ce que le suspect a dit au juge d’instruction
Problèmes psychiatriques, volonté de vengeance contre les Français, acte prémédité : BFMTV a pu consulter les propos tenus par le suspect devant le juge d’instruction le 7 mai.
Il est environ 7h30 ce samedi 3 février. La gare de Lyon est bondée. Beaucoup attendent leur train en direction des montagnes pour un séjour au ski. C’est le cas de Christophe. Il se trouve au sous-sol, dans le hall 3, lorsqu’un homme s’en prend soudain aux passants à l’aide d’un couteau et d’un marteau.
Le suspect parvient à blesser trois personnes. Deux sont légèrement. Christophe, beaucoup plus sérieusement. Le suspect a fini par être interpellé et, après traitement par l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police, mis en examen pour « tentatives d’assassinat aggravées ».
Désormais en détention provisoire, l’homme de 32 ans a été reçu par le juge d’instruction en charge du dossier le 7 mai. BFMTV a pu consulter ses dépositions.
• Son enfance au Mali et sa proximité avec son grand-père
Le suspect est né le 1er janvier 1992 au Mali. Il y passe ses premières années avec ses parents, son frère et ses trois sœurs. Dès son plus jeune âge, il souffre de problèmes psychiatriques, sans qu’aucun diagnostic ne soit posé.
En 2003, il est isolé de sa famille. Selon lui, il a vécu dans trois villes différentes du Mali et a passé le baccalauréat lorsqu’il vivait chez sa tante, avant d’enchaîner deux années de droit privé.
Durant ses années au Mali, le jeune homme se rapproche de son grand-père. Ce dernier lui raconte son enrôlement forcé par la France et les violences subies par la suite durant la Seconde Guerre mondiale. À son retour au Mali, son grand-père a vécu sans abri avant de mourir.
Surgit alors en lui le désir de se venger des souffrances de son ancêtre sur le territoire français, même s’il ne peut décrire précisément au juge d’instruction les souffrances endurées par son ancêtre. Il a quitté le Mali en 2012.
• Trois internements pour traiter des problèmes psychiatriques
D’août 2016 à janvier 2024, l’agresseur présumé vit en Italie. Il économise de l’argent sur place.
L’année suivante, le ressortissant malien est interné à trois reprises dans le même pays. Plusieurs diagnostics sont posés : bouffées délirantes avec syphilis, état maniaque atypique avec syphilis traitée tardivement et trouble dissociatif.
Des médicaments lui sont alors prescrits. Le suspect de l’attentat de la gare de Lyon affirme avoir toujours suivi son traitement, sauf le jour de l’attentat, survenu tôt, où il n’avait pas pris de petit-déjeuner.
Confirmant les déclarations des médecins qui l’ont examiné après son arrestation, il affirme avoir été « lucide » au moment où il a déclenché son attaque. Il n’était pas en état de décompensation.
• Les raisons d’un acte prémédité
En 2018, le suspect avait tenté en vain de se rendre en France. Le 1er février, muni d’un titre de séjour délivré en 2019, il atteint ses objectifs, toujours animé par une envie de revanche. A tel point que la veille des faits, préméditant son geste, il s’est procuré un couteau, à défaut de machette.
Autre raison pour expliquer son action : La politique française au Mali et son incapacité, selon lui, à servir de médiateur entre les terroristes et le gouvernement. Les Maliens vivant en France ne sont pas en sécurité, estime-t-il.
L’homme accuse tous les Français, c’est pourquoi il a décidé de s’en prendre à des citoyens innocents, Emmanuel Macron étant selon lui trop protégé. Idéalement, il aurait quand même aimé être reçu par le président de la République pour lui expliquer que le peuple malien souffre de la politique française dans le pays.
Mener une attaque, assura-t-il, était le seul moyen pour que son message parvienne au gouvernement français.
Il déclare en revanche n’avoir ciblé que les « vrais Français » dans son attaque, à savoir les personnes ayant la nationalité française et étant d’origine française. Il précise qu’il n’aurait pas agressé une personne noire puisque, pour lui, même si cette personne a la nationalité française, elle reste « naturalisée ».
Si l’agresseur présumé est un musulman pratiquant, il soutient qu’il n’a pas commis l’acte pour des raisons religieuses.
• Aujourd’hui, le suspect dit avoir des regrets
Le jour de l’attaque, son plan était clair : enflammer son sac à dos pour créer un mouvement de panique pour lui permettre de poignarder plus facilement les passants.
Il court alors après une jeune fille. Mais l’entendre crier le fait regretter et il s’arrête, proclame-t-il. Alors il saute sur l’homme derrière lui et le blesse.
Peu après son arrestation, il a déclaré aux enquêteurs qu’il regrettait de ne pas avoir réussi à tuer quelqu’un. Il ajoute qu’il est le seul membre de sa famille à avoir une telle animosité envers la France, mais est convaincu que ses proches seraient fiers d’apprendre ce qu’il a fait.
Son discours est aujourd’hui radicalement différent : il dit regretter son acte. L’accusé indique que cette vengeance l’a quitté et qu’il n’a plus du tout de pensées similaires.