La Suisse vient d’être condamnée mardi par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour inaction climatique. Une décision historique mais loin d’être isolée : d’autres Etats ont déjà été montrés du doigt dans la lutte contre le réchauffement climatique.
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Dans un arrêt historique rendu mardi 9 avril, la Suisse a été condamnée par la CEDH, la Cour européenne des droits de l’homme. C’est la première fois que cette institution condamne un État pour son inaction climatique, après une demande de 2 500 femmes âgées dénonçant «Échecs des autorités suisses à atténuer les effets du changement climatique». La Cour a notamment jugé que la Suisse violait plusieurs droits fondamentaux définis par la Convention européenne des droits de l’homme. Mais d’autres États ont déjà été condamnés par les tribunaux de leur propre pays, ou par une instance de l’Union européenne (UE) sur les questions climatiques.
La Bulgarie ciblée pour la qualité de son air
C’est le premier État de l’UE à être condamné sur la question de la pollution atmosphérique par la Cour de justice de l’UE (CJUE), un organisme qui veille au respect de la législation européenne dans tous les États membres. Dans son arrêt d’avril 2017, la Cour a mentionné le « non-respect systématique et persistant » entre 2007 et 2013 des valeurs limites pour les particules fines dans plusieurs villes, dont la capitale Sofia. Toutefois, des seuils pour les particules fines et le dioxyde d’azote sont fixés par une directive européenne de 2008 sur la qualité de l’air. Les condamnations sur cette même directive vont également se succéder. Citons par exemple la Pologne en février 2018, L’Italie en novembre 2020, l’Allemagne en juin 2021…
La France a également été condamnée par la CJUE. En octobre 2019, elle estimait que la France n’avait pas fait suffisamment d’efforts pour lutter contre la pollution de l’air, notamment sur la valeur limite annuelle de dioxyde d’azote. En mai 2022, la France a de nouveau été pointée du doigt par la CJUE sur la même directive, pour avoir dépassé « systématiquement et de manière persistante » seuils pour les particules fines à Paris et en Martinique.
La France, condamnée à plusieurs reprises
Si la France passe cette fois entre les mailles du filet de la CEDH, elle affiche déjà un certain bilan en termes de condamnations. En 2017, le Conseil d’État exhorte le gouvernement à prendre des mesures urgentes pour « respecter les seuils européens de pollution de l’air dans plusieurs zones urbaines de France » après un appel des Amis de la Terre et d’autres associations. L’État français est accusé de ne pas respecter les seuils autorisés de concentrations de dioxyde d’azote et de particules fines PM10. Face aux manquements, le même Conseil condamne l’Etat à des amendes de plusieurs millions d’euros successivement en 2021, 2022 et 2023.
L’autre affaire s’appelle « L’affaire du siècle », portée par quatre ONG, dont Oxfam et Greenpeace. Le tribunal administratif de Paris condamne l’État en février 2021 pour « carences coupables », plus précisément, pour non-respect des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre entre 2015 et 2018. L’État doit verser un euro symbolique aux associations requérantes pour « préjudice moral ». En octobre 2021, l’État a de nouveau été condamné, cette fois à « réparer les dégâts écologiques » d’ici fin 2022. Fin 2023, dans un nouveau jugement, le tribunal estime que l’État « avait adopté ou mis en œuvre des mesures susceptibles de réparer le dommage en cause ».
Aux Pays-Bas, une condamnation sans précédent
En 2014, l’ONG environnementale Urgenda et plus de 850 citoyens ont déposé un recours devant la justice néerlandaise pour que l’État réduise ses émissions de gaz à effet de serre d’au moins 25 % d’ici fin 2020 par rapport aux niveaux de 1990. L’État a été condamné en 2015. C’était la première fois que les citoyens parvenaient à faire reconnaître un gouvernement responsable de l’inaction climatique. Il a déposé deux recours, qui ont tous deux été rejetés. Les Pays-Bas ont été définitivement condamnés en 2019 par la Cour suprême du pays. Mais la décision ne prévoit aucune contrainte pour obliger l’Etat à respecter ses objectifs.
La Belgique face à 58.000 citoyens
Cette décision intervient alors que la COP28 vient de s’ouvrir à Dubaï en novembre 2023. La justice belge condamne le gouvernement fédéral et deux des trois régions du pays (Flandre et Bruxelles-Capitale) pour ne pas avoir suffisamment agi contre le réchauffement climatique. C’est ce qu’on appelle là-bas « l’Affaire Climat », menée par l’association du même nom et 58 000 citoyens. Ils ont exigé que l’État et ses trois régions réduisent leurs émissions de 61 % d’ici 2030, sous peine de pénalités d’un million d’euros. Dans son arrêt, la Cour d’appel de Bruxelles estime que par leur inaction, ces autorités ont violé deux articles de la Convention européenne des droits de l’homme : « le droit à la vie » Et « le droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ». La Cour oblige les trois autorités à réduire leurs émissions d’au moins 55 % en 2030 par rapport à 1990, sans toutefois appliquer de sanctions.
En Allemagne, les émissions pointées du doigt
Par coïncidence, l’Allemagne a également été condamnée le jour de l’ouverture de la COP28. Après une demande de deux associations environnementales, la justice allemande a jugé fin novembre 2023 que l’Etat fédéral n’avait pas suffisamment réduit ses émissions de gaz à effet de serre dans les secteurs des transports et du bâtiment. Le pays avait déjà été critiqué par sa Cour constitutionnelle en avril 2021 : elle avait jugé que la loi sur la protection du climat était insuffisante et avait ordonné au gouvernement d’augmenter ses engagements.
Une loi annulée dans le Montana
Aux États-Unis, 16 jeunes ont gagné un procès historique contre l’État du Montana en août 2023. Ils ont réussi à faire annuler une loi favorable à l’industrie des énergies fossiles. Une clause locale permet de contourner l’impact des émissions de gaz à effet de serre lors de l’octroi des permis aux entreprises liées à ce secteur. Mais la Constitution du Montana est censée garantir « le droit à un environnement propre et sain », en particulier pour les générations futures, ont soutenu les jeunes candidats. La loi a donc été déclarée inconstitutionnelle par un juge de l’État.