« Ce n'est pas une voiture... mais un mode de vie », rencontre avec des passionnés de 2CV
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« Ce n’est pas une voiture… mais un mode de vie », rencontre avec des passionnés de 2CV

« Ce n’est pas une voiture… mais un mode de vie », rencontre avec des passionnés de 2CV

Dans la région de Clermont-Ferrand, Jean-Luc, Joël, Michel, Jacques et Gilles aiment se retrouver autour de leur 2CV. Une passion qu’ils partagent pour cette légende automobile. Comme ils le disent : « A bord de la 2CV, on ne peut que sourire ».

Six voitures stationnent dans la cour intérieure de Jacques. Toutes des 2CV qui semblent sorties d’usine. Quand j’arrive, ce n’est pas un concessionnaire automobile qui m’accueille mais une bande d’amis. Gilles, Jean-Luc, Michel, Jacques et Joël rient ensemble, accoudés à leurs belles voitures dont la peinture brille comme au premier jour. Une bande d’amis qui aiment se retrouver, passer du bon temps mais surtout qui aiment parler de 2CV.

Quand on parle d’automobile avec les amoureux de cette boîte de conserve qu’est la 2CV, on ne parle bien sûr pas de l’odeur du cuir ni de la puissance du moteur : 100 km max, un seul rétroviseur, pas de compteur de vitesse, pas d’airbag, pas d’autoradio, pas de climatisation, mais une belle bouille amicale. Et c’est tout ce qui compte : « Ce n’est pas une voiture… mais un art de vivre »Jean-Luc le souligne. Cette phrase est bien connue des fans de 2CV. Et surtout de Jean-Luc, puisqu’il est tout simplement le co-auteur de cette fameuse phrase que l’on voit sur tous les pare-brises des fans de 2CV : « Cette phrase a marqué les gens parce qu’elle est vraie. Cette voiture n’est pas seulement faite pour être conduite, mais pour être vécue. C’est une expérience à vivre. » Gilles ajoute : « Pour la plupart des gens, une voiture n’est qu’un moyen de se rendre d’un point A à un point B. Ils n’aiment pas conduire une voiture. Une 2 CV, c’est différent. On aime la conduire. ». Joël ajoute à son tour : «Je dirais même mieux que ça, on rend les gens heureux avec notre 2CV. Dès qu’ils nous voient la conduire en ville, ils nous font signe, ils veulent nous prendre en photo. Elle séduit vraiment tout le monde.

Dans le groupe d’amis, chacun aime la 2CV à sa manière : Jean-Luc connaît son histoire comme sa poche, Gilles a appris à la rendre aussi belle qu’au premier jour, Jacques essaie de réunir d’autres passionnés et Michel et Joël aiment simplement la conduire et la chouchouter. Ils sont tous tombés amoureux de cette voiture mythique à des manières différentes. Ce n’est certainement pas le rugissement du moteur ou sa puissance qui l’ont séduit. C’était bien plus que cela. Gilles nous raconte sa première rencontre avec la 2CV : « Durant ma carrière de mécanicien, j’ai eu le loisir de réparer quelques 2CV. J’avais un ami qui avait une 2CV nouvelle génération et qui venait souvent la faire réviser chez moi. Et cette 2CV, à chaque fois qu’il montait dedans, il avait le sourire. Il était content. Ce fut une révélation à ce moment-là. Moi aussi, j’avais envie d’avoir le sourire en conduisant une voiture. »Et ce sourire ne semble plus avoir quitté le visage de Gilles depuis cet instant précis. Depuis qu’il est à la retraite, ce bon vivant ne conduit plus qu’une 2CV. Pour lui, aucune voiture ne peut rivaliser avec cette légende : « On voit des gens dans d’autres voitures, elles sont monotones, ennuyeuses. Nous, dans la 2CV, on ne peut que sourire. Cette voiture me fait sourire. ».

