ces Français racontent comment les propos racistes sont devenus libres depuis les élections européennes
Depuis les élections européennes et le score du Rassemblement national, a-t-on vu émerger au sein de la société un racisme décomplexé ? Même si c’est difficile à quantifier, des témoins racontent à franceinfo une hausse des cas et une ambiance délétère.
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« Bientôt, c’est la fin de la France pour les rustres comme vous ! », « Sale Arabe »… Journaliste Mohamed Bouhafsi, chroniqueur de l’émission C à toi sur France 5, a publié mardi 26 juin des messages racistes le visant, reçus sur son compte Instagram. Le journaliste de France 5 Karim Rissouli a, quant à lui, reçu à son domicile un message raciste qui affirme que « les Français historiques en ont le cul plein de tous ces cons ». Dans un reportage de l’émission « Envoyéspecial », diffusé sur France 2 le 20 juin, on découvrait une aide-soignante victime du racisme de la part de ses voisins, militants du Rassemblement national.
Quelques jours plus tard, la porte-parole du gouvernement, Prisca Thevenot, dénonce «la diffusion de certains discours haineux » depuis la victoire du Rassemblement national aux élections européennes.
À l’image de ces personnalités racisées, de plus en plus de témoignages font état d’une multiplication d’insultes ou d’actes à caractère raciste depuis plusieurs semaines. Comme le confie Samantha, 31 ans. Née en France d’origine caribéenne, elle vit à Ermont, dans le Val-d’Oise, dans une résidence pavillonnaire où elle n’a aucun conflit avec le voisinage. Cependant, depuis plusieurs jours, « On m’a laissé sur le pare-brise de la voiture des mots où il écrivait : ‘Va te faire foutre’, ‘sorte’, etc.elle dit. J’ai une amie qui reçoit des déchets dans sa boîte aux lettres. J’ai une autre amie qui habite dans une résidence de banlieue et elle trouve des peaux de banane dans son jardin, etc. Je le sens, je le vois autour de moi : l’ambiance a changé depuis les élections européennes« , déplore la jeune femme.
Dans le cas de Samantha, comme dans la lettre ou les messages reçus par les journalistes de France 5, les auteurs sont anonymes. S’il est d’autant plus difficile de quantifier ces actes »,il y a globalement une forme de libération de la parole qui s’est produite et surtout il y a des petits signes », estime Véronique Reille-Soult, présidente de Backbone Consulting, spécialiste de l’opinion et des réseaux sociaux. « Par exemple, il existe un espace comme LinkedIn, qui est un réseau social professionnel, où les gens parlaient peu de politique ou du moins étaient plus positifs. Nous constatons que les gens font de plus en plus de réflexions désagréables. Ce sont de plus en plus souvent des mots qu’on n’aurait pas utilisés avant« , note-t-elle.
Ces insultes, parfois présentées comme des plaisanteries ou exprimées au second degré, ont donc commencé à envahir la sphère professionnelle. Et c’est ce qui inquiète Audrey, 27 ans, qui vit en Seine-et-Marne. « En ce moment, je cherche un nouvel emploi. Je passe des entretiens, on me pose des questions folles qu’on ne m’a jamais posées de toute ma vie… Il y a des questions sur ma religion, sur d’où je viens. Les gens demandez-moi combien de frères et sœurs j’ai. Je pense que c’est devenu normal pour moi.
« Mon problème est que ma vie va devenir ingérable. Je m’en fiche si les gens m’appellent des singes, maintenant c’est la vie, la vie de tous les jours qui compte. Ma vie va juste devenir insupportable. »
Audrey, 27 anssur franceinfo
Pour Audrey, c’est parce que l’opinion publique a changé, que le Rassemblement national a gagné les élections, que certains s’autorisent désormais ces comportements.