« C’est une faute professionnelle de la Fédération internationale », s’indigne Ronan Labar, privé des JO après un incroyable imbroglio
C’est leur rêve qui pourrait s’effondrer. La paire française Ronan Labar et Lucas Corvée a vu sa qualification olympique lui échapper à cause d’une erreur de calcul de la Fédération Internationale de Badminton. Une erreur confirmée dans la journée par un communiqué de la BWF. Leur place aux Jeux olympiques revient aux frères Christo et Toma Junior Popov. Une situation inédite et incompréhensible pour Ronan Labar. Il s’est confié à RMC Sport.
Le communiqué de presse de la Fédération Internationale de Badminton a été rendu public aujourd’hui, confirmant l’erreur de calcul et entérinant ainsi le nouveau classement. Comment vous sentez-vous?
C’est une journée encore plus difficile que les autres. Cela fait trois jours que nous sommes de retour donc je ne vais pas dire que je ne suis plus déçu, mais je suis un peu plus déçu du communiqué qui a été publié par la Fédération Internationale. Car dans ce communiqué, ils reconnaissent une erreur de leur part, ils s’excusent en deux mots mais dire qu’ils s’excusent pour les athlètes de haut niveau qui voient chez eux leur rêve de participation olympique ce n’est pas suffisant.
La Fédération Internationale évoque l’oubli d’une règle dans ces calculs de points, vous comprenez ?
C’est incroyable. C’est surréaliste. On peut utiliser tous les superlatifs qui existent. C’est surtout une énorme erreur professionnelle de leur part et sortir de cette erreur professionnelle avec un communiqué aussi court et peu détaillé, à mon avis, est un peu décevant, voire très décevant. Très déshumanisant aussi. Ils n’ont aucune idée de ce qu’ils nous font subir.
Considérez-vous cela comme une sorte de mépris ?
Je n’irai pas aussi loin. Mais visiblement, ils commettent une erreur dont les conséquences sont extrêmement graves pour nous. Mais ils n’ont pour le moment aucune issue de secours et sacrifient donc deux joueurs. Nous espérons donc qu’il y aura peut-être des issues pour que tout le monde soit gagnant dans cette histoire, avec la possibilité que la BWF accorde une wild card. Ce qui voudrait dire que les deux paires françaises seraient qualifiées. C’est une idée que soutient la Fédération française. Mais la BWF n’en parle pas dans son communiqué.
De votre côté, quelle action allez-vous apporter face à cette situation ?
Lucas et moi avons rencontré un avocat pour connaître les différentes options qui s’offrent à nous. Nous ne souhaitons manifestement pas devoir prendre de nouvelles mesures. Nous aimerions que cela soit géré en interne, dans notre sport, avec la fédération internationale, la Fédération française et qu’elles essaient de réparer leur erreur d’une manière qui puisse convenir à tout le monde.
Gardez-vous à l’esprit qu’il y aura un moyen de sortir de tout cela ?
Il y a toujours une sortie de secours. Si mes informations sont exactes, jusqu’au 6 juillet, la liste des athlètes pour les Jeux Olympiques pourra être modifiée. Donc jusqu’au 6 juillet j’y croirai. J’avoue que nous sommes un peu déprimés. C’est dur. Nous sommes déprimés parce que nos proches le sont aussi. Là, je viens de retrouver mes parents que je n’ai pas revu depuis et ils sont dévastés, mon compagnon aussi. Ma fille ne pense pas que cela ait de l’importance. Je n’ai pas encore réfléchi à la manière de lui expliquer que le « Bravo Papa » que j’ai reçu il y a cinq jours n’est plus valable. Ce papa ne peut pas y aller à cause d’une erreur de quelqu’un de la fédération internationale. Nous ne sommes pas résignés mais un peu abattus.
Les Jeux Olympiques devaient être votre dernière compétition internationale. Avez-vous déjà pensé que votre carrière se terminerait ainsi… ?
Pour l’instant non. Je passe ma journée au téléphone pendant que nous essayons de trouver des solutions. Mais c’est certainement un regain d’émotion que personne ne peut comprendre. Mardi après notre défaite en Europe, je pensais que c’était mon dernier match. Jeudi, après la défaite de Tomi et Christo Popov, j’étais aux anges en me disant que j’aurais la chance de jouer encore quelques matches à Paris pour les JO. Et maintenant, peut-être qu’il n’y aura plus de matches. C’est dur. Si ça se termine ainsi, c’est tout simplement horrible.
Avez-vous eu des échanges avec Toma et Christo Popov ?
Nous n’avons pas eu l’occasion de parler. Nous étions en vacances pendant une semaine. Nous ne nous sommes pas rencontrés. C’est une situation délicate pour tout le monde. C’est pour eux aussi. Nous aurons l’occasion d’évoquer ce sujet très prochainement. Cela ne change absolument rien aux relations que nous entretenons entre nous et à la bonne entente que nous entretenons. Mais c’est clairement une situation que personne ne voudrait vivre.
De son côté, que vous dit la Fédération française ?
La fédération française nous apporte tout son soutien, au moins émotionnellement et psychologiquement. C’est aussi une situation très délicate pour eux car c’est une paire française qui souffre d’une erreur qui joue en faveur d’une autre paire française. Ce serait plus facile pour la fédération s’il s’agissait d’un couple étranger qualifié dans notre palais. Là-bas, ils seraient plus agressifs dans leur approche. Là, ils nous soutiennent. Ils porteront le projet d’une wild card à la BWF. Elle est désormais entre les mains de la fédération internationale.
Comment allez-vous gérer les prochains jours ?
Il n’y aura pas de paix avant un moment, c’est évident. Du moins pas avant d’avoir pris une décision définitive sur cette situation. Et même une fois la situation définitive donnée, s’il s’avère que nous pouvons participer aux Jeux Olympiques, nous pourrons repenser notre entraînement et notre préparation. Mais d’ici là, ça va être dur. On a un match interclubs demain, ça va être dur d’aller sur le terrain et d’avoir une grosse envie.
Dans une telle situation, avez-vous particulièrement besoin d’être avec vos proches ?
J’ai surtout besoin de réponses. Même le temps passé avec nos proches est difficile car nous sommes obligés d’aborder ce sujet. On se dit que c’est incroyable, qu’on vit quelque chose d’incroyable, qui n’est jamais arrivé et qui n’arrivera plus jamais. Une erreur aussi grave ne se reproduira plus jamais. On se dit que nous serons peut-être les seuls, dans l’histoire du badminton français, voire mondial, à subir les conséquences d’une telle erreur.
N’est-il pas possible pour vous d’imaginer ne pas aller aux Jeux olympiques ?
On garde espoir mais c’est vrai qu’on imagine que ça pourrait être le cas et que tout s’écroule. Que tous les efforts, les sacrifices que nous avons mis en place depuis trois ans avec Lucas et même quinze ans de ma carrière internationale pourraient être réduits à néant et balayés ainsi par une erreur de calcul. Par des soi-disant professionnels de notre sport.