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ce que la justice reproche à l’ex-maire Mélanie Boulanger et à son adjoint, jugés à partir de lundi

Deux élus de cette commune de Seine-Maritime comparaissent pour complicité de trafic de stupéfiants devant le tribunal judiciaire de Bobigny, aux côtés de 17 autres personnes.

Elle prendra place sur le banc des accusés, aux côtés de son adjoint et de 17 autres personnes. L’ancienne maire socialiste de Canteleu (Seine-Maritime) Mélanie Boulanger, démissionnaire depuis février, comparaît devant le tribunal judiciaire de Bobigny (Seine-Saint-Denis) à partir de lundi 27 mai, dans une vaste affaire de trafic de stupéfiants. Cette femme de 47 ans, figure du PS de Rouen et tête de liste PS-EELV aux élections régionales de 2021, est jugée pour complicité dans cette affaire, tout comme son adjoint, Hasbi Colak.

Tout a commencé en septembre 2019, avec l’arrestation en Seine-Saint-Denis d’un homme lié à une famille de Canteleu, les Mezianis, au cœur de l’affaire. Les policiers ont saisi plus de deux kilos de cocaïne et 50 000 euros en espèces, selon l’ordonnance de renvoi au tribunal correctionnel, consultée par franceinfo. Une information judiciaire est alors ouverte au tribunal de Bobigny pour trafic de stupéfiants et association de malfaiteurs. Les investigations révéleront, selon le parquet, « une organisation familiale très structurée, autour de la fratrie Meziani » – deux frères et une sœur impliqués – pour tirer profit du trafic de cannabis, de cocaïne et d’héroïne, dont les bénéfices sont réinvestis au Maroc.

Des liens sont également mis en avant entre les trafiquants et la mairie de Canteleu. Selon des interceptions téléphoniques, mentionnées dans l’ordonnance de renvoi, les deux frères Meziani, dont l’un opère depuis le Maroc, appellent régulièrement Hasbi Colak, ami de longue date et adjoint au commerce et au développement de la ville, pour exercer des pressions et des menaces. Ils lui demandent par exemple de faire cesser les verbalisations d’un policier municipal ou de les prévenir des patrouilles de police dans la ville. L’enquête révèle également que le conseiller municipal a mis à leur disposition son véhicule de société.

Les écoutes sont aussi compromettantes pour le maire, élu depuis 2014 à la tête de cette commune de 14 000 habitants. Mélanie Boulanger parle souvent avec son assistante des trafiquants. Fin 2019, ils ont évoqué l’installation de caméras de surveillance dans la cité Rose de Canteleu et la colère des Meziani de ne pas en avoir été informés. Début 2020, l’un des frères s’est adressé directement à l’édile, via le téléphone de Hasbi Colak, et lui a demandé de contacter un commissaire pour que la police cesse d’intervenir dans leur bar. En échange, les Meziani affirment être capables de garantir sa réélection.

Selon l’accusation, le maire aurait en réalité contacté le commissaire pour lui demander des comptes sur une opération policière musclée et demandé le report de l’installation de caméras de surveillance lors d’un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance. Des éléments balayés par la défense. « Elle est parfaitement innocente de ce qui lui est reproché »affirmait fin février sur France Bleu Normandie son avocat, Arnaud de Saint Rémy, dénonçant « l’acharnement dont sa cliente est victime de la part de certaines personnes ».

En octobre 2021, Mélanie Boulanger, Hasbi Colak et 17 personnes ont été placés en garde à vue lors d’un coup de filet. Au total, environ un million d’euros de biens meubles ont été saisis, des voitures, des comptes bancaires, 340 000 euros en espèces, des armes à feu, 75 kg de produits de découpe, 15 kg d’héroïne et 6 kg de résine. de cannabis, selon France Bleu Normandie.

Devant les enquêteurs, la maire a contesté les faits qui lui étaient reprochés. Face aux écoutes téléphoniques, elle met en avant son combat contre le trafic de drogue dans la ville et affirme avoir été menacée par les frères Meziani, sans avoir porté plainte. Selon elle, les trafiquants l’ont contactée pour tenter « pour l’impressionner, l’intimider, la dissuader de mener le combat » contre la délinquance.

« Ils ont essayé à plusieurs reprises de me contacter par un intermédiaire. Je suis un élu de terrain. Ils m’appellent, je réponds. Ils ne m’ont évidemment jamais appelé eux-mêmes. »

Mélanie Boulanger

devant les enquêteurs

Son adjoint reconnaît avoir prêté son véhicule à l’un des suspects, mais assure qu’il ignorait son implication dans un trafic de drogue. Il avoue rendre service aux frères Meziani pour être en paix avec les jeunes du quartier. Les deux élus ont été libérés le lendemain, sans poursuites. Mélanie Boulanger tient une conférence de presse, décrivant « le pire moment de sa vie ». « Je ne me suis jamais inquiété de l’issue de cet épisode, car je sais que je suis irréprochable », Elle ajoute.

Mais les investigations se poursuivent. En avril 2022, la maire et son adjoint ont été mis en examen pour complicité de transport, détention, acquisition, offre ou cession de stupéfiants et placés sous contrôle judiciaire. Mélanie Boulanger clame son innocence dans un communiqué et exprime ses craintes depuis son placement en garde à vue : « (Les trafiquants) J’ai décidé de me venger et de me faire payer, moi et la mairie. » Lors de son premier audition par le juge, la maire a soutenu qu’elle n’avait pas tenté de s’opposer à l’installation de caméras de surveillance pour protéger le trafic de drogue. Ça previent. En janvier dernier, les juges d’instruction de Bobigny ont ordonné son renvoi au tribunal correctionnel, ainsi que son adjoint et 17 autres personnes, faisant ainsi suite aux réquisitions du parquet.

Dans leur ordonnance, les magistrats évoquent un double jeu de Mélanie Boulanger, qui a affiché publiquement une volonté de lutter contre le trafic de drogue, mais dont les décisions ont été guidées par les trafiquants. « Le double langage est plutôt à l’égard des trafiquants, contrarie Jérémy Kalfon, l’avocat de Hasbi Colak. (Les deux élus) passent leur temps à être très diplomates avec (les trafiquants) et marchant sur des œufs, ils ne leur disent pas toujours la vérité. » Selon lui, il n’y a pas « aucune compensation, aucun enrichissement ou avantage politique » dans ce cas. Seule candidate aux élections municipales de 2020, Mélanie Boulanger était assurée de conserver son siège.

« La démarche de la mairie sera de ne jamais dire non frontalement, de mettre le pied à l’étrier, de gagner du temps. Mais aucune action n’a été entreprise de la part de la municipalité pour satisfaire les trafiquants.

Jérémy Kalfon, avocat de Hasbi Colak

sur franceinfo

Interrogé par franceinfo, l’avocat de Mélanie Boulanger n’a pas répondu. « Je suis innocent, je suis toujours debout », avait lancé sa cliente lors de ses vœux à ceux administrés en janvier. Un mois plus tard, le maire a fini par démissionner « pour des raisons de santé », évoquant « une décompensation aussi inattendue qu’inquiétante ». Mélanie Boulanger et Hasbi Colak risquent dix ans de prison.

Cammile Bussière

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