Divertissement

ces vacanciers qui reviennent au même endroit chaque année

DÉCRYPTAGE – Chaque été et depuis des décennies, ils reviennent fidèlement dans le même village, dans la même station balnéaire, préférant la routine à l’inconnu. Témoignages de ceux pour qui vacances riment avec constance plutôt qu’aventure.

Cette année, comme toutes les autres, Guillaume E., 45 ans, graphiste, ne s’est pas posé beaucoup de questions sur l’organisation de ses vacances. Il les passera à Hossegor avec ses deux enfants comme il le fait depuis huit ans. Déjà à l’université, J’avais l’habitude d’aller chez une amie dont les parents louaient toujours la même maison. J’y retourne chaque année avec les enfants car nous aimons l’ambiance décontractée de la ville« , raconte-t-il. Laurence Delforge, directrice du marché touristique, revient chaque été en Crète depuis douze ans. « Quoi, tu vas encore en Crète ?« , disent chaque année ses enfants à celle qui a fait de cette île sa seconde maison.

Tandis que d’autres parcourent le monde à la recherche de nouvelles aventures, de nouvelles locations, de nouvelles plages, ces vacanciers aiment revenir chaque été aux mêmes endroits comme on revient dans une maison de famille chargée de souvenirs. Peur de la nouveauté, paresse dans la recherche ou attachement quasi proustien aux souvenirs ? Un psychologue tente de décrypter les raisons de ces vacances où la seule inconnue est la météo.

Repos total

Depuis sa naissance, Laura Martinez, 23 ans, fraîchement diplômée de l’École de Management de Strasbourg, passe ses vacances dans cet appartement familial acheté par sa grand-mère il y a plusieurs décennies à Xeraco, au sud de Valence en Espagne. Là, la jeune femme savoure la routine de ces journées entre la plage, la piscine, les parties de Paleta frontón (la version péruvienne de la pelote basque) et un apéritif dans un bar de plage.Connaître par cœur les lieux et l’agencement des vacances me permet de vraiment me reposer, me détendre et me déconnecter, assure-t-elle. Pour la jeune femme, voyager vers un nouvel endroit s’accompagne toujours d’une «envie de tout découvrir» et donc « d’une pression« Pour elle et pour d’autres vacanciers réguliers, ce territoire familier est avant tout l’endroit où l’on peut enfin se reposer. »Quand on part pour la première fois dans une région pendant une semaine, on a envie de tout découvrir, on ne se repose pas« , ajoute Guillaume. Si Olivier Serfaty, directeur commercial de 53 ans, revient depuis vingt ans à Sitges en Espagne avec ses trois enfants, c’est aussi pour ce même repos et « Des vacances avec un risque minimum« .


 » Chaque année, nous savons exactement ce que nous allons trouver, alors que l’inconnu peut générer de l’anxiété, surtout si vous avez des enfants.

Lisa Letessier, psychologue

La psychologue Lisa Letessier, auteur de Comment conserver le bénéfice de vos vacances publié par Odile Jacob, voit dans cette répétition un besoin de sécurité.Lorsque vous trouvez un endroit que vous aimez et qui répond à toutes vos attentes, y retourner élimine toute incertitude. Chaque année, vous savez exactement ce que vous allez trouver, alors que l’inconnu peut générer de l’anxiété, surtout si vous avez des enfants« . Ainsi, père célibataire de deux enfants, Guillaume laisse sa voiture et toute sa charge mentale derrière lui pendant ses deux semaines à Hossegor où son seul programme est : marché, plage, restaurant. Quand les nouveaux venus, téléphone en main, cherchent les adresses des meilleurs restaurants sur Google, Guillaume et les autres ont déjà leurs réservations dans des adresses authentiques et moins touristiques. Non seulement la pression et le risque de se tromper sont moindres mais « Je me sens moins touriste« , résume Olivier Serfaty.

