« Laissé pour mort sur l’asphalte. » Plus d’un millier de personnes ont rendu hommage vendredi à Grande-Synthe (Nord) à Philippe, 22 ans, décédé après avoir été violemment agressé. L’un des deux suspects arrêtés a « reconnu » avoir organisé une « embuscade » via un chat de rencontre gratuit, un site appelé coco.gg.
Ce site de discussion, plus connu sous le nom de Cocoland, a déjà été cité à de nombreuses reprises dans des affaires d’agression. Créé en 2003, il est considéré comme « un repaire de prédateurs » par plusieurs associations de défense de l’enfance et de lutte contre l’homophobie.
Un site de chat sans inscription avec une esthétique des années 80
Ce site, enregistré sur l’île anglo-normande de Guernesey, possède une esthétique presque années 80, qui n’est pas sans rappeler le Minitel. Pour accéder à coco.gg, qui se présente comme un site de chat sans inscription, il suffit de donner son sexe, son âge, son code postal et de créer un pseudo, sans aucun contrôle.
Dans la colonne de gauche de la page d’accueil, on voit des thèmes comme « cuisine », « cinéma », « 60 ans et plus », mais aussi d’autres plus sexuels comme « femmes infidèles » (sic) ou encore d’autres très crus, comme « trav slut », ou avec des connotations potentiellement pédophiles comme « lycéenne ». Puis sur la colonne de droite, apparaît la liste des membres, avec leur pseudo, âge et ville. Un site très simple à utiliser qui fait son succès.
Un site qui regorge de « pédocriminels, violeurs, homophobes… »
L’association SOS Homophobie avait demandé sa fermeture après le guet-apens dont un homosexuel a été victime à Marseille début octobre. « Il n’y a pas de filtre pour s’inscrire. C’est un repaire de prédateurs. C’est honteux que ce site soit accessible» à tout le monde, a dénoncé vendredi Véronique Godet, coprésidente de SOS Homophobie.
Le site coco.gg est également dans le collimateur d’associations de protection de l’enfance, comme Innocence en Danger, qui avait elle aussi demandé sa fermeture, en lançant une pétition qui a récolté plus de 5 000 signatures. Pour elle, coco.gg est « un site d’une accessibilité inimaginable qui regorge d’agresseurs en tout genre : pédophiles, violeurs, homophobes, etc. » Il est associé « à des affaires policières ou judiciaires depuis presque aussi longtemps qu’il existe ». Il est connu pour son manque de modération qui laisse proliférer les pires abus », indique sa pétition.
« Un terrain de chasse aux prédateurs »
Dominique P., accusé d’avoir drogué sa femme avant de la livrer à plusieurs dizaines d’hommes, et qui sera jugé à partir de septembre à Avignon, a utilisé ce chat, selon une source judiciaire. « C’est un terrain de chasse aux prédateurs », souligne également Sophie Antoine, responsable juridique de l’ACPE (Agir contre la prostitution des enfants).
« Coco est devenue une forme de symbole », mais « ce n’est malheureusement qu’un exemple d’une situation qui existe sur de nombreux autres réseaux sociaux et formes de chat, y compris ceux qui semblent innocents, comme les jeux vidéo ». , note-t-elle. Et le souci, souligne-t-elle, c’est que « les sites se présentent comme des interfaces qui ne sont pas responsables du contenu », ce qui « permet aux prédateurs d’agir en toute impunité ».