Divertissement

« C’est bien de mettre en avant un homme doux et gentil »… Karim Leklou brille dans « Le Roman de Jim »

Karim Leklou est vraiment sublime dans Le roman de Jim réalisé par Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Et cette adaptation d’un livre de Pierric Bailly est l’un des plus beaux films français découverts à Cannes cette année (avec Émilia Pérez de Jacques Audiard, sur laquelle nous reviendrons la semaine prochaine). Cette œuvre d’une beauté bouleversante parle d’engagement, de séparation et de paternité. Elle illustre parfaitement une ligne culte de Les règles du jeu par Jean Renoir : « La chose la plus terrible au monde, c’est que chacun a ses raisons. »

Le joyau de ce précieux film est Karim Leklou, un acteur incandescent, bien entouré de Lætitia Dosch, Sarah Giraudeau, Bertrand Belin, Noée Abita et Andranic Manet. Après le récent Pour la France par Rachid Hami, Vincent doit mourir par Stephan Castang et Goutte d’or par Clément Cogitore, l’acteur atteint une telle maturité et une telle délicatesse dans son jeu qu’il en tire souvent les larmes aux yeux. Rencontre avec un homme aimable et fier de l’être.

Qui est Aymeric, l’homme que vous incarnez dans « Le Roman de Jim » ?

C’est un homme qui fait parfois de mauvais choix et parfois de bons, comme tout le monde. Il a failli tomber dans la délinquance, vit de petits boulots et s’occupe du fils de sa compagne depuis sa naissance. Il noue avec lui une relation particulière jusqu’au jour où le père biologique de l’enfant se manifeste. La séparation qui s’ensuit est déchirante mais ce genre de choses arrive régulièrement. Les relations avec les belles-mères et les beaux-pères peuvent parfois mener au drame dans les familles recomposées. En cas de séparation, les beaux-parents n’ont aucun droit sur les enfants même s’ils les ont élevés. Le film suit le destin amoureux des personnages sur vingt-cinq ans. Il questionne la notion de paternité et l’importance que l’on accorde – ou non – aux liens du sang. C’est l’histoire d’un homme qui n’est pas père et qui apprend à l’être.

Considérez-vous Aymeric comme naïf ?

Il est bon, ce qui n’est pas synonyme de naïf ou de stupide comme on a trop souvent tendance à le croire aujourd’hui. Il ne pense pas seulement à son propre intérêt mais cette façon de prendre en considération les autres n’est pas un signe de faiblesse bien qu’il en paye le prix. La gentillesse n’est pas une faiblesse. Il est bon de mettre en avant un homme doux et gentil, quelqu’un qui se sent suffisamment bien dans sa peau pour ne pas ressentir le besoin d’écraser les autres. Il est important de ne pas montrer uniquement des personnages sombres au cinéma. Les gens gentils peuvent aussi avoir un fort potentiel cinématographique.

Pensez-vous que le film parle de la masculinité telle que nous la voyons aujourd’hui ?

Il parle d’hommes, de femmes et d’enfants qui font du mieux qu’ils peuvent dans des situations difficiles. Il évoque le monde actuel, celui du travail dans lequel il n’est pas facile de survivre. Il parle aussi d’amour entre les gens, de tout ce qui fait la vie. Les frères Larrieu ont pris ces sujets à bras-le-corps et ce film pourrait être un mélodrame s’il n’était pas aussi ancré dans le quotidien. Il ne cherche pas à tirer des larmes ce qui, à mon avis, renforce les émotions qui en ressortent. Il n’y a aucun bluff dans la mise en scène.

Comment développe-t-on un personnage sur une période aussi longue ?

L’écriture des frères Larrieu a été cruciale, tout comme le travail sur la lumière, les cheveux et le maquillage. Le film est construit sur les souvenirs d’Aymeric. Son apparence passée reste pour lui très floue, ce que nous avons retranscrit à l’écran de la manière la plus subtile possible. On le voit vieillir mais très progressivement, un peu comme dans la vraie vie. Le langage corporel a également eu son importance. Le poids de la solitude fait s’incliner cet homme brisé, mais il finira par se relever. Son apparence physique évolue petit à petit, comme lui-même qui se laisse ballotter par la vie. Les changements que traverse le personnage de Lætitia Dosch, plus radical dans ses choix, sont clairement plus marqués.

Ne pensez-vous pas qu’il est trop maltraité ?

Il prend des coups mais ce que je trouve fascinant c’est qu’il n’y a pas de méchants dans le film. On évite tout manichéisme et cette complexité est aussi rare que précieuse dans le cinéma d’aujourd’hui. Aymeric n’est jamais plus intelligent que ce qu’il vit. Il ressent un amour viscéral pour l’enfant qu’il a vu naître, un lien du cœur qui ne s’explique pas. On comprend sa douleur mais on peut aussi admettre les réactions d’une mère qui essaie de faire de son mieux pour son fils. Les protagonistes sont parfois durs mais ils ne sont jamais malveillants. Ils gardent un bon cœur dont ils font preuve en ne restant jamais dans un mensonge qui pourrait leur faciliter la vie.

Pensez-vous que ce film est politique ?

Je considère Le roman de Jim comme une image très juste de la France d’aujourd’hui mais aussi comme une histoire universelle. Ce film est éminemment politique dans la façon dont il montre la résilience d’un homme simple au cœur d’époques que l’on voit évoluer depuis deux décennies. Les événements du monde extérieur sont très présents dans le récit, notamment les élections et autres événements politiques. Cependant, le film est centré sur l’intime car ce qui va marquer la vie d’Aymeric, ce qui va façonner son existence, c’est l’amour, les relations entre les gens. Je trouve ça désarmant de simplicité, très fort, très juste. C’est agréable de faire passer le message que ce qui compte, ce sont les gens.

Cette idée influencera-t-elle vos futurs choix de carrière ?

Je crois qu’Aymeric me marquera longtemps par sa façon d’être à l’écoute des autres. Il prend des photos tout le temps pour immortaliser des moments de bonheur ce qui lui permet de porter un regard bienveillant sur ceux qui l’entourent. Il célèbre l’instant présent avec une sagesse qui m’a touchée. Sa force tranquille et ses failles profondes restent profondément ancrées en moi. Le roman de Jim marque une étape importante dans ma carrière.

Malagigi Boutot

A final year student studying sports and local and world sports news and a good supporter of all sports and Olympic activities and events.
Bouton retour en haut de la page