Venu des Etats-Unis, le phénomène du « porno immobilier » et des faux acheteurs commence à se développer en France.
C’est une tendance relativement récente en France mais bien connue aux Etats-Unis : le « porno immobilier ». Une sorte d’addiction à l’immobilier, de préférence clinquante et inaccessible. Ce phénomène s’invite de plus en plus facilement dans nos foyers via les réseaux sociaux et les plateaux TV dédiés : un rêve qui vire parfois à l’obsession.
Que ce soit TikTok, Instagram ou encore l’émission L’Agence sur Netflix qui permet de suivre la famille Kretz, les Français sont passionnés par les châteaux, villas et appartements valant parfois des dizaines de millions d’euros. Et de plus en plus de curieux vont jusqu’à vouloir visiter eux-mêmes ces biens, quitte à faire semblant de pouvoir les acheter. Pour les grands réseaux internationaux, nous vivons en France quelque chose de bien connu aux Etats-Unis.
Un « voyeurisme total »
Là, l’addiction est alimentée par le « voyeurisme total », confirme le patron de Sotheby’s International Realty France – Monaco Alexander Kraft qui évoque par exemple l’existence d’une chaîne de télévision dédiée uniquement à l’immobilier : HGTV (pour « Home & Garden Television ») . Celui-ci propose des programmes sur les chasseurs d’appartements, la transformation ou la rénovation de maisons ou encore les « maisons invendables », autrement dit des maisons invendables que l’on va « pimper » pour trouver des acheteurs. Ces programmes sont de plus en plus exportés. Le « porno immobilier » est devenu mondial et a donné naissance à ces « touristes immobiliers », ces faux acheteurs qui visitent les propriétés pour se mettre à l’œil.
Mais peut-on vraiment se faufiler dans l’immobilier haut de gamme sans se faire repérer par les agents immobiliers ? En France, beaucoup tentent mais peu réussissent. Et pour cause, nos agents de luxe sont pour la plupart ultra vigilants. Au-delà de la pièce d’identité, ils ont aussi des obligations en matière de lutte contre le blanchiment d’argent, sans parler des intérêts financiers : le temps, c’est de l’argent. Notaires, banquiers, avocats, attestation de capacité de financement… Les agents vont vraiment enquêter avant de confirmer une visite pour un bien de prestige. D’autant qu’en France il y a aussi cette promesse de confidentialité envers les clients vendeurs.
C’est pratiquement une exception culturelle, car aux États-Unis, on peut assez facilement satisfaire sa curiosité avec, par exemple, des « portes ouvertes ». Ces visites, ouvertes à presque tous les publics, peuvent avoir lieu dans des maisons dont le prix monte parfois jusqu’à dix millions de dollars.
De faux acheteurs parfois très crédibles
En France, les « touristes immobiliers » du luxe s’identifient assez vite entre des problèmes de cohérence du discours, de style vestimentaire ou de comportement. « Il y a des éléments qui ne sont pas trompeurs », assure le patron de Coldwell Banker Laurent Demeure, qui reconnaît néanmoins que certaines techniques peuvent fonctionner.
Un autre agent immobilier, sous couvert d’anonymat, nous explique que certaines personnes se donnent rendez-vous dans un palais par exemple. Le faux acheteur prétend y séjourner et propose du café, ce qui reste une dépense assez limitée. Certains sont si crédibles qu’ils promettent même d’acheter. Quant au dépôt de garantie qui monte jusqu’à 10% de la valeur du bien, de faux acheteurs ont déjà réussi à convaincre le notaire d’attendre le paiement.
De toute façon, ces curieux ne risquent pas grand-chose. Refuser un prêt auprès d’une banque fait partie des conditions légales pour suspendre un achat immobilier. Quant aux visites inutiles, les agents ne veulent pas perdre plus de temps à chercher un moyen légal pour punir ces faux acheteurs. En revanche, ils les ont identifiés et font passer le message à travers le réseau. Certains parviennent donc à faire une visite mais pas deux. A visiter sans mentir, sachez que les réseaux organisent occasionnellement des journées portes ouvertes avec des créateurs et des marques de luxe, comme récemment l’agence Varenne pour un hôtel particulier du 7e arrondissement de Paris.