Le géant du vin Castel a assigné au tribunal Viti 33, un collectif de vignerons girondins, ainsi que la FDSEA départementale et les Jeunes Agriculteurs. Ils réclament 100 000 € de dommages et intérêts suite au blocage des entrepôts lors des manifestations. Une surprise pour les assignés qui ne s’attendaient pas à une telle procédure.
Ils n’ont pas apprécié les manifestations devant leurs entrepôts. Lundi 15 avril, Castel Frères, négociant qui commercialise des bouteilles de vin dans le monde entier, a intenté une action en justice contre deux syndicats, la FDSEA de Gironde, les Jeunes Agriculteurs ainsi que Didier Cousiney, président du collectif Viti 33.
La convocation cite cinq chefs d’accusation : entrave à la liberté d’aller et venir, atteinte au droit à la protection du domicile, atteinte à la réputation de la personne morale, atteinte aux biens d’autrui et complicité par provocation à commettre des actes illégaux.
Le groupe met en cause une mobilisation le 28 février devant leur site de Blanquefort qui a regroupé une centaine d’agriculteurs. Au cœur de la crise agricole, les manifestants réclamaient des prix d’achat décents. « Il y avait près d’une centaine de vignerons et une trentaine de tracteurs qui bloquaient non seulement l’accès à l’entreprise, mais déversaient également des tonnes de fumier, de foin, de pneus et de ceps de vigne devant l’entrée du site et même par-dessus la clôture de l’entreprise. »indique le groupe – par la voix de son avocat – dans l’assignation que nous avons pu obtenir.
Castel Frères s’appuie sur des vidéos, des photos, mais aussi des titres de presse relatant la mobilisation du 28 février. Une première plainte a également été déposée par le directeur de l’entreprise de Blanquefort au lendemain des événements.
Tout le monde sait que le collectif se mobilise dans le respect et la dignité. Nous n’avons jamais rien détruit.
Didier CousineyPrésident du collectif Viti 33
Du côté des assignés, la démarche du commerçant surprend autant qu’elle déçoit. « Je trouve cela très malvenu compte tenu de la situation actuelle de la viticulture. » regrette Didier Cousiney, personnellement visé par la convocation. Le président de Viti 33 regrette une action « lamentable ». « Oui, il y a eu du fumier et du foin déversés, mais ce n’est pas une catastrophe. C’était le cas partout ailleurs et je ne pense pas qu’il y ait eu de telles plaintes. »dit Didier Cousiney.
Dans sa convocation, Castel Frères dénonce, par ailleurs, un « attaque directe ciblée contre le représentant »symbolisé par une banderole brandie lors de la manifestation qui lui ordonnait de vendre « son hélicoptère » payer « nos fûts ». De ce fait, l’image de l’entreprise et de son représentant aurait donc été dégradée depuis cet épisode. « Avec cette plainte, nous parlerons négativement de tout Bordeaux pendant des mois encore » souligne Jean-Samuel Eynard, président de la FDSEA de Gironde.
Si les Jeunes Agriculteurs préfèrent attendre la suite de la procédure avant de s’exprimer, le syndicat départemental regrette une nouvelle « provocation » du commerçant, après le refus de la direction, le 28 février, de rencontrer les manifestants. « Suite à ces manifestations, nous venons d’entamer un travail historique pour améliorer le fonctionnement du secteur. On se demande s’il n’y a pas chez eux une volonté de torpiller ce travail.» interroge Jean-Samuel Eynard. Le président du syndicat agricole fait ainsi référence à la table ronde, qui s’est tenue le 8 avril dernier, réunissant tous les acteurs de la filière vitivinicole.
Le négociant bordelais demande une indemnisation totale de 100 528 € pour l’ensemble des « préjudice subi » dont 68 920 € pour la restauration, 11 608 € pour le préjudice économique lié à l’arrêt de l’activité et 20 000 € pour l’atteinte à l’image.
Si, de son côté, Didier Cousiney demande au groupement de négoce de « retourner à sa mission », il assure « faire face jusqu’au bout ». « Nous n’avons pas d’argent, mais je n’abandonnerai pas » promet le président du collectif des vignerons. La FDSEA attend, « ce que diront les tribunaux. » « Il y aura du travail devant les juges pour arriver à des sommes plus réalistes »indique Jean-Samuel Eynard.
Branche historique du groupe, Castel Frères revendique « vendre 16 bouteilles chaque seconde » et être le leader de la distribution de vins en France et en Europe, et le numéro trois mondial. Contacté, il n’a pour l’instant pas répondu à nos demandes. Les deux syndicats agricoles ainsi que le président du collectif comparaîtront mardi 4 juin devant le tribunal judiciaire de Bordeaux.