"C'est quand il y a des représailles que les gens comprennent qu'ils ont alerté"
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« C’est quand il y a des représailles que les gens comprennent qu’ils ont alerté »

« C’est quand il y a des représailles que les gens comprennent qu’ils ont alerté »

La Croix L’Hebdo : En quoi consiste l’accompagnement que vous proposez aux lanceurs d’alerte ?

Cécile Barrois de Sarigny : Le défenseur des droits a pour mission de soutenir les lanceurs d’alerte depuis 2016. Cela prend plusieurs formes. Il s’agit tout d’abord d’une mission d’information auprès des personnes qui ont une alerte à déclencher et qui se demandent à qui s’adresser. Cependant, ce type de demande est devenu moins fréquent depuis que nous avons publié sur notre site un guide expliquant les différentes étapes à suivre – c’est devenu l’un des documents les plus téléchargés, ce qui prouve qu’il y avait une réelle demande.

Ensuite, nous intervenons en plusieurs étapes. Avant l’alerte, nous vous accompagnons en guidant la démarche. S’il s’agit d’actes de corruption, nous vous proposerons de contacter l’Agence française anticorruption. S’il s’agit de sécurité sanitaire ou environnementale, nous nous référons à l’Anses, l’Agence nationale de sécurité de la santé, de l’alimentation, de l’environnement et du travail… L’idée est que le lanceur d’alerte puisse dire qu’il a correctement suivi la procédure, en lien avec nous. Enfin, nous intervenons pour aider le lanceur d’alerte à se protéger d’éventuelles représailles.

Avant de vous contacter, faut-il d’abord alerter en interne ?

CB de S. : Cette obligation a disparu en 2022. Aujourd’hui, une personne peut soit lancer une alerte en interne, puis s’adresser à une autorité externe si elle n’est pas satisfaite de la réponse, soit s’adresser directement à une autorité externe. Nous réclamions cet allègement depuis 2016 car, en réalité, l’obligation de passer par la voie intérieure était assez dissuasive. En revanche, le lanceur d’alerte ne peut s’adresser à aucune autorité extérieure. Nous travaillons en collaboration avec les 41 autorités désignées pour recevoir et traiter les alertes, qui doivent nous rendre compte chaque année des alertes qu’elles ont reçues et de la façon dont elles les ont traitées. Sur cette base, nous produisons un rapport dont la première édition sera rendue publique début juillet.

Que se passe-t-il si l’alerte a déjà été émise ?

CB de S. : Premièrement, nous pouvons délivrer à la personne qui nous contacte une attestation indiquant qu’elle est bien protégée par la loi car elle a rempli les conditions pour bénéficier du statut de lanceur d’alerte. Cela a touché 35 personnes l’année dernière. L’idée du législateur, en 2022, était de permettre aux lanceurs d’alerte, en prévision d’éventuelles représailles de la part de leur employeur, de bénéficier d’un acte d’une autorité administrative indépendante, qui les rassure dans leur démarche. C’est l’objet de cette certification qui nous est de plus en plus demandée.

Par exemple, nous avons récemment certifié le fils d’un résident d’une maison de retraite, qui est venu nous dire qu’il avait été témoin d’abus. Cette attestation lui sera utile dans le cas où, s’il voit que sa mère commence à être traitée encore plus mal et que cela ressemble à des représailles, il pourra préciser qu’il bénéficie d’une protection et que tout acte s’apparentant à des représailles pourrait être porté devant la justice. justice. Mais cette attestation n’est pas contraignante et ne remplace pas l’avis du juge.

Un lanceur d’alerte sait-il forcément qu’il est lanceur d’alerte ?

CB de S. : Pas nécessairement. Certains s’en rendent compte au moment des représailles. Ils viennent nous dire qu’ils ont fait un signalement, qu’ils ne l’ont pas caché, qu’ils ont ensuite été licenciés, que leur contrat n’a pas été renouvelé, que leur évaluation a été revue à la baisse ou qu’on leur a refusé une promotion. Dans ces cas, nous intervenons pour réparer ce préjudice en adressant des recommandations à l’employeur, en adressant des observations au juge si l’affaire a déjà été portée devant le tribunal. Mais le statut de lanceur d’alerte n’est pas synonyme d’immunité. Un lanceur d’alerte peut très bien commettre une faute professionnelle et être sanctionné, pour autant que la sanction soit sans rapport avec son signalement. L’approche doit toujours être réfléchie et soutenue.

Un lanceur d’alerte peut-il se tromper ?

CB de S. : Oui. On n’exige pas du lanceur d’alerte qu’il soit fondé, mais qu’il soit de bonne foi, qu’il ait des motifs raisonnables de croire qu’il y a un acte répréhensible quelque part, au moment où il le signale. Il peut y avoir un doute. En revanche, un lanceur d’alerte n’est pas quelqu’un qui sait que ce qu’il dénonce est faux.

Quels sont les obstacles qui empêchent encore les lanceurs d’alerte d’agir ?

CB de S. : Lancer l’alerte reste un risque. Et le soutien psychologique et financier aux lanceurs d’alerte est encore très insuffisant en France. La loi prévoit la possibilité d’obtenir une aide financière devant le juge, mais ce n’est que lorsque le juge est saisi et ce sont des situations vraiment très dégradées. Idéalement, il devrait y avoir un fonds spécifique pour les lanceurs d’alerte afin d’octroyer ces subventions et de compenser le manque de ressources existantes.

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