ce que contient le projet de loi sur la fin de vie, examiné à l’Assemblée nationale à partir de lundi
Le texte du gouvernement, retouché par les députés en commission, arrive dans l’hémicycle lundi après-midi, pour environ deux semaines de débat, avant un vote solennel le 11 juin.
La facture de la fin de vie entre dans l’arène du Palais-Bourbon. Le texte visant à renforcer l’accès aux soins palliatifs et à légaliser l’aide à mourir est examiné à l’Assemblée nationale, lundi 27 mai, à partir de 16 heures. Pendant deux semaines, les élus se pencheront sur ce projet, aussi attendu que redouté, présenté par le gouvernement en avril. Le document arrive dans l’hémicycle dans une version révisée par les députés en commission, où certaines des conditions d’accès au suicide assisté ou à l’euthanasie ont notamment été modifiées. Le critère de « pronostic vital engagé à court ou moyen terme » a ainsi été remplacée par celle, considérée comme plus large, d’une affection « grave et incurable en phase avancée ou terminale ».
Franceinfo vous présente la nouvelle mouture de ce projet de loi, qui promet d’être encore amendé d’ici son vote solennel en première lecture, prévu le 11 juin. Le projet de loi poursuivra ensuite son long chemin législatif au Sénat dont l’issue est pas attendu avant l’été 2025.
Des soins palliatifs garantis par un droit opposable
L’article 1 du projet de loi établit le « soins palliatifs et de soutien », un nouveau concept plus ambitieux que les soins palliatifs actuels. Ils visent à « offrir une prise en charge globale à la personne malade, accessible sur tout le territoire national, afin de préserver sa dignité, sa qualité de vie et son bien-être ». Pour ce faire, ils doivent répondre aux « besoins physiques » du patient, mais aussi à son «besoins psychologiques et sociaux». Ils impliquent le recours à des soins palliatifs et incluent d’autres formes de soutien, « dès le début de la maladie ».
Pour mieux lutter contre les inégalités d’accès aux soins palliatifs, les députés de la commission spéciale ont, contre l’avis du gouvernement, instauré un droit opposable pour en bénéficier. Un juge peut ainsi ordonner la fourniture de soins palliatifs à un patient qui les a demandés en vain. A travers plusieurs amendements, les élus ont également consolidé la place des soins palliatifs et de support dans les études de médecine, désormais définies dans le Code de l’éducation comme intégrant nécessairement « formations à l’accompagnement de fin de vie et à l’approche palliative ». Ils ont également inclus dans le projet de loi la stratégie décennale pour les soins de support présentée en avril par l’exécutif, ainsi que les budgets associés.
Des « maisons de soutien » pour les malades
L’article 2 introduit une nouvelle famille d’établissements médico-sociaux : « maisons de soutien et de soins palliatifs »qui aura pour objectif de« accueillir et accompagner les personnes en fin de vie et leurs proches ». Ces petites structures, que les députés ont cantonnées au secteur public ou privé associatif, devront combler le fossé qui existe parfois entre le domicile et l’hôpital. Ils représenteront une nouvelle solution pour les patients qui ne peuvent plus rester à domicile, mais qui ne nécessitent pas nécessairement des soins hautement médicaux.
Un « plan d’accompagnement personnalisé »
La volonté d’une prise en charge précoce des patients se concrétise, à l’article 3, par la création d’un « plan d’accompagnement personnalisé »qui peut être proposé «dès que le diagnostic d’une pathologie grave est annoncé». Le patient pourra exprimer ses besoins et ses préférences, afin de planifier un suivi coordonné en termes de soins et d’accompagnement social. Conformément au souhait des députés de la commission spéciale, les soignants seront également sensibilisés aux enjeux liés à la fin de vie et aux aides auxquelles ils ont droit. Une fois rédigé, le plan sera annexé aux directives anticipées, dont l’importance est renforcée à l’article 4 du projet de loi.
Légalisation de l’aide médicale à mourir
L’article 5, le plus symbolique, concerne l’introduction de l’aide à mourir en France, sous la forme du suicide assisté, voire, exceptionnellement, de l’euthanasie – deux termes qui n’apparaissent pas explicitement dans Le projet de loi. « L’aide à mourir consiste à autoriser et accompagner une personne qui a exprimé la demande d’utiliser une substance mortelle (…) afin qu’elle puisse s’en administrer elle-même ou, lorsqu’elle n’en est pas physiquement capable, se la faire administrer par un médecin, un infirmier ou un adulte qu’ils désignent et qui se présente à cet effet., détaille le texte. Ce sera totalement gratuit.
Pour accéder à l’aide à mourir, une personne doit remplir l’ensemble des cinq conditions définies à l’article 6 :
- « Avoir au moins 18 ans »
- « Être de nationalité française ou résider de manière stable et régulière en France »
- « Être atteint d’une maladie grave et incurable en phase avancée ou terminale »
- « Souffrance physique présente, éventuellement accompagnée de souffrance psychique liée à cette pathologie, soit réfractaire au traitement, soit insupportable lorsque la personne ne reçoit pas de traitement ou a choisi d’arrêter de le recevoir »
- « Pouvoir manifester sa volonté de manière libre et éclairée. »
Une demande soumise au feu vert d’un médecin
L’article 7 régit la formulation de la demande à un médecin. Le praticien contacté, qui ne doit pas être à proximité du patient, sera tenu de l’informer de la procédure d’aide à mourir, des autres « traitements et soutien disponibles »mais aussi la possibilité de renoncer à votre demande « à tout moment ». Il doit également proposer à « bénéficier des soins palliatifs » et, le cas échéant, s’assurer qu’il peut « accéder ». Une orientation vers un psychologue ou un psychiatre doit également être proposée au patient.
