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« C’est un fléau qui ne fait qu’empirer » : la campagne nationale de lutte contre la contrefaçon lancée à Cannes

« C’est un fléau qui ne fait qu’empirer » : la campagne nationale de lutte contre la contrefaçon lancée à Cannes

La lutte contre la contrefaçon est un sport ! Alors autant travailler en équipe…

Comme chaque année, c’est à Cannes (1) que les acteurs de la lutte se sont réunis, ce jeudi, pour le lancement de la campagne nationale de sensibilisation.

Une campagne qui devait être « éphémère au début, affirme Delphine Sarfati-Sobreira, directrice générale de l’Unifab (Union des fabricants), qui regroupe plus de 200 entreprises et fédérations de tous les secteurs d’activité. « En être là vingt ans plus tard est un triste constat. C’est un fléau qui ne fait que s’aggraver. »

L’échantillon présenté ce jeudi à la mairie de Cannes et prélevé sur les 400 000 produits saisis en 2023 dans le département par les douanes, en atteste. Jouets, montres, consoles, chapeaux, lunettes, casquettes, nappes, vêtements…

Coup dur pour les entreprises, danger pour les consommateurs

Les douanes ont présenté, ce jeudi à Cannes, un échantillon des 400 000 produits contrefaits saisis en 2023 dans le département. Et on y trouve un peu de tout… Photo PL

On trouve de tout, de partout, saisi au péage de la Turbie, à l’aéroport ou sur les marchés de Nice, Cannes, Cagnes… La preuve ? Ces mille logos d’une célèbre marque française (indice : il s’agit d’un crocodile), interceptés depuis… le Pérou.

Un « fléau », donc, à bien des égards. « C’est une atteinte à la propriété intellectuelle, une perte de chiffre d’affaires, d’image et de réputation pour les entreprises »énumère Christian Taricco, député cannois, chargé de la défense du commerce. Cannes et ses « 80 boutiques de luxe sur la Croisette »nécessairement visés par le phénomène.

Un coup dur pour les entreprises – et pour les emplois, « sans parler des conditions inacceptables (pour la main d’œuvre) dans lesquelles ces produits sont fabriqués »se souvient Delphine Sarfati-Sobreira – mais pas seulement : « Il s’agit aussi de protéger le consommateur et l’environnement », ajoute Mikaël Le Pimpec, directeur interrégional des douanes par intérim.

Les produits de mauvaise qualité peuvent nuire à la sécurité et à la santé des personnes (électroménager, produits d’hygiène, produits esthétiques, etc.). Des exemples ? « Dans nos laboratoires, on retrouve parfois des piles avec des teneurs en mercure cinq fois supérieures aux normes. On a aussi des peintures radioactives… », assure Mikaël Le Pimpec.

Les « dupes » ciblent les jeunes sur les réseaux sociaux

Les douanes ont présenté, ce jeudi à Cannes, un échantillon des 400 000 produits contrefaits saisis en 2023 dans le département. Et on y trouve un peu de tout… Photo PL

Un « ennemi » protéiforme et en constante évolution, obligeant les acteurs (douanes, gendarmerie, INPI, CNAC, Unifab, etc.) à mettre continuellement à jour leurs outils.

Au cœur du combat, les 16 000 agents des douanes font face « vers une frontière de plus en plus présente mais moins visible : celle du commerce électronique. Le nombre d’infractions a explosé. »

Notamment avec le phénomène des « dupes » – des imitations « low cost » – qui ciblent les réseaux sociaux et donc les jeunes. « Le terme a été utilisé plus de trois milliards de fois sur TikTok cette année, assure Delphine Sarfati-Sobreira. « C’est une adaptation marketing de la contrefaçon, cela s’est produit avec les influenceurs et nous avons du mal à l’arrêter. »

Selon une étude Ifop de 2023, 37% des 15-18 ans ont déjà acheté un produit contrefait en pensant qu’il était authentique. « Sans parler de ceux qui ne l’ont jamais su… » Ainsi, en soutien au service Cyberdouane actif depuis 2009, les douanes françaises « déployé 46 agents, bientôt 70, affectés à la cybersurveillance », informe Mikaël Le Pimpec.

Cette fois, il s’agit d’un épiphénomène, avec l’augmentation ces dernières semaines de produits sportifs contrefaits, en raison de l’effet « Euro » et « Jeux Olympiques ».

Alors, pour soutenir le plan national de lutte contre la contrefaçon présenté par Thomas Cazenave, ministre délégué aux Comptes publics, il n’y a pas d’autre choix : « C’est un effort collectif et un marathon », affirme Eric Catapano, délégué régional de l’Institut national de la propriété industrielle.

À la rencontre du public cet été

Les douanes ont présenté, ce jeudi à Cannes, un échantillon des 400 000 produits contrefaits saisis en 2023 dans le département. Et on y trouve un peu de tout… Photo PL

L’INPI, qui travaille sur trois axes : « Le cadre législatif (renforcement des dommages et intérêts, responsabilisation des acheteurs, suppression des sites frauduleux, etc.), la protection de la propriété industrielle et l’accompagnement des entreprises, car 70% d’entre elles ne prennent aucune mesure pour protéger leurs innovations. »

Reste à sensibiliser les consommateurs, encore et toujours. L’Unifab déploie sa campagne sur onze visuels, que l’on retrouvera dans plus de 3 000 commissariats, mais aussi dans les aéroports, les postes de douane, etc.

Jusqu’au 20 août, de jeunes ambassadeurs sillonneront les plages du sud de la France (ils seront à Nice, Cannes, Antibes et Juan), « goodies » en main, pour interagir avec le public. « Nous allons aussi beaucoup communiquer sur les réseaux sociaux, car c’est là que se trouvent les consommateurs », conclut lucidement le directeur général.

1. L’ancien maire de Cannes, Bernard Brochand, a notamment été président du Comité national anti-contrefaçon (CNAC) à partir de 2004. Il a lancé une campagne locale contre la contrefaçon en 2002.

Des chiffres alarmants

Près de 400 000 contrefaçons ont été saisies dans les Alpes-Maritimes en 2023 (dont plus de 330 000 le 29 mai à Menton, dans un semi-remorque en provenance de Grèce). Pour la région Sud, le chiffre grimpe à près de deux millions de produits contrefaits.

Au niveau national, on arrive à 20,48 millions (valeur estimée à un milliard d’euros), contre seulement 5,6 millions en 2019, « une augmentation de plus de 250% en quatre ans », relève Mikaël Le Pimpec. Les produits les plus saisis ? « Les jeux, jouets et articles de sport (8,6 millions). » Des chiffres qui ne prennent pas en compte les cigarettes de contrebande, « et on en saisit énormément… »

La contrefaçon représente également environ 2,5 % du commerce mondial, soit un manque à gagner estimé à 300 milliards d’euros. Pour la France, ce chiffre s’élève à 6,7 milliards d’euros. Selon une étude KPMG réalisée pour l’Unifab, cela a entraîné la perte de 38 000 emplois.

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