Des dizaines de secousses sismiques d’une intensité jamais vue depuis 40 ans ont été enregistrées lundi soir, sur les champs Phlégréens, près de Naples, sans provoquer de dégâts majeurs mais semant la panique parmi les habitants. Christophe Larroque, chercheur au laboratoire GéoAzur de l’Université Côte d’Azur, décrypte le phénomène.
Les secousses sismiques enregistrées lundi dans la région de Naples sont-elles habituelles ou exceptionnelles ?
Les champs Phlégréens, au nord de Naples, ressemblent à un gigantesque volcan. On ne peut pas les voir car ils sont en grande partie érodés, mais il s’agit d’un système volcanique bien plus vaste que le Vésuve. Les dernières éruptions volcaniques datent de 1530. En revanche, elles produisent de la sismicité, de petits tremblements de terre par crise, que l’on appelle des essaims. Cette fois, les séismes ont été un peu plus forts que la moyenne : l’un d’eux avait une magnitude de 4,4 !
Faut-il s’inquiéter ?
Ce qui nous inquiète, ce ne sont pas tant les tremblements de terre. En effet, s’ils ont eu lieu dans cette zone, c’est qu’en profondeur, à 5km ou un peu plus, il y a probablement des mouvements de magma. Lorsqu’il sera expulsé, le magma donnera naissance à de la lave, et donc à une éruption volcanique. Cependant, ce volcan peut produire des éruptions très puissantes, ce qui pourrait poser un énorme problème dans cette zone très densément peuplée. Naples et ses environs comptent plus de 4,4 millions d’habitants.
Quel est l’impact potentiel sur le climat ?
S’il y avait une éruption volcanique importante, elle pourrait avoir un impact sur le climat, mais avec un impact relativement faible. En 1992, le Pinatubo, l’un des plus grands volcans des Philippines, a provoqué une très grande éruption explosive. Suite à l’émission de cendres volcaniques dans la très haute atmosphère, une baisse de la température moyenne mondiale de 0,2 à 0,4 degrés a été observée. Les micro-cendres émises avaient un effet écran contre le rayonnement solaire. Ce très léger refroidissement a duré environ un an et demi.
Quelles seraient les conséquences en Méditerranée ? Dans les Alpes-Maritimes ?
Les conséquences d’une très grande éruption volcanique en bord de mer, les champs Phlégréens étant proches des côtes, seraient le déclenchement de très grands glissements de terrain, qui pourraient être sous l’eau et produire des tsunamis. C’est-à-dire qu’il peut produire des vagues de plusieurs mètres de haut, sur une portion côtière de quelques dizaines de kilomètres, une cinquantaine, rarement plus. Nous n’atteindrions donc pas les Alpes-Maritimes. Mais on a déjà connu ce phénomène dans la région niçoise, avec l’effondrement des remblais lors des tentatives d’extension de l’aéroport de Nice en 1979. Il y avait eu un important glissement sous-marin, avec un tsunami, qui est resté localisé dans la Baie des Anges, avec une vague qui avait atteint 2,50 à 3 mètres sur la bordure Est du Cap d’Antibes.
Quelles seraient les conséquences sur l’environnement ?
Cela peut avoir des impacts importants selon la quantité de cendres émises. Nous l’avons vécu avec l’éruption du Mont Saint Helens en 1980. Les forêts ont été dévastées. Même chose en Islande en 1783, avec l’éruption du Laki. Les cendres ont tué toute la végétation. Les troupeaux n’avaient plus rien à manger.
Et concernant la santé ?
Des gaz nocifs peuvent être émis. C’est ce que nous avons vécu avec le Vésuve. Dans le cas de très grosses explosions, on peut aussi avoir des phénomènes de nuages enflammés avec des masses d’air brûlant qui descendent sur les flancs du volcan.
Une éruption est donc peu probable, mais pas exclue ?
Non. Les autorités italiennes sont également mobilisées. S’ils constatent que la sismicité se poursuit pendant plusieurs jours, plusieurs semaines et se rapproche de la surface, ils ont toute une panoplie de plans pour anticiper une éventuelle catastrophe.