Son nom signifie « le mur des crânes » en tahitien. Une vague confinant au sacré pour les Polynésiens et spot phare de la compétition de surf aux Jeux de Paris 2024.
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A 54 jours des Jeux Olympiques de Paris 2024, direction Tahiti, à 15 000 kilomètres de Paris. La célèbre vague Teahupo’o vient d’accueillir le Tahiti Pro, la quatrième manche des championnats du monde qui servait de répétition pour les Jeux. Et c’est confirmé, cette vague, qui signifie « le mur des crânes », est bien la plus belle vague du monde.
Bienvenue à bord du bateau Mélanie One. Nous quittons la marina de Taiarapu, dans le lagon bleu turquoise. On peut déjà voir les poissons colorés et les coraux. Les noix de coco flottent et tapent contre le quai. Dix minutes de navigation dans le chenal nous séparent de Teahupo’o, en tahitien « le mur des crânes », en référence à une bataille sanglante où les corps des victimes étaient exposés par les vainqueurs.
Le photographe français Tim McKenna est avec nous à bord. C’est lui qui a pris la photo qui a présenté Teahupo’o au monde en 2000. « C’est la photo de Laird Hamilton, c’est la première photo qui montre qu’il y avait d’autres vagues qu’on pouvait surfer avec la technique du tow-in surf, avec des jet skis, il dit. Pendant un certain temps, les grands surfeurs se rendaient à Hawaï, en Australie ou en France, surfant sur de grosses vagues à partir de la taille. Teahupo’o a un peu rebattu toutes les cartes, car c’est une vague qui n’est pas forcément de grande taille, mais qui est très dangereuse, très creuse, et qui crée toujours ce tube parfait. C’était la première fois que de grands surfeurs pouvaient surfer de grosses vagues mais aussi surfer sur une grosse vague. C’est la vague la plus photogénique au monde, donc pour un photographe, c’est un rêve. »
Notre bateau est au bord de la lèvre. Le bateau monte brusquement avant de se briser. C’est le danger d’être si près du tube. Star du surf, américaine aux 11 titres de champion du monde, Kelly Slater, a remporté cinq fois le Tahiti Pro. « C’est l’un des spots les plus fous qu’on ait au monde parce que cette vague a une telle force, une telle puissance, c’est sans aucun doute la plus belle vague du monde », il croit.
« Cela reste aussi très dangereux, très exigeant, il faut toujours être bien éveillé, avoir les bons réflexes aux bons moments. »
Kelly Slater, multiple championne du monde de surfsur franceinfo
Tony Estanguet, président du comité d’organisation des jeux de Paris 2024, est en visite à Tahiti. Un choix évident pour les événements de surf. » C’est sûr que cette vague Teahupo’o cochait finalement toutes les cases, quand on y pense. C’était, d’un point de vue sportif, la plus belle vague française. Une vague aussi chargée d’histoire avec une activité qui a développé ici C’est même culturel de voir la place du surf dans ce pays Et puis c’est aussi un écho de tous ces territoires français d’outre-mer qui font la fierté de la France au quotidien et du sport français je trouve formidable qu’on ait réussi. de travailler ensemble pour mettre en valeur la Polynésie française pour cette compétition olympique de surf. »
A Tahiti, tout le monde surfe de manière compétitive ou récréative. Mais ce n’est pas qu’un sport. Le surf est dans les gènes polynésiens. C’est à Fisherman’s Point, à Punaauia, que les Occidentaux notèrent les premières traces. Nous sommes le 29 mai 1769, jour où l’Endeavour, le navire du capitaine britannique James Cook, jette l’ancre dans la baie. Nous y sommes avec Jean-Christophe Shigetomi, qui vient de publier Horue, l’histoire du surf tahitien. « Joseph Banks, le scientifique, avec le capitaine Cook, installèrent leur camp à cet endroit de la côte nord, dit l’auteur. Et c’est en repartant le lendemain – la houle s’était peut-être élevée pendant la nuit – qu’ils aperçurent, pour se rappeler de mémoire ce qu’il disait, dix ou douze « Indiens », comme il les appelait, marchant pour se glisser dans la vague. sur des planches ancestrales, allongé, à genoux, voire debout, faire des figures… Cela semble être une forme de divertissement particulièrement populaire. »
Et si l’on remonte dans le temps, on sait que les Polynésiens surfaient bien avant 1769, probablement depuis des milliers d’années. Comme danser, jouer du tambour et tatouer. « Le surf était un art pratiqué par des guerriers et des héros, rappelle Hérétu Tétahiotupa, maître tatoueur marquisien. Ces personnes étaient également tatouées. L’objectif des Marquisiens, ou des Polynésiens en tout cas, était d’augmenter toutes ces compétences qui vont manifester de la puissance, de la puissance physique ou de la vitesse, et l’objectif des humains est de réaliser tout leur potentiel en réunissant toutes ces forces, toutes ces puissances. »
C’est pourquoi la vague Teahupo’o n’est pas une vague comme les autres à Tahiti. Il est considéré avec respect, à la limite du sacré.