INTERNATIONAL – Que se passe-t-il en Tunisie ? Deux chroniqueurs de radio et de télévision ont été placés en détention ce dimanche 12 mai, au lendemain de l’interpellation violente d’un avocat, filmée par France 24, comme vous pouvez le voir dans la vidéo en tête de l’article. Tous trois ont été arrêtés par la police pour avoir critiqué la situation en Tunisie. Voici ce que nous savons.
• Vive remise en question de Sonia Dahmani
L’avocate et chroniqueuse Sonia Dahmani se trouvait samedi soir à la Maison des Avocats de Tunis lorsque les forces de l’ordre ont pénétré dans le bâtiment. Une scène filmée par France 24 qui a été contrainte d’arrêter sa diffusion en direct.
« Assaut de la police contre la maison de l’avocat »situé face au palais de justice de Tunis, « des avocats agressés et une collègue Sonia Dahmani enlevée (conduite) vers un lieu inconnu »a indiqué Dalila Msaddek, membre de l’équipe de défense de l’avocat sur Facebook.
Islam Hamza, un autre défenseur de l’avocat, a confirmé à l’AFP « l’arrestation de Mme Dahmani par des policiers ».
• Une remarque ironique à l’origine de l’arrestation
Mardi, lors d’une émission télévisée, Sonia Dahmani a lancé de manière ironique « De quel pays extraordinaire parlons-nous ? », en réponse à un autre chroniqueur qui venait d’affirmer que des migrants venus de plusieurs pays d’Afrique subsaharienne cherchaient à s’installer en Tunisie. Cette déclaration a été jugée par certains utilisateurs des réseaux sociaux comme « dégradant » pour l’image de la Tunisie.
Selon les médias, Sonia Dahmani fait l’objet d’une enquête notamment pour l’audiovisuel « fausses informations visant à nuire à la sécurité publique » Et « incitation au discours de haine »en vertu du décret-loi 54.
Ce décret, promulgué en septembre 2022 par le président Kais Saied, punit d’une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans de prison quiconque utilise les réseaux d’information et de communication pour « écrire, produire, diffuser (ou) propager de fausses nouvelles (…) dans le but de porter atteinte aux droits d’autrui ou de porter atteinte à la sécurité publique ».
• Refus de comparaître devant le tribunal
Jeudi, Sonia Dahmani a reçu une convocation, à laquelle elle n’a pas répondu, pour comparaître vendredi devant un juge d’instruction sans que les motifs soient précisés, selon Msaddek.
Sonia Dahmani a expliqué à la presse qu’elle refusait de comparaître devant le tribunal « sans connaître les raisons de cette convocation ». En raison de son absence, le juge d’instruction chargé de ce dossier a émis un mandat d’arrêt contre lui.
• France 24 dénonce une action » brutal et intimidant »
La chaîne d’information continue France 24, dont les journalistes étaient sur place pour couvrir le mouvement de soutien à l’avocat, était en direct au moment de l’interpellation. La chaîne a vivement protesté dans un communiqué contre l’attitude des policiers cagoulés qui, selon elle, » s’est ensuite dirigé vers l’équipe de la chaîne en leur disant de couper la caméra sous les vives protestations de Maryline Dumas « le journaliste sur place.
« La police a fini par arracher violemment la caméra de son trépied, stoppant la retransmission en direct de la scène, et a interpellé Hamdi Tlili. Le caméraman a été relâché au bout d’une dizaine de minutes et le correspondant de France 24 va bien. »» a ajouté la chaîne, qui a diffusé les images de la scène sur X.
France 24 « condamne fermement cette entrave à la liberté de la presse et cette intervention brutale et intimidante de la police empêchant ses journalistes d’exercer leur métier, alors qu’ils couvraient une manifestation d’avocats pour le respect de la justice et en faveur de la liberté d’expression »a ajouté la chaîne.
• Deux autres personnes arrêtées pour avoir critiqué la situation en Tunisie
Les deux autres chroniqueurs arrêtés ce dimanche sont Borhen Bssais, présentateur de télévision et de radio, et Mourad Zeghidi, chroniqueur. Ils « font l’objet d’un mandat de dépôt de 48 heures »selon l’avocat de Mourad Zeghidi, Ghazi Mrabet.
Selon lui, son client est poursuivi « pour une publication sur les réseaux sociaux dans laquelle il soutenait un journaliste arrêté (Mohamed Boughalleb, condamné à 6 mois de prison pour diffamation envers un fonctionnaire, ndlr) et des déclarations lors d’émissions télévisées depuis février ». Les motivations exactes de l’arrestation de Borhen Boussais n’ont pas été établies mais, selon l’avocat, lui aussi a été arrêté en vertu de l’article 54.
En un an et demi, plus de 60 personnes, parmi lesquelles des journalistes, des avocats et des opposants à Kais Saied, ont été poursuivies sur la base de ce texte, selon le Syndicat national des journalistes.
Depuis que le président Saied, démocratiquement élu en octobre 2019 pour cinq ans, s’est accordé les pleins pouvoirs lors d’un coup d’État en juillet 2021, des ONG tunisiennes et internationales déplorent une régression des droits et libertés en Tunisie.
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