« C’est un peu le bordel, on est un peu démunis », reconnaît la CFE-CGC
« C’est un peu le bordel, personne ne le reconnaît vraiment. Nous sommes un peu impuissants« , reconnaît Mardi 3 décembre, François Hommeril, secrétaire général de la CFE-CGC, le syndicat des cadres, à la veille du vote deux motions de censure visant le gouvernement de Michel Barnier. « Cette instabilité n’est pas une bonne chose pour les dossiers sur lesquels nous travaillons aujourd’hui« , poursuit-il.
Par ailleurs, l’exécutif se prépare à un nouveau préavis de tempête sociale, les agents du secteur public se mobilisent jeudi pour une journée d’action et de grève à l’appel des syndicats, notamment de la CFE-CGC. « La fonction publique doit être mobilisée en permanence. Depuis 30 ans, ce sont les fonctionnaires qui financent une partie des politiques coûteuses de l’État.« , estime François Hommeril.
franceinfo : Que vous inspire la situation politique actuelle ? Ces deux motions de censure déposées par le Nouveau Front Populaire et le Rassemblement National qui seront examinées demain ? Le gouvernement Barnier qui risque de tomber, qu’en pensez-vous ?
François Hommeril : Un peu comme tout le monde, je pense : c’est un peu le bordel. Personne ne s’y reconnaît vraiment. On est un peu impuissant, on est comme tous les Français, on observe ce qui se passe. Je suis concerné un peu plus particulièrement en tant que dirigeant syndical, donc la CFE-CGC, les techniciens, les agents de maîtrise et les cadres, dans la mesure où les membres du gouvernement, pour certains en tout cas, sont nos interlocuteurs, pas au quotidien. , mais on les voit encore souvent, on travaille avec eux, ils ont des bureaux, ils ont des équipes.
Le ministre du Travail notamment.
Oui, mais aussi avec le ministre de l’Industrie, Marc Ferracci, avec ses équipes, on a encore des dossiers. Certains sont préoccupants. Et nous avons besoin d’interlocuteurs. Nous travaillons avec ces personnes. Et quand, de leur côté, ils ne savent plus vraiment s’ils seront en fonction le lendemain, ils ne s’engagent pas de la même manière.
Depuis le début de la semaine, ressentez-vous une sorte d’enthousiasme au sein de l’équipe gouvernementale ?
Honnêtement, non. Pour l’instant, des deux personnes que nous avons citées ensemble, elles sont dans leurs dossiers comme au premier jour. Mais nous ne sommes pas des imbéciles. On sait très bien que si demain il apparaît que le Premier ministre ne sera plus là, ils s’occuperont eux-mêmes des affaires courantes aussi longtemps qu’il le faudra et donc d’autres équipes seront reconstituées.
Et cela prendra du temps.
Ils devront s’approprier les dossiers, nous devrons les connaître nous-mêmes, ils devront apprendre à nous connaître. Tout cela prend du temps et c’est du temps perdu. Dans la période actuelle, c’est énervant.
Selon la numéro un de la CFDT, Marylise Léon, une censure gouvernementale ne serait pas une bonne nouvelle pour les salariés. Êtes-vous d’accord?
J’ai tendance à ne pas trop juger l’étiquette du gouvernement tel qu’il est. En revanche, une fois nommé, une fois les ministres en place, je n’hésite pas à les critiquer lorsque je ne partage pas les options qu’ils décident en matière de politique publique. Dans ce cas, comme nous venons de le dire enfin, cette instabilité n’est pas une bonne chose pour les dossiers sur lesquels nous travaillons aujourd’hui.
Cette instabilité politique ne risque-t-elle pas également d’alimenter l’instabilité sociale à l’heure où les plans sociaux se multiplient en France ?
C’est justement ça le problème, c’est qu’il y a encore une instabilité économique extrêmement importante, et cela a une très forte répercussion sociale. L’instabilité sociale est liée à l’économie depuis très longtemps, elle est présente un peu comme un fonds commun.
« Aujourd’hui, il y a ces difficultés économiques de fin 2024, et qui sont annoncées pour l’année 2025, qui sont très préoccupantes. »
François Hommerilsur franceinfo
Vous avez évoqué les plans sociaux. Nous devons faire cause commune avec le gouvernement sur ces questions. Ces plans sociaux sont forcément coûteux sur le plan humain, mais ils le sont aussi sur le plan financier. France Travail doit se remettre en état de marche. Ce sont des personnes qui seront soutenues par la solidarité dans la société. Il y a des problèmes de restructuration. Bref, tout cela nous concerne tous ensemble et nous devons agir ensemble.
