À quel moment la scène a-t-elle pris une mauvaise tournure pour vous ?
Dès le début, finalement. C’est parti très fort et j’ai beaucoup donné dans la première montée car j’avais des consignes pour prendre l’échappée. J’ai peut-être voulu faire trop bien. J’ai vite vu que j’étais à pleine vitesse. J’ai complètement explosé dans la troisième montée, je me suis retrouvé à l’arrière et je ne suis jamais revenu.
Et puis?
J’étais avec trois filles. Je pense qu’elles savaient déjà qu’elles n’allaient pas finir l’étape, donc elles ne m’ont pas vraiment aidé. Quand on sait qu’il reste tant de kilomètres à faire seul, c’est compliqué. Mais j’y ai cru jusqu’au bout, c’est le Tour de France après tout.
Quand as-tu décidé d’arrêter ?
Je n’ai pas vraiment eu le choix… Comme j’avais plus de dix minutes de retard, je me suis retrouvé hors course au bout de 90 kilomètres et tout seul dans le trafic. On est sur le Tour de France, je ne trouve pas ça normal. C’était dangereux, j’ai failli me faire renverser par une voiture. Au kilomètre 110, mon directeur sportif m’a dit de m’arrêter et je l’ai écouté. Je savais que ça allait être difficile d’arriver à l’heure à l’arrivée, mais au moins j’aurais fini. Il me restait 15 kilomètres. C’est injuste de finir comme ça…
À quoi pensais-tu à ce moment-là ?
Sur le moment, pas grand chose. C’est quand je suis arrivée au bus de l’équipe après l’étape et que j’ai vu toutes les filles que tout s’est envolé. J’avais beaucoup de tristesse à évacuer et je ne pense pas m’en être encore débarrassée.
Quel sentiment prédomine quelques heures après votre abandon ?
Bien sûr, je suis très très déçu. Je savais que ce serait difficile de finir ce Tour de France, mais je m’y étais préparé. Il y aura toujours cette déception de ne pas être allé au bout. En plus, mes parents devaient me faire la surprise de venir me voir vendredi (6e étape)… Mais j’ai couru avec l’envie, avec le cœur. Je n’ai aucun regret. Même si j’ai fini avec le corps en pagaille après les premières étapes, j’ai réussi à prendre du plaisir. Le contre-la-montre (3e étape) était fou avec la foule. Je ne sentais plus mes jambes !
Justement, comment se sont passés vos deux premiers jours ?
Je pense qu’ils ne m’ont pas aidé aujourd’hui (mercredi). La première étape, j’ai eu deux crevaisons dans les premiers kilomètres. Ça allait très vite et je me suis retrouvé derrière le peloton pendant un long moment. À ce moment-là, j’ai pensé que c’était déjà fini pour moi. J’ai réussi à revenir mais à l’arrivée, j’étais mort. J’avais mal partout.
Pouvez-vous encore tirer quelque chose de positif de cette expérience ?
C’est nécessaire ! Ce n’est pas en pensant au négatif que je vais avancer. Au début de la saison, je n’aurais jamais pensé être là. Ça me donne envie de travailler encore plus dur pour revenir dans les prochaines années. Ça fait partie de la vie d’un athlète. Il y a des moments très forts, d’autres très bas. En ce moment, c’est très bas, mais je sais qu’on se relève toujours.