Nouvelles locales

Ce que l’on sait des 17 nouveaux témoignages révélés par la Fondation

Le prêtre est accusé de contacts sexuels, de baisers forcés, voire de masturbation et de fellation forcées. Au moins trois victimes étaient mineures. La Fondation a annoncé plusieurs décisions, dont celle de changer de nom.

Publié


Temps de lecture : 5 min

Abbé Pierre à Saint-Wandrille-Rançon (Seine-Maritime), le 5 décembre 1987. (MYCHELE DANIAU / AFP)

Nouveau séisme dans le milieu associatif. Après les sept premières accusations révélées en juillet, l’abbé Pierre est accusé par 17 nouvelles femmes de différents types de violences sexuelles, selon un rapport du cabinet spécialisé Egaé relayé par la Fondation Abbé-Pierre, vendredi 6 septembre.

Le rapport remis au Mouvement Emmaüs le 4 septembre détaille des faits allant de « remarques sexuelles » à certains « actes répétés de pénétration sexuelle » sur un adulte ainsi que « contact sexuel avec un enfant »En réponse à ces témoignages, la Fondation a annoncé plusieurs mesures, dont le changement de nom pour y supprimer la mention de l’abbé. Voici ce que l’on sait de ces nouvelles accusations.

Dix-sept nouveaux témoignages, allant des propos sexistes au viol

Après des révélations initiales visant l’abbé, « Le mouvement Emmaüs a mis en place un service d’écoute géré par le groupe Egaé. Ce service a reçu de nombreux signalements concernant les agissements de l’abbé Pierre. »les rapports de la fondation.

Les nouveaux témoignages proviennent de personnes qui « sont ou ont été des bénévoles d’Emmaüs, des salariés des lieux où l’abbé Pierre a séjourné (hôtels, dispensaires, etc.), des membres de la famille proche de l’abbé Pierre ou des personnes rencontrées lors d’événements publics. Certaines victimes avaient contacté l’abbé Pierre pour lui demander son aide. »Les faits relatés se sont déroulés sur une période allant des années 1950 aux années 2000, principalement en France mais parfois à l’étranger.

La plupart des témoignages font état d’agressions sexuelles. Par exemple, trois personnes ont mentionné « contact surprise sur leurs seins alors qu’ils étaient volontaires dans les camps de jeunes Emmaüs en 1966, 1982 et 1999 ». Deux autres personnes qui devaient accompagner le prêtre expliquent de manière similaire qu’elles « sentit sa main sur leurs poitrines, d’une manière ferme »Six personnes ont également parlé de baisers forcés dans les années 1980 et 1990, et une autre d’avoir échappé à une tentative.

L’une de ces personnes avait 8 ou 9 ans au moment des faits. Elle dit que « L’abbé Pierre lui demanda la couleur de sa culotte, lui toucha les seins, l’embrassa avec sa langue ». Un autre avait « environ quinze ans » quand l’abbé Pierre lui a demandé « caressé les seins »qu’elle a dit qu’il a essayé de reproduire « quand elle venait d’avoir son baccalauréat »Une autre personne, âgée de 17 ans au moment des faits, fait partie de celles qui accusent le prêtre de leur avoir touché la poitrine.

Au moins sept autres étaient des adultes ou des jeunes d’une vingtaine d’années, au moins vingt ans plus âgés que l’abbé. L’un d’eux « a été forcé de se masturber L’Abbé Pierre lors d’un voyage au Maroc en 1956″Selon des membres de sa famille, un témoignage évoque enfin un viol : dans un témoignage envoyé à la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE), une femme aujourd’hui décédée explique « ayant dû regarder l’abbé Pierre se masturber et ayant été contraint de pratiquer une fellation ».

L’une des victimes se trouvait en situation de précarité économique. Elle cherchait un logement et fut recueillie par l’abbé Pierre « quelques jours »au cours de laquelle elle avait « une dizaine d’interviews avec lui » Et « Elle était soumise à des baisers forcés et à des attouchements sur la poitrine à chaque fois. L’abbé Pierre lui mettait la main sur le sexe à travers son pantalon. »

La Fondation va changer de nom et prendre plusieurs mesures

« La violence et l’extrême gravité de certains de ces nouveaux témoignages ont provoqué un nouveau choc au sein de nos organisations »déclare la Fondation Abbé Pierre sur son site Internet. L’organisation réaffirme sa « soutien total aux victimes »qu’elle salue « courage »et annonce que « le mouvement a pris plusieurs décisions qui seront mises en œuvre dès que possible ».

La Fondation Abbé Pierre va notamment changer de nom. Le conseil d’administration d’Emmaüs France va également changer « proposer la suppression de la mention ‘fondateur Abbé Pierre’ du logo d’Emmaüs France lors d’une assemblée générale extraordinaire (…) en décembre prochain ».

Le lieu de mémoire dédié à l’abbé Pierre établi à Esteville (Seine-Maritime), village où l’abbé est enterré, « restera définitivement fermé, et l’avenir du centre fera l’objet d’un travail collectif entre ses différentes organisations membres »Un dossier avait déjà été déposé en interne pour renommer le centre, après les premières accusations.

Enfin, « une commission d’experts indépendants sera constituée » sous la conduite d’Emmaüs International « notamment pour comprendre et expliquer les dysfonctionnements qui ont permis à l’abbé Pierre d’agir comme il l’a fait pendant plus de 50 ans ». Le mouvement, qui « sait ce qu’il doit à l’abbé Pierre »rappelle cependant que « Le Mouvement Emmaüs combat toutes les formes de violence. Son rôle est donc de dénoncer tous les actes intolérables, quels qu’en soient les auteurs. »

Réactions de « terreur », décisions jugées « indispensables » pour les victimes

« Le CEF (Conférence des évêques de France) tient à exprimer son horreur face à ces nouvelles révélations et surtout sa profonde compassion envers toutes les personnes victimes de ces actes.a déclaré la conférence épiscopale dans un communiqué. La CEF « garantit (…) sa pleine coopération » à la future commission d’experts indépendants, et « encourager » les organismes responsables des archives de l’Église « répondre favorablement » à ses demandes.

Les décisions prises par le Mouvement ont été « essentiel par respect pour les victimes »estimé sur franceinfo Sœur Véronique Margron, présidente de la Conférence des religieux et religieuses de France, marraine auprès de l’épiscopat du rapport publié en octobre 2021 par la Ciase. « Il faut s’interroger sur les responsabilités de chacun »poursuit sœur Véronique Margron : « Ceux qui savaient ont agi comme s’ils ne savaient pas. Ceux qui voyaient ont agi comme s’ils ne voyaient pas ou ne pouvaient pas voir. C’est un phénomène très, très grave. » « systémique ».

« Ils nous parlent de leur changement de nom, je m’en fiche de leur changement de nom »estime Arnaud Gallais, militant des droits de l’enfant et cofondateur de Mouv’Enfants. « Nous sommes dans un État de droit, que fait la justice ? », fustige l’ancien membre de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, qui réclame « une auto-saisine du ministère public » au nom de la « dignité pour les victimes ».

hd1

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
Bouton retour en haut de la page