Cédric Villani, mathématicien : « Science, éducation et vérité au cœur du projet de société »

Un front, une union, un rassemblement en soi ne sont pas forcément des mots passionnants, puisqu’ils ont été adaptés dans tous les sens, gauche ou droite, généreux ou haineux.

Mais le « Front populaire » est une tout autre affaire, une expression qui s’impose avec des images fortes et glorieuses, un élan au nom de l’intérêt public face au péril fasciste, des avancées sociales en matière de droit du travail qui ont changé la vie des gens, et personne n’a détourné ou accaparé cet instant de lumière.

Pour preuve, depuis que l’excellent François Ruffin a installé cette référence dans l’espace public, les adversaires de ce nouveau front ont travaillé dur, non pas pour dénigrer l’ancien, mais pour tenter de démontrer que l’actuel est indigne de la référence. Que de bêtises et de mauvaise foi avons-nous entendu, même du président de la République, qui se croyait obligé de donner ses cours d’histoire et de faire parler les morts.

Mais les historiens sont venus le rappeler, le Front populaire n’était pas un mariage d’amour, c’était l’alliance, en responsabilité face à l’abîme et pour le bien public, de partis politiques de gauche violemment opposés, une alliance né moins de vingt ans après l’assassinat de Rosa Luxemburg par les sociaux-démocrates allemands. Et cette alliance, « Alliance d’action » comme le disait Blum, c’était d’autant plus remarquable !

Il est un autre élément majeur, moins commenté, du Front populaire, cher à mon cœur et qui résonne fortement aujourd’hui : c’est la puissance de son action en matière de recherche et d’éducation. Incarné par Jean Zay, ministre emblématique de l’Éducation nationale, dont le nom a été donné à notre première grande super calculatrice publique. Par un Jean Perrin, délégué à la Recherche ô combien emblématique – le grand prix Nobel de physique, qui hypnotisait les députés et pouvait à lui seul obtenir en une soirée une augmentation de 50 % du budget de la recherche, celui qui a créé le palais de la Découverte et initie le CNRS… Convaincu comme ses confrères que progrès scientifique et progrès social vont de pair, que l’aventure scientifique se partage, qu’ouvrir les écoles c’est fermer les prisons, selon les mots de Victor Hugo.

À l’heure où le gouvernement coupe drastiquement le budget de l’éducation et de la recherche, où le puissant PDG de Total méprise publiquement notre plus célèbre climatologue, où l’extrême droite vit dans une réalité alternative à la Trump, où les libéraux et la droite semblent avoir pour objectif politique l’horizon n’a fait qu’accroître la répression à travers des peines plus lourdes, des actes de force illégitimes et le remplissage de nos prisons déjà plus surpeuplées que dans toute notre histoire, ce sera la fierté du Front Populaire 2024 de reporter une fois de plus la science, l’éducation et la vérité à au cœur d’un projet de société démocratique, social et écologique.