ce dérapage qui menace l’économie française
Donald Trump pourrait provoquer » une crise financière » qui affecterait de nombreuses économies, dont l’Europe. C’est le scénario catastrophe évoqué par une étude de l’Institut de recherche Pictet, publiée début novembre. A l’origine de ces craintes : le programme du nouvel élu républicain qui prévoit notamment d’augmenter la dette des Etats-Unis de 7 750 milliards de dollars, selon les estimations de la Commission pour un budget fédéral responsable.
Une promesse de dépenses colossales, qui s’ajoute à une situation déjà problématique. La dette publique culmine, outre-Atlantique, à 35 800 milliards de dollars selon le Trésor américain, soit 125 % du PIB américain alors que le déficit budgétaire devrait atteindre 6,4 % du PIB cette année. Une frénésie d’endettement qui fera que la charge des intérêts représentera plus de 60 % du déficit fédéral américain d’ici 2028, selon l’Institut de recherche Pictet qui prévient « qu’une telle évolution pourrait conduire à un effondrement des bons du Trésor américain. »
Estimant progressivement que l’État pourrait ne pas être en mesure d’honorer ses dettes, les prêteurs pourraient en effet se faire beaucoup plus rares et exiger un taux d’intérêt bien supérieur aux 4,3% actuels de l’obligation à 10 ans.
Et si le milliardaire qui va bientôt diriger le gouvernement semble sourd aux avertissements, le problème américain pourrait bien devenir une préoccupation majeure pour la France.
Le problème des garanties américaines
En cas de flambée des taux d’intérêt outre-Atlantique, « le risque serait d’abord un effet d’entraînement sur les taux européens, si les investisseurs deviennent plus prudents », explique à La TribuneEmile Gagna, économiste chez Candriam. Or, les taux des crédits bancaires sont en partie indexés sur ceux des obligations d’État, » cela ajouterait un coût supplémentaire aux finances publiques, mais également aux entreprises et aux ménages. »
Et l’onde de choc ne s’arrêterait pas à une simple contagion. Un krach du taux d’emprunt américain ferait s’effondrer la valeur des vieilles obligations sur le marché secondaire qui ne trouveraient pas d’acheteurs. Les investisseurs, toujours prêts à prêter à l’État américain, se précipiteraient en effet vers les nouvelles obligations aux taux plus élevés et abandonneraient les anciennes obligations (négociées sur les marchés financiers) qui seraient ensuite bradées pour attirer les derniers acheteurs.
Un mécanisme qui resterait au niveau de simples dommages collatéraux… si cet actif n’était pas au centre de la finance mondiale. Sauf que ce dernier, » considéré comme « sans risque », est largement utilisé comme garantie », rappelle l’économiste de Candriam. Autrement dit, de nombreuses banques et entreprises européennes et françaises mettent en gage leurs obligations américaines pour emprunter des actifs plus risqués.
» Si les garanties des banques et des entreprises s’effondrent, elles peuvent rapidement faire défaut sur leurs paiements. », prévient Maria Vassalou, directrice de l’Institut de recherche Pictet.
L’onde de choc de la chute du dollar
Enfin, à ce scénario pessimiste s’ajoute un troisième mécanisme : la chute du dollar.
Les titres obligataires étant achetés en dollars, en cas de vente massive de ces actifs, le billet vert serait également emporté lors de leur chute. Le prix de cette dernière est en effet très dépendant de la demande massive des acheteurs de dette américaine.
Mais le dollar est au centre de la finance mondiale. notamment parce que de nombreux pays émergents empruntent dans cette monnaie et souffriraient donc très directement d’une baisse de sa valeur », prévient Anne-Sophie Alsif, chef économiste chez BDO France. » Si l’Europe est moins exposée, parce que nos Etats, nos entreprises et nos ménages empruntent en euros, la chute du dollar aurait des conséquences catastrophiques pour les banques françaises et européennes puisqu’elles disposent d’un grand nombre de billets verts en réserve. », note-t-elle.
» Toutes les institutions financières ayant perdu de l’argent à cause de la chute du dollar cesseraient donc de prêter aux autres banques, aux entreprises et aux ménages, ce qui provoquerait une crise de liquidité en France. », raconte le professeur d’économie à la Sorbonne.
La BCE à la rescousse de Trump
Face à cette triple crise, l’Institut de recherche Pictet estime que les banques centrales du monde entier viendraient à la rescousse sans hésiter. » Elle pourrait tout d’abord baisser le taux de refinancement pour prêter à moindre coût aux banques, compenser le manque d’argent sur les marchés et ainsi les inciter à prêter à nouveau pour relancer les investissements et l’économie. », détaille, de son côté, Anne-Sophie Alsif.
En même temps, » les banques centrales des États-Unis, d’Europe, du Japon, du Canada et d’autres se réuniront pour établir un plan commun pour sauver le système financier. Cela passerait probablement par l’achat massif de titres obligataires américains.pour absorber l’offre et baisser son tarif », ajoute Émile Gagna de Candriam.
Mais les gardiens des taux directeurs ne devraient pas encore revêtir leur casquette de pompier financier. » Dans l’immédiat, la difficulté qu’éprouve le reste du monde à se sevrer des valeurs sûres et autres actifs américains constitue le « ciment » qui permet » pour garantir la demande de titres obligataires américains, affirme l’étude du Pictet Research Institute. A moins que les finances américaines ne soient menacées par un acteur occidental. » La Chine, premier créancier des États-Unis avec 770 milliards de dollars d’obligations détenues, a réduit ses achats de dette américaine ces derniers mois, ce qui a eu un léger impact sur le taux. Cependant, ce risque de fermeture du robinet des acheteurs chinois pourrait être accentué avec Trump, ce qui pourrait inquiéter d’autres acheteurs. », prévient Anne-Sophie Alsif de BDO.