Bruno Retailleau, Laurence Garnier, Patrick Hetzel… Pour former son gouvernement, Michel Barnier a proposé les noms de plusieurs personnalités de la droite conservatrice à Emmanuel Macron. Une liste qui choque la gauche et jusque dans les rangs du camp présidentiel.
La « droite du Trocadéro » au pouvoir ? François Fillon a beau avoir perdu l’élection présidentielle de 2017, des représentants de sa ligne idéologique s’apprêtent à faire une entrée triomphale au gouvernement. Lors d’un entretien ce jeudi 19 septembre à l’Élysée, Michel Barnier a proposé à Emmanuel Macron de nommer plusieurs membres des Républicains, dont ceux issus de la frange la plus dure du parti.
Parmi eux, Bruno Retailleau. Le chef de file des LR au Sénat et figure de la droite conservatrice pourrait devenir ministre de l’Intérieur. L’élu vendéen a été l’un des plus fervents soutiens de François Fillon il y a sept ans lors de la campagne présidentielle et a manifesté contre le mariage pour tous avec la Manif pour tous.
Celui qui est passé par le Mouvement pour la France de Philippe de Villiers s’était également opposé en 2021 au projet de loi visant à interdire les thérapies de conversion. En 2023, il avait fait un lien entre immigration et violences urbaines et scandalisé la gauche pour des propos jugés racistes. Plus récemment, début 2024, il avait voté contre la constitutionnalisation de l’avortement.
Mais le nom qui a le plus choqué la gauche depuis les révélations de BFMTV ce jeudi 19 septembre est celui de Laurence Garnier. La sénatrice de Loire-Atlantique, attendue à la Famille, s’est notamment opposée à la constitutionnalisation de l’avortement en 2024, a voté contre l’interdiction des thérapies de conversion en 2021. Elle était aussi très impliquée dans la Manif pour tous.
Le député Patrick Hetzel, qui pourrait devenir ministre de l’Enseignement supérieur, était le porte-parole de François Fillon. Il a participé aux manifestations contre le mariage homosexuel et a voté, comme son collègue sénateur, contre la constitutionnalisation de l’avortement.
Au moins un tiers du gouvernement est issu de l’UMP ou des LR
Des « contrôles éthiques de routine » seront menés par les services de Matignon dans les prochaines heures, avant la présentation du gouvernement « avant dimanche ». Face à une éventuelle levée de boucliers, la liste proposée par Michel Barnier pourrait-elle évoluer ?
Un précédent assez récent existe. En 2022, Catherine Vautrin avait été envisagée par Emmanuel Macron pour le poste de Premier ministre. Ses positions anti-LGBT avaient refait surface et le président de la République lui avait préféré Elisabeth Borne.
Mais l’ancien député UMP de la Marne a finalement été nommé ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités en janvier 2024. Signe qu’il est possible d’avoir occupé par le passé des positions anti-LGBT et conservatrices et de travailler avec Emmanuel Macron.
Elle pourrait potentiellement conserver son poste ou hériter d’un autre portefeuille, à l’image de deux autres ministres démissionnaires qui ont fait leurs classes à l’UMP avant de rejoindre Emmanuel Macron : Sébastien Lecornu et Rachida Dati.
Michel Barnier a proposé ce jeudi 38 noms au président de la République. Les Républicains devraient obtenir 9 postes, dont trois à temps plein. Mais si les noms de Lecornu, Vautrin et Dati figurent sur cette liste, au moins 15 ministres ayant fait leur carrière à l’UMP ou à LR pourraient rejoindre le prochain gouvernement.
« Je vomis depuis trois heures. »
La composition potentiellement très à droite et conservatrice du gouvernement Barnier choque jusque dans les rangs de la Macronie. « J’ai mal pour ma France. Je n’ai pas signé pour ça. Je vomis depuis trois heures », « je vais essayer de croire que tout ça n’est qu’un cauchemar », ont témoigné deux parlementaires de Renaissance auprès de BFMTV, à propos de la nomination de Laurence Garnier.
« Non, c’est agréable. Je me sens soudain plus jeune, on est en 2007 », plaisante un autre membre de « l’aile gauche » du camp présidentiel.
Au MoDem, les députés ont collectivement décidé jeudi soir de laisser passer la nuit pour tenter d’y voir plus clair demain. En espérant que quelques noms seront rayés de la liste d’ici là. Si le parti de François Bayrou devrait obtenir deux postes (Jean-Noël Barrot pour l’Europe et Geneviève Darrieussecq pour la Santé, selon nos informations), un député a confié à BFMTV que ses collègues sont « en difficulté ».
« L’équilibre (demandé par le Modem, NDLR) est très loin du compte. On se sent très loin de Garnier, de Retailleau à l’Intérieur », a déclaré cette source, qui n’a pas voulu « réagir dans le feu de l’action ».
Emmanuel Macron validera-t-il l’intégralité de la liste de Michel Barnier ? La Constitution est claire : c’est le président de la République qui, sur proposition du Premier ministre, nomme les membres du gouvernement. Mais deux semaines après son arrivée à Matignon, l’ancien commissaire européen pourrait perdre patience face à un refus du locataire de l’Élysée. De là à claquer la porte ? « Ce serait le début de sérieux ennuis », a confié cette semaine un cadre du bloc central à BFMTV.