« C’est nous qui définissons cet avenir » : trois mois après le début des émeutes, que reste-t-il du vivre ensemble ?
Après les violences de mai, la société calédonienne a rarement été aussi fragilisée. Entre insécurité, discours radicaux mais aussi actions de solidarité, le vivre ensemble est-il encore possible ? Oui pour de nombreux intellectuels du pays.
« De même que l’huile et l’eau ne font pas bon ménage, je constate avec regret que le monde kanak et le monde occidental, malgré plus de 170 ans de cohabitation, ont des antagonismes toujours insurmontables. » En une phrase, Sonia Backès a semblé, lors de son discours du 14 juillet, enterrer la notion de vivre ensemble en Nouvelle-Calédonie.
Un avis loin d’être partagé par tous. Pour Louis Lagarde, maître de conférences en archéologie océanienne, le président de la Province Sud a tort de dire que le vivre-ensemble est un échec. « Je veux le prouver par la proportion importante de métis en Nouvelle-Calédonie, il se souvient. Elles sont la preuve que le vivre ensemble existe ou a existé.
Vivre ensemble aussi dans les pratiques. « Les Calédoniens de toutes origines chassent de la même manière, pêchent de la même manière, utilisent les mêmes remèdes pour faire bien des choses. Nous utilisons tous le même langage, le même langage, avec le même humour, avec les mêmes feintes. »
Un vivre-ensemble qui s’observe dans les détails du quotidien, explique l’archéologue et conservateur Jean-Marie Wadrawane. « Pour prendre un exemple qui peut être basique, le pot de cornichon, il est présent sur toutes les tables calédoniennes », commente celui qui étudie les civilisations en se basant notamment sur leur culture matérielle. Les gens ont tous pris un peu de chaque groupe culturel qui évolue en Nouvelle-Calédonie.
La flèche de faîte est présente dans le monde kanak, mais elle est également présente sur les murs des habitants de Nouvelle-Calédonie qui sont attachés à la valeur symbolique de l’objet.
Jean-Marie Wadrawane, archéologue
Un vivre ensemble au quotidien validé par Karine Bonnard, vice-présidente de la Fondation des Pionniers. « Je suis originaire de Sarraméa, j’habite à Farino et je travaille à Bourail, elle explique. Donc, tous les jours, je passais trois barrages pour arriver à mon lieu de travail et ce n’étaient pas seulement des barrages du CCAT. Et donc vivre ensemble. Continuer à construire le vivre ensemble avec les valeurs que les pionniers ont toujours défendues. C’est-à-dire la valeur du travail, c’est se lever le matin, aller construire ce que nous devons construire pour le pays. »
Ce vivre-ensemble a cependant pris un coup lors des violences du mois de mai et des atrocités commises ces derniers jours. « La politique n’a pas aidé ce vivre ensemble avec tous les éléments qui sont passés, déplore Michel Franck, président de la communauté chinoise de Nouvelle-Calédonie. Mais je pense qu’au fond de chacun des habitants il y a toujours cette envie de vivre ensemble. »
Le vivre ensemble comme fondement de la vie sociale. Et comme chemin vers l’avenir. « On nous a demandé de vivre ensemble, les autochtones, les gens d’ici, mais aussi aux autres, posé Léopold Hnacipan, écrivain et directeur du collège Teouta, établissement de la Fédération de l’Enseignement Libre et Protestant situé à Voh. Nous avons hérité d’une histoire commune. Et quand je dis que je suis indépendantiste, je pense à nous tous et je veux convaincre les autres de faire comme moi. Mais cet avenir, c’est nous qui le définissons.