Selon l’article 8, le médecin doit, dans les quinze jours de la demande, décider si le patient répond aux cinq critères prévus. Pour cela, il lui sera demandé « recueillir des commentaires » plusieurs soignants, dont au moins un médecin externe, spécialiste de la pathologie du patient, et « un assistant médical (infirmière, par exemple) ou un soignant ». L’avis donné par les autres soignants n’aura qu’un caractère consultatif, le praticien initialement sollicité restant seul décideur.
En cas de feu vert, le patient devra respecter un délai de réflexion de deux jours, qui pourrait, comme le souhaitaient les députés, éventuellement être « abrégé » d’un commun accord avec le médecin. En cas de réponse négative à la demande d’aide à mourir, le patient peut contester la décision devant les tribunaux administratifs. Même après avoir pris sa décision, le médecin peut l’annuler si de nouvelles informations l’amènent à considérer que les conditions « ne se sont pas réalisés ou ont cessé de se réaliser ».
Une procédure réalisée sous la supervision d’un soignant
Conformément aux articles 9, 10 et 11, une fois la demande du patient approuvée et confirmée, le médecin prescrira le produit et conviendra avec le patient des « le médecin ou l’infirmier chargé de l’accompagner pour l’administration de la substance mortelle ». C’est ce professionnel, et non le patient lui-même, qui pourra récupérer le produit en pharmacie. La date et le lieu de l’acte seront déterminés d’un commun accord entre l’aidant et le demandeur. Si l’aide à mourir est programmée plus d’un an après le feu vert, une nouvelle évaluation du « personnage libre et éclairé » de la demande sera nécessaire.
Après une dernière vérification de la volonté du patient, l’aide à mourir peut être réalisée, en présence de ses proches s’il le souhaite. Si le patient demande un report, une nouvelle date peut être programmée. Le médecin ou l’infirmière installera l’appareil et surveillera la procédure. Il ne sera pas obligé de rester « aux côtés de la personne »mais il faudra « être à proximité suffisante pour pouvoir intervenir en cas de difficulté ».
En principe, « l’administration de la substance mortelle est effectuée par la personne elle-même », rappelle le texte. Ce n’est que lorsque le patient est confronté à une impossibilité physique (paralysie totale par exemple) que l’intervention peut être confiée au professionnel présent ou à « un adulte qui a accepté cette responsabilité ».
Une clause de conscience garantie aux professionnels
Aux termes de l’article 16 du projet de loi, tout professionnel de la santé peut refuser de traiter ou d’être associé à une demande d’aide à mourir formulée par un patient. De même, tout médecin ou infirmier peut refuser d’accompagner le patient dans l’administration du produit mortel, à moins qu’il n’y ait consenti après l’approbation de sa demande. « Le professionnel de santé qui ne souhaite pas participer (…) doit informer, sans délai, la personne de son refus et lui communiquer le nom des professionnels de santé disposés à participer à cette mise en œuvre »fournit la facture.
Pour faciliter l’identification des aidants bénévoles, ceux-ci se déclareront auprès d’une commission chargée du suivi de l’aide à mourir. Les missions réalisées dans le cadre de l’aide à mourir ne pourront donner lieu à des dépassements d’honoraires et l’intervention sera gratuite pour les patients.
Une commission chargée du contrôle a posteriori
Afin de faciliter le contrôle du système, l’article 17 prévoit la création d’un « commission d’évaluation et de contrôle » rattaché au Ministère de la Santé. Chaque professionnel ayant accepté de suivre un patient doit transmettre les documents produits tout au long du processus. Sur cette base, la commission sera chargée de contrôler le respect des « chaque procédure d’aide à mourir » à la fin.
En cas de suspicion d’un crime ou d’un délit, cet organisme doit engager des poursuites judiciaires. Face à un possible « manquement aux règles déontologiques ou professionnelles » de la part d’une soignante, elle peut le signaler à la chambre disciplinaire de l’ordre compétent (ordre des médecins, ordre des infirmières, etc.). Enfin, il devra remettre chaque année un rapport au gouvernement et au Parlement, comportant des recommandations pour faire évoluer le système en cas de besoin identifié.
Une infraction d’entrave à l’aide à mourir
Les députés ont introduit un article 18 bis qui prévoit une peine d’un an de prison et 15 000 euros d’amende pour toute tentative « pour empêcher de pratiquer ou de découvrir l’aide médicale à mourir ». Ce délit d’entrave, inspiré de celui qui existe déjà en matière d’avortement, pourrait notamment s’appliquer en cas de « pressions » sur les soignants, les patients ou les proches. Les publications possibles sont également couvertes. « susceptible d’induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales de l’aide médicale à mourir ».