Cet après-midi, des retraités se sont rassemblés devant la station de métro Varenne à Paris, pour protester contre la désindexation partielle de leurs retraites à partir du 1er janvier. Jeudi, ce sera au tour des fonctionnaires de se mobiliser, ont annoncé 65% des grévistes au premier degré. La CFE-CGC appelle également à la mobilisation. Sauf que toutes ces mesures ont de fortes chances de ne pas avoir lieu si le gouvernement Barnier est censuré. Faut-il encore continuer à se mobiliser ?
Dans ce cas, pour le 5 décembre, il faut garder cette date, on verra ce qui se passe.
Sauf que les 1,2 milliard d’économies sur la fonction publique, il n’est pas du tout sûr qu’elles soient réelles.
La fonction publique doit être mobilisée en permanence. Depuis 30 ans, les fonctionnaires financent une partie des politiques coûteuses de l’État.
« Aujourd’hui, les salariés du secteur public ont perdu en moyenne environ 30 % de pouvoir d’achat par rapport aux salariés du privé. »
François Hommerilsur franceinfo
C’est réel, c’est facilement objectivable. Concernant les enseignants, par exemple, ils sont aujourd’hui pratiquement les moins bien payés des pays de l’OCDE. Ce n’est toujours pas normal.
Alors censure ou pas, censure, budget ou pas budget, il y a des questions fondamentales sur lesquelles il faut continuer à se mobiliser, notamment auprès des fonctionnaires. Mais pour les retraités ?
Les retraités, c’est un peu pareil. Vous savez, les gens nous critiquent à propos de la dette, du mur de la dette, du déficit, etc. Je constate que les régimes sociaux, qu’il s’agisse des régimes de base ou des régimes complémentaires, n’ont pas beaucoup de problèmes financiers. Pour quoi ? Parce que c’est nous qui les gérons, de manière extrêmement sérieuse, ce qui n’est pas le cas des fonds de l’État. Aujourd’hui, il y a des réserves, par exemple à l’Agirc-Arrco, et l’État veut nous les voler. Alors, je pense qu’il faut constamment rester mobilisés, que l’on soit salariés ou retraités, car en fait, c’est la même population. Chaque employé sera un jour à la retraite.
Vous défendez les cadres en particulier et donc les salariés. Or, les salariés seront les grands perdants de la situation actuelle, a souligné le ministre des Comptes publics, Laurent Saint-Martin. Les actifs paieront davantage d’impôts en cas de censure gouvernementale et en cas de loi spéciale, car le barème de l’impôt sur le revenu ne sera pas indexé sur l’inflation. Que dites-vous?
Oui, effectivement, c’est un problème. Il y aura un piège dans lequel nous ferons basculer 50 000 nouveaux foyers fiscaux là où normalement, ils ne devraient pas avoir droit à l’impôt sur le revenu. Et d’ailleurs, pour ceux qui le paient aujourd’hui, il n’y aura pas d’augmentation de barème. Je ne sais pas vraiment ce qui va lui arriver.
Appelez-vous les députés à être responsables demain, lors de l’examen des deux motions de censure, pour ne pas arriver à cette situation qui fera que demain, les salariés, les contribuables paieront peut-être plus d’impôts, en tout cas pour quelques mois.
« Appeler les députés à la responsabilité en général, c’est un peu comme demander à un enfant gourmand de ne pas manger de bonbons, ce n’est pas vraiment la tendance en ce moment. »
François Hommerilsur franceinfo
Je ne veux pas trop m’impliquer, vraiment. Je suis suffisamment informé pour parler des conséquences de la démission du gouvernement. Mais d’un autre côté, chaque adjoint a des responsabilités au regard du mandat qui lui est confié, je ne vais pas lui donner trop de consignes précises. Sur certains sujets, nous faisons du lobbying auprès des députés lorsqu’il s’agit de défendre un amendement à un projet de loi.
Appelez-vous à maintenir une certaine stabilité ou allez-vous vous adapter quelle que soit la situation demain soir ?
Nous avons bien démontré que nous, les organisations syndicales, sommes capables de nous adapter. Si la situation politique était plus stable, ce serait effectivement mieux pour nous. Mais s’il s’agit de revenir à un gouvernement du type de celui de Gabriel Attal… Rien de pire que le gouvernement de Gabriel Attal dans ses options et dans la façon dont il a considéré les organisations syndicales. Donc là, je me méfie toujours. Vous savez ce que vous avez, vous ne savez jamais ce que vous trouvez.