C’est dans ses « moins » que Gilles a découvert le petit plus de la 2CV : « C’est une voiture simple. Elle a un bon moteur : il n’est pas nécessaire de le mettre en marche. Ce n’est pas une voiture de course. C’est un tracteur de tous les jours », plaisante Gilles. « Elle est agréable. Quand on vit à la campagne, on n’a pas besoin d’une Ferrari. ». Il ajoute : « Dans le garage, j’ai une Mercedes de 240 ch, à chaque fois que je la sors je perds un ou trois points. Donc c’est fini, elle reste au garage, la 2cv est bien meilleure ». Si Gilles est tombé amoureux de la 2CV par hasard, Jacques a décidé de lui jurer fidélité : « J’ai toujours eu une 2CV à la maison. Mes parents ont toujours roulé en Citroën. Ma première voiture, quand j’ai eu mon permis, était une 2CV. J’ai eu quatre 2CV successivement dans ma vie. Je l’ai un peu trahie à un moment mais je suis vite revenue à mes premières amours. Dès mon retour en Auvergne, j’en ai acheté une puis deux, trois, quatre… puis ma femme m’a dit que ça suffisait. »plaisante Jacques. Alors, à défaut de pouvoir collectionner les grosses cylindrées, le passionné se réfugie dans leurs versions miniatures. Plus de 1 200 sont exposées chez lui, tels des trophées.

La 2 CV ne se parle pas mais se vit, Gilles me propose une petite balade en 2 CV. Assise sur la banquette arrière, je me retrouve propulsée dans un film d’époque : entre Truchaud et Louis de Funès. Il me propose d’essayer de conduire cette chaise longue sous un parapluie. Ne voulant pas incarner le célèbre Corniaud, j’hésite mais finis par accepter. Le levier de vitesse, le frein à main, le volant, tout est différent. Tout est à réapprendre. En réalité, je passais mon permis spécial 2CV sans le savoir.

Les premières 2CV de ces passionnés remontent aux années 70 ou 80, mais l’histoire de cette voiture est bien plus ancienne. Elle a commencé dans le Puy-de-Dôme, à quelques kilomètres de Clermont-Ferrand. Jean-Luc, l’encyclopédie 2CV du groupe, connaît bien cette petite histoire. Il raconte : « En 1934, Citroën passe sous le contrôle de Michelin. Pierre Boulanger est déjà salarié de l’entreprise puisqu’il habite à cette époque à Clermont-Ferrand, précisément avenue Carnot. Lorsque Michelin reprend Citroën, Pierre Boulanger est nommé patron de Citroën. Il s’installe alors à Lempdes »Il raconte comment est née l’idée de la 2CV : « La légende raconte que Pierre Boulanger circulait dans un village près de Thiers un jour de marché. Il s’est retrouvé coincé dans un embouteillage et a vu tous ces gens coincés avec leurs charrettes, leurs ânes, leurs chevaux et leurs chariots. Et c’est là qu’il s’est dit qu’il leur fallait une voiture qui leur permettrait de vendre leurs produits agricoles. Et idéalement, que ces produits puissent être vendus par des femmes. Donc une voiture facile à conduire pour une femme, selon l’époque. La femme pourrait donc vendre les produits sur le marché pour que son mari puisse travailler à la ferme au lieu de traîner au bistrot. »ponctue Jean-Luc, avec humour. Gilles ajoute : « François Michelin conduisait sa propre 2CV. Ce ne sont pas des ragots ».

Jean-Luc continue : « Ils voulaient fournir une voiture fiable et économique qui puisse être utilisée par les populations rurales. Il fallait qu’elle puisse aller partout. Une voiture qui puisse être utile aux médecins, aux facteurs, aux vétérinaires, aux prêtres… ». “Et même des religieuses !Michel plaisante. En effet, le but était de plaire aux ruraux. Il fallait donc, à tout prix, répondre à un cahier des charges très précis : pouvoir transportant quatre personnes et 50 kg de pommes de terre bon marché sur des routes accidentées. C’est e C’est en 1948 qu’elle fut présentée au public pour la première fois, à l’occasion du salon de l’automobile. Elle fut commercialisée un an plus tard et connut la carrière que l’on lui doit aujourd’hui.

