enquête… Et la relaxe. Ce lundi 14 octobre, le tribunal correctionnel de Rennes a relaxé les six hommes jugés ce lundi pour avoir participé à l’organisation de la rave party de Lieuron. Une petite surprise puisque les organisateurs avaient été présentés comme des ennemis de la nation au moment des événements.
La plupart d’entre eux avaient jusqu’alors toujours préféré garder le silence, refusant de répondre aux questions du président du tribunal. Mais une fois les débats terminés, certains ont voulu prendre la parole. Accusés d’avoir participé à l’organisation de la rave dans la nuit du 31 décembre 2020 au 1er janvier 2021, six hommes ont été jugés devant le tribunal correctionnel de Rennes. Trois ans et demi après cette fête organisée en pleine pandémie alors que la France était sous couvre-feu et que les rassemblements étaient interdits, la pression était complètement retombée. Dans la salle d’audience numéro 101 de l’enceinte judiciaire, on a même entendu des rires tant lors des plaidoiries des avocats que lorsque le président a prononcé le nom d’un collectif de fêtards appelé « On s’en balek ».
Affrontements avec la police
Au moment des événements, c’est pourtant une grande partie de la France et même du monde qui s’indigne de cette fête baptisée « Maskarade » organisée dans les entrepôts d’une ancienne entreprise de transport à Lieuron, au sud de Rennes (Ille-et- Vilaine). Deux mille à 2 500 personnes ont pris part à la fête, théâtre de violents affrontements avec la police. Un véhicule de police a été incendié et le sujet a été invité à la soirée de réveillon de Gérald Darmanin. De toute évidence, le ministre de l’Intérieur n’est pas « balek » à ce sujet. Les politiques démantelent les jeunes participants à la manifestation et l’affaire prend des proportions démesurées.
Face au Covid-19, dont nous vivons des vagues successives, on craint un cluster géant. Cela n’arrivera pas. Trois ans et demi après les faits, seuls six hommes ont été convoqués. « Les vrais organisateurs ne sont pas sur le banc des accusés aujourd’hui. Ou bien vous considérez qu’un simple geste d’aide fait de vous un organisateur. Mais alors il faudrait avoir des centaines, voire des milliers de personnes sur vos bancs», a argumenté Nicolas Prigent, qui défend l’un des six hommes.
« A la télé, il ne s’agissait que de moi »
Ils sont tous amis dans la vie, échangeant même une bouteille d’eau lors des débats. Tous avouent être impliqués dans la scène festive mais tous nient être à l’origine de la célèbre Maskarade. Après être restés longtemps silencieux, ils finirent par lâcher quelques mots, auxquels ils réfléchissaient sans doute depuis près de quatre ans. «Je pense que cette affaire est totalement grotesque. Je suis allé en prison pendant vingt jours. Quand je suis arrivé à la prison, la télé était allumée et tout était autour de moi. C’est disproportionné. La police est arrivée dans mon camion avec un hélicoptère. Ils étaient 45, ils étaient armés. Je me sentais comme Pablo Escobar », a déclaré Erwan (les prénoms ont été modifiés) à l’issue d’une journée d’audience.
Immédiatement, son ami Nicolas fait de même. Il se plaint d’avoir vu tout son matériel saisi depuis 2021, le privant de sa passion. « Nous avons saisi tout ce que j’avais à la maison. Nous avons saisi une collection de 250 à 300 disques vinyles. Depuis, je n’ai plus rien. Son avocat, Olivier Pacheu, avait déjà rejeté ces saisies, les jugeant disproportionnées. « Nous lui avons saisi une scie circulaire et une perceuse. Quel est le lien entre une scie circulaire et l’organisation d’un rassemblement festif ? « .
Le procureur n’a pas été entendu
Les cinq avocats de la défense avaient plaidé l’acquittement, estimant que leurs clients n’étaient pas ceux qu’ils voulaient croire. Le procureur de la République avait tenté de plaider en rappelant les « dizaines de milliers de morts » provoqués par le Covid-19. Et estimant que les six prévenus avaient agi « par pur égoïsme ». Il n’a pas été entendu. Elle a même été désavouée.