« C’est un petit moment de gloire et un sentiment agréable »: 60 ans après, on a retrouvé les « bébés » du Gendarme de Saint-Tropez
Malagigi Boutot
Ils ont soixante ans. Tout comme le premier épisode de la saga de Policier de Saint-Tropez. L’histoire des jumeaux Jean-François et Jean-Michel Taïs a en quelque sorte commencé au son du défilé final du célèbre film aux millions d’entrées internationales.
Car oui, ce sont eux que l’on voit lors du défilé sur le vieux port, soignés par la fille du quartier-maître en chef Cruchot incarnée par Geneviève Grad, et son aspirant, Patrice Laffont.
Ils ont alors à peine huit mois et font sans le savoir leurs premiers pas au cinéma dans ce qui deviendra l’un des plus gros succès du cinéma français.
Fils du boulanger
« Il se murmurait que la production cherchait des bébés pour le générique final. Mon père était boulanger rue Clemenceau et l’information a vite circulé. Le fait qu’avec ma mère il ait eu des jumeaux est revenu aux oreilles de l’équipe et on a trouvé nous dans les bras de Geneviève Grad et Patrice Laffont !raconte Jean-François Taïs qui, il y a quelques jours, a renoué avec son « ancêtre » lors de l’inauguration de la nouvelle exposition temporaire du Musée de la Gendarmerie et du Cinéma consacrée aux soixante ans du film et au 110ème anniversaire de la naissance de son héros (1).
Clin d’œil, il habite même depuis 1969 juste en face du célèbre immeuble photographié par le monde entier. « C’est agréable de se voir en photos aux côtés des acteurs de l’époque. C’est un petit moment de gloire et une sensation agréable. Comme un retour à cette enfance heureuse que nous avons eue au village »» commente de son côté le frère Jean-Michel, installé depuis à Forcalqueiret en Provence Verte.
Patrice Laffont « éjecté »
Des retrouvailles auxquelles assistait même le vrai papa des jumeaux ! « Ma femme Mireille avait un peu peur de confier nos nouveau-nés à un film. Nous nous sommes quand même mis d’accord à condition qu’elle les regarde car pour ma part, mon métier de boulangère ne me permettait pas d’aller sur le plateau. Notre seule exigence était qu’ils portent des chapeaux car c’était le mois de mai et nous devions les protéger des premières chaleurs. »raconte André, 91 ans.
La seule petite déception était qu’il n’était pas inclus au générique. « Ma femme l’a demandé après la scène, mais on lui a répondu que ce n’était pas possible… », témoigne André. Dans le même temps, Patrice Laffont a vécu pire. « Il m’avait complètement oublié au générique de 1964, alors que c’était quand même mon premier « grand rôle » de jeune premier rôle ! »témoigne l’acteur-animateur, qui à 84 ans n’arrive toujours pas à expliquer son « éjection » de la série. « Nicole Cruchot était pourtant devenue ma femme, avec deux enfants. Alors je me suis dit, s’il y a une suite je serai dedans. J’imagine qu’on a dû divorcer avant Le gendarme à New York! »ironise-t-il en rappelant les relations plus que « tièdes » entre le groupe de jeunes « trompés » du film et un ultra-pro Louis de Funès sur le plateau.
Ambassadeur du village
« J’apprécie chaque rediffusion de voir toutes les enseignes disparues, les paysages de l’époque… Ces tournages faisaient vivre le village et, enfant, je me souviens avoir vu Louis de Funès qui faisait partie du décor, même si on pouvait je ne m’en approche pas », se souvient Jean-François.
Le contact, bien des années plus tard, avec Patrice Laffont, sera plus facile. « Il était en pleine partie de pétanque place des Lices. C’était son apogée en tant qu’animateur de jeux télévisés. Je lui ai demandé : « Me reconnaissez-vous ? Il m’a dit « Non ». Mais quand je lui ai rappelé qu’il nous tenait dans ses bras quelques décennies plus tôt, il a souri et m’a proposé à boire ! »décrit Jean-François qui affiche depuis fièrement dans son entrée un cadre avec une dédicace de son « ex-papa » noté à « Mon jumeau préféré ».
« Tout cela n’a pas changé ma vie, mais en vieillissant, je prends plaisir à raconter autour de moi que j’ai participé à cette aventure. Je me considère comme un petit ambassadeur de ce village que j’aime tant », confie le Tropézien retraité de l’usine de torpilles qui pose ce jour-là devant sa photo exposée au musée pour Rémy et Véronique. Un couple montpelliérain de passage, trop heureux de croiser une figure du film culte !
1_ L’exposition, organisée en collaboration avec le musée Louis de Funès à Saint-Raphaël, est visible jusqu’en mars 2025.
L’absence regrettée de Nicole Cruchot…
A l’image de la « roue des films » que les visiteurs peuvent faire tourner à la fin de l’exposition pour tester leurs connaissances sur la carrière de Louis de Funès, on ne résiste pas au petit « Quiz Gendarme » avec la scène locale, Jean-François Taïs. Quel est votre film préféré dans la saga ? La première ! Tous les ingrédients sont là. C’est celui qui donne le tempo de la série. Et aussi parce que je suis dedans ! Votre scène « culte » ? Quand De Funès, qui vient d’être muté à Saint-Tropez, arrive en bus avec sa fille au port et rencontre les autres gendarmes très désinvoltes. On se dit que ça va faire des étincelles ! (rire) Votre acteur préféré de la série en dehors de Louis de Funès ? Je dirais Michel Galabru et Jean Lefebvre pour leur côté ludique et leur tempérament qui est justement à l’opposé de De Funès. Qui voyez-vous dans le rôle d’un remake ? C’est très compliqué… Pas un des jeunes nouveaux comédiens en tout cas car De Funès avait déjà la cinquantaine à l’époque. Peut-être Jean Dujardin, car il a un vrai talent comique et apporterait quelque chose de différent. Un regret ? Que Geneviève Grad qui jouait Nicole Cruchot (sa mère dans le film, NDLR) ne soit pas venue au vernissage de l’exposition de Saint-Tropez aux côtés de Patrice Laffont… Ça m’aurait fait tellement plaisir de la revoir ! Il ne faut pas compter sur Geneviève Grad. L’actrice de 79 ans, qui n’a plus joué depuis les années 1980, a depuis longtemps tourné le dos aux célébrations entourant la comédie numéro 1 française. LÀ