1948 : La 2 CV Citroën au Salon de l'Automobile | Archive INA

Près de 80 ans après sa création, cette voiture reste un bijou de haute technologie dans sa version d’après-guerre pour ces passionnés de 2CV. En véritable connaisseur, Gilles nous explique toute la technologie insoupçonnée qui se cache sous ce tas de ferraille : « Quand on tourne sur une route, quand on est dans une 2 CV, ce sont les roues avant qui tirent la voiture. Elles vous emmènent donc dans le virage. C’est ce qu’on appelle des voitures à traction avant. Dans les voitures à propulsion, qui étaient toutes les voitures de l’époque sauf la 2 CV, Ce sont les roues arrière qui te poussent. Ici, si tu tournes le volant, la voiture a tendance à aller tout droit. Aujourd’hui, toutes les voitures sont à traction avant. Elle était en avance sur son temps, avec plus d’un demi-siècle d’avance !assure Gilles.

L’autre particularité de la 2CV : son moteur. « « La quasi-totalité des 2CV ont un moteur refroidi par air. L’avantage est qu’elles ne tombent pas en panne : pas de radiateur, pas de durites, pas de liquide qui pourrait geler, etc. Certes, le moteur est un peu plus bruyant, mais on simplifie au maximum et ça coûte moins cher. »C’est justement cette simplicité de fabrication qui a séduit ces passionnés : « Elle peut être facilement restaurée et entretenue. Les pièces d’origine sont accessibles. Désormais, nous sommes capables de vous fabriquer une 2CV neuve, de A à Z », garantit Gilles.Pour une 2CV en état de marche, il faut compter « 5.000 euros », selon lui.

Dans la cour de Jacques, ces voitures, vieilles de plus de 30 ans, ont accompagné ces amoureux de la 2CV dans tous leurs déplacements. Une résistance, malgré les années, qui continue d’étonner Gilles : « Elle est indestructible ! C’est fou que plus de 30 ans après la fin de sa production, elle soit encore utilisée pour des voyages, des raids, etc. On ne peut pas en dire autant des autres voitures de l’époque. En 2023, on ne voit pas une Renault 16 ou une Simca 5 faire plus de 500 km dans le désert ».

En 2023, la 2CV reste toujours aussi populaire. Avec plus de 70 ans d’existence, elle reste la voiture française préférée des français . D’ailleurs, il continue de plaire encore aujourd’hui, même aux plus jeunes. :« Mes enfants, quand ils étaient petits, voulaient toujours que je les emmène en 2CV, dit Jacques. Puis, à l’adolescence, je me suis dit : « Ah non, c’est quoi cette vieille voiture ? » Et maintenant, même mes enfants veulent leur 2CV.. Ce qui séduit dans la 2CV, c’est toujours son côté simple et pratique. Gilles dit : «Au début, mon fils aimait les voitures modernes. Mais en tant que berger, il s’est rendu compte qu’elles n’étaient pas du tout pratiques. Il a donc essayé la 2CV. Il s’est rendu compte que pour transporter ses filets et son matériel, c’était ce qu’il lui fallait, c’était parfait.”.

Ces cinq passionnés de la 2CV tentent alors tant bien que mal de faire vivre la légende : « On la fait vivre en la faisant rouler. Le jour où elle cessera de rouler, ce sera le signe de la fin de la 2CV. ». C’est donc à travers leur Club des amis de la 2CV que Jacques, président de la section régionale de l’association, s’efforce de perpétuer la mémoire de cette voiture mythique : « Nous organisons des rencontres, des raids, des voyages,… Nous essayons avant tout de donner le maximum d’informations aux novices qui souhaiteraient découvrir la 2CV ».

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