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ces jeunes mobilisés pour « faire barrage à l’extrême droite »

L’idée est née le 9 juin, au soir des résultats des élections européennes, autour d’une table dans un bistrot parisien. Certains sortaient d’une réunion pour le prochain Dust Festival. D’autres prévoyaient simplement de passer du temps avec des amis ou d’assister à la soirée électorale. Si l’on s’attendait à ce que le Rassemblement national (RN) obtienne un score significatif, la dissolution de l’Assemblée nationale par le Président de la République a donné à ce scrutin européen une tout autre tournure : « Et si le Rassemblement national prenait la direction du gouvernement ? »

C’est dans cette perspective qu’Emmanuelle et Gabriel, jeunes trentenaires franciliens, membres actifs de collectifs écologistes catholiques, ont souhaité « mobiliser plus largement ». Le soir même, ils ont créé un groupe avec d’autres chrétiens engagés, d’âges et d’horizons différents. Le lendemain, ils se réunissent pour établir un plan de bataille. Deux idées émergent : rédiger un article commun, finalement publié dans La Croix, réunissant des milliers de chrétiens, puis organisent un rassemblement œcuménique (1) dont le slogan est : « Nous voterons contre l’extrême droite ».

Se rassembler sur des points communs

« Nous avons ressenti le besoin de montrer qu’en tant que chrétiens, les idées du RN nous semblaient dangereuses et incompatibles avec l’Église et la doctrine sociale de l’Église », dit Emmanuelle, qui aide les écoles à s’adapter à la transition écologique. La rédaction du texte n’a pas été des plus simples. « Nous venons de mouvements différents, raconte Gabriel, qui travaille au Secours catholique. Nous avons voulu garder notre dénominateur commun qui est le fait de nommer l’extrême droite en fonction de ce que nous enseignent notre foi et l’Église. »

Si certains chrétiens soulignent le « danger des extrêmes », en référence notamment aux positions pour le moins controversées de La France insoumise, ils assument pour le moins cibler le RN en priorité. Ils devaient trancher certaines questions. Doit-on donner une instruction de vote, oui ou non ? Faut-il utiliser des références historiques ? Faut-il utiliser le champ lexical de l’émotion ? « Il était important pour nous de ne pas aborder nos sujets de tensions, mais simplement de rappeler ce qui nous anime et non ce qui nous divise. » explique Emmanuelle.

Et leurs points communs sont nombreux et s’articulent autour de trois questions : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Mc 12, 31), l’option préférentielle pour les plus pauvres et les isolés, ainsi que l’importance de ne pas céder à la peur. « Il faut parler clairement et sincèrement des idées du RN, continue Emmanuelle. Aujourd’hui, avec une certaine normalisation de leurs idées au sein de la société et chez les catholiques, on ne sait plus ce qui se cache derrière les mots. » Face à des questions, notamment sur la présence de faux signataires de la plateforme, ils nient avoir dû se mobiliser très rapidement sans avoir eu le temps de développer la technique suffisante pour vérifier chaque signataire.

Mais que pensent-ils des catholiques qui ont choisi de voter pour l’extrême droite lors des élections européennes, notamment pour défendre la« Identité chrétienne » ? Ils sont 28 % parmi les catholiques pratiquants réguliers – 42 % pour l’ensemble des pratiquants –, selon une enquête Ifop pour La Croix. Pour les deux jeunes, cette réponse « n’est ni la bonne solution ni la solution chrétienne ». « Le cœur de notre combatprécise Emmanuelle, ce n’est pas travailler contre quelque chose mais pour une société meilleure. »

(1) Rassemblement prévu dimanche 23 juin à 16 heures, sur l’esplanade du Souvenir-Français, dans le 7e arrondissement de Paris.

William Dupuy

Independent political analyst working in this field for 14 years, I analyze political events from a different angle.
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