Sentiment d’appartenance

Tous évoquent alors un sentiment de « se sentir chez soi ». Derrière leur attachement fort se cache un besoin fondamental de la pyramide de Maslow : le sentiment d’appartenance.Tout le monde a ce besoin d’appartenir à un endroit, c’est rassurant. On se sent comme dans une famille, on connaît les commerçants, on est accueilli. C’est quelque chose d’émouvant de retrouver un endroit familial « , explique Lisa Letessier. Pour les chercheurs en psychologie ou en marketing qui ont étudié la notion d’attachement au lieu, les interactions sociales et la relation avec les habitants contribuent à ce lien autant que les paysages et les aspects physiques de la destination. « En Crète, on s’y sent un peu comme à la maison. D’autant que nous avons noué des liens avec des serveurs et des hôteliers sur place, et que nous y croisons parfois des connaissances françaises : reconnaître des visages sympathiques renforce cette impression d’être chez soi« , explique Laurence Delforge.

Ce lieu et ces gens auxquels on s’attache participent aussi à la construction de l’identité d’une personne. Qu’il s’agisse d’Ibiza, d’une plage bretonne ou d’un camping du sud, ce lieu tant aimé dont l’image et les valeurs sont en harmonie avec l’image que l’on a de soi-même devient partie intégrante de notre identité, de notre définition de nous-mêmes. C’est pourquoi Laura Martinez ne peut imaginer un été sans cette parenthèse espagnole.Je raterais quelque chose si je n’y allais pas.« , assure-t-elle. Apolline Convain, 24 ans, journaliste, parle de « point de repère» et de «vacances câlines« quand elle évoque ses vacances en famille à Port-Navalo, ancien port de pêche du Morbihan où d’autres familles d’amis rejoignent sa tribu familiale. Plus jeune, elle ne comprenait pas les raisons qui poussaient ses parents à aller toujours au même endroit, mais l’année dernière, lors de son été au Liban, elle a ressenti un manque. »Ce qui m’a beaucoup surpris, car j’ai tendance à vouloir découvrir de nouveaux endroits.

Volonté de transmettre

Ces répétitions sont des rituels familiaux que Guillaume aime transmettre à ses enfants, « Cela devient comme un port d’attache pour eux« , raconte-t-il. Ce premier dîner au Minus autour de moules ou de calamars à la plancha marque chaque année le début des vacances et crée des souvenirs partagés. Mais au-delà des souvenirs, ce sont des valeurs que Marie-Pierre Sensey souhaite transmettre à ses enfants et petits-enfants à travers ses vacances au Touquet Paris Plage où elle-même s’est rendue avec ses parents. « Aujourd’hui, Ils sont décédés et je souhaite acheter leur maison pour que mes petits-enfants puissent profiter de cet endroit.« , dit-elle. Son objectif est de leur inculquer des valeurs, celles des vacances. »au grand air, la vie sportive, la vie de famille avec les cousins… Et cet esprit bon enfant et festif« .

 » Des études démontrent l’impact bénéfique des voyages sur l’ouverture d’esprit et la plasticité cérébrale »

Or, si la répétition est rassurante, relaxante et sécurisante, gare à la routine, prévient Lise Letessier.Des études démontrent l’impact bénéfique des voyages sur l’ouverture d’esprit et la plasticité cérébrale. Si nous n’avons pas la possibilité d’aller ailleurs au cours de l’année, lors de ce retour annuel, nous pouvons essayer de nouvelles choses comme changer de café, prendre un guide de la région et explorer, pour créer de nouvelles connexions neuronales » conseille-t-elle. Laura Martinez a commencé à le faire en prenant la voiture pour visiter les villes autour de son village. Laurence Delforge, quant à elle, s’aventure toujours en Crète, qu’elle connaît si bien. « On change de circuit et d’hôtel à chaque fois, on fait de nouvelles activités, on découvre de nouveaux endroits… Et on découvre plus en profondeur ceux que l’on connaît déjà. » souligne-t-elle. Même si ses enfants demandent encore s’ils ne peuvent pas « pour une fois» changer de lieu de vacances.


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Malagigi Boutot

A final year student studying sports and local and world sports news and a good supporter of all sports and Olympic activities and events.
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