"Ce qui se passe ici est à l'opposé d'une transition"
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« Ce qui se passe ici est à l’opposé d’une transition »

« Ce qui se passe ici est à l’opposé d’une transition »

Port-Jérôme (Seine-Maritime), reportage

«  Nous avons une direction qui est inhumaine, qui ne respecte aucun accord et aucun salarié »» précise Christelle Lemonnier, responsable informatique et déléguée Force ouvrière à la raffinerie de Port-Jérôme, en Seine-Maritime.

Réservoirs, cheminées et torchères s’étendent telle une forêt sur plus de 300 hectares dans ces lieux immenses. Aux alentours de l’entrée A du site industriel d’ExxonMobil, le bitume calciné témoigne de l’entêtement avec lequel les ouvriers de la raffinerie tiennent tête à la direction depuis plus de deux mois.

Les salariés sont mobilisés depuis plusieurs semaines en Seine-Maritime.
© Émilie Sfez / Reporterre

Vendredi dernier, à l’appel de plusieurs syndicats, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées devant l’usine située en bord de Seine, à une trentaine de kilomètres en amont du Havre. Ils contestaient la décision du groupe texan de fermer l’unité chimique de la raffinerie, qui produit des plastiques, et réclamaient de meilleures conditions de démarrage.

C’est le 11 avril que les salariés ont appris sans préavis la décision de la multinationale qui annonçait également la revente de sa raffinerie de Fos-sur-Mer dans les Bouches-du-Rhône. Une nouvelle particulièrement difficile à accepter, compte tenu des 647 emplois qui devraient être supprimés sur le site normand.

Plusieurs centaines de personnes ont manifesté près de l’usine.
© Émilie Sfez / Reporterre

«  Je suis entré dans l’unité Vistalon en 2007 et qui a été fermée en 2020, il y a aussi une autre unité de caoutchouc synthétique, l’unité Butyl qui a été fermée en 2015 », confie Pierre-Antoine Auger, opérateur sur la ligne polypropylène et délégué Force ouvrière. Selon lui, nul doute que cette décision du groupe s’inscrit dans un projet de fermeture progressive de ses activités en France.

Pourtant, cette entreprise qui a réalisé 55 milliards de bénéfices en 2022 et près de 40 milliards en 2023 est très loin d’être en mauvaise santé financière. Au contraire, c’est l’une des entreprises les plus rentables de la planète. La même année, son président, Darren Wood, empoche la somme de 37 millions de dollars pour ses activités de gestion.

«  Ce qui se passe ici est le contraire de la transition »

«  Ce qui se passe ici est le contraire de la transition »déplore Céline Brulins, sénatrice PCF venus soutenir les salariés en difficulté. Rencontré lors du rassemblement, ce dernier dénonce l’avidité du groupe : «  Nous allons produire du gaz et du pétrole de schiste aux États-Unis et en Asie du Sud-Est avec des activités pétrolières qui pollueront tout autant, voire plus. »souligne l’élu.

Vers 14 heures, la manifestation s’est dirigée vers la mairie de Port-Jérôme. En empruntant le large et désert boulevard industriel qui longe la raffinerie sur plus de 2 km, la foule composée d’employés de l’unité de chimie, mais aussi de nombreux autres sympathisants semblait toute petite, perdue dans ce lieu aux proportions surréalistes.

«  Ce que nous demandons, c’est de quitter cette entreprise, mais avec dignité »

Désormais, la question pour les salariés est de savoir comment vont se dérouler les départs. Si la direction a accepté un certain nombre de départs en retraite anticipée, les garanties accordées aux salariés plus jeunes sont, selon les syndicats, insuffisantes. «  Ce que nous demandons, c’est de quitter cette entreprise, mais avec dignité »glisse Pierre-Antoine Auger.

Dans cette zone industrielle, de nouvelles usines présentées comme «  vert » devrait voir le jour dans les années à venir, avec notamment la construction du plus grand site de production d’hydrogène par électrolyse au monde.

Même si ces nouvelles installations impliqueront la création de nouveaux emplois, Gilles Telal du CFECCG évoque cependant le risque de perte de droits pour les salariés se retrouvant dans ces nouveaux secteurs, souvent sans accords de branche.

Les syndicalistes se disent inquiets pour l’avenir des salariés qui resteront dans ce secteur de l’industrie.
© Émilie Sfez / Reporterre

«  Un exploitant de raffinerie qui va s’occuper des éoliennes au large de Fécamp ne sera certainement pas payé de la même manière » déplore le syndicaliste – représentant également les salariés français de son syndicat au comité européen – qui déplore l’inhumanité du groupe Exxon autant que des industries «  vert » qui se développerait aux dépens des droits des travailleurs.

Une appréhension également partagée par Christelle Lemonnier : «  Les gens qui vont être licenciés iront dans d’autres entreprises, bien sûr, mais ils seront payés au prix fort car ce sont des entreprises qui pour l’instant ne font pas partie des conventions comme la convention pétrolière. »




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