Nouvelles sportives

Ce cliché qui persiste à propos de la natation synchronisée


Det des jeunes femmes gracieuses et souples qui exécutent des figures dans l’eau comme des naïades ou des sirènes. Mais où sont les hommes ? Le Grand Bain Sorti en 2018, Gilles Lellouche présente une équipe masculine de natation synchronisée d’une quarantaine d’années et questionne cette représentation. Des hommes en natation synchronisée, et pourquoi pas ?

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1891 : En Grande-Bretagne, la « natation ornementale et scientifique » est créée. Objet de spectacles et de démonstrations lors des festivals de sports nautiques du Yorkshire et du Lancashire en 1892, elle est essentiellement réservée aux hommes. La première compétition natation scientifique Un concours organisé par le pays la même année leur était même réservé : ces messieurs devaient exécuter des figures aquatiques, sans accompagnement musical. La France n’est pas en reste : les hommes se lancent eux aussi dans la natation scientifiquedont les figures aquatiques collectives sont perçues comme un moyen de développer la solidarité masculine, afin de renforcer l’unité et la cohésion de la société.

Mais était-elle comparable à la natation synchronisée moderne ? Même si cette pratique a existé, il ne s’agissait pas vraiment de natation synchronisée et ne concernait finalement que très peu d’hommes. Philippe Tétart, maître de conférences en histoire contemporaine à l’université du Mans et spécialiste de l’histoire du sport, appelle à la vigilance. Il précise que cela reste « exceptionnel et peu connu » et qu’il n’existe aucune preuve qu’il existe un lien direct entre cette pratique et la natation synchronisée : pour lui, c’est quasiment impossible.

Un spectacle qui célèbre la féminité

Au départ, la natation synchronisée n’est pas une discipline sportive au sens strict, mais plutôt une pratique de natation spectaculaire. Son acte de naissance : une représentation de ballet nautique dans un bassin de verre à New York en 1907, par Annette Kellermann. La jeune Australienne, pionnière de cette nouvelle discipline, est nageuse de compétition et naïade. La pratique devient alors strictement féminine. « C’est une célébration de la féminité à travers l’esthétique », ajoute Philippe Tétart.

À l’origine, il s’agit d’un spectacle. La nouvelle discipline, très américaine, intéresse même Hollywood. Elle devient le prétexte et le sujet populaire de longs métrages centrés sur la figure de la naïade, pour mettre en avant les canons de la grâce féminine à travers la natation. Annette Kellermann elle-même participe à ces films, tout comme plusieurs actrices de l’entre-deux-guerres issues elles aussi du ballet nautique – Esther Williams notamment. Selon Philippe Tétart, cette révolution à l’écran permet à ces femmes d’exister hors de l’eau, comme de véritables incarnations de la féminité.

Vers une sportification de la pratique

Bien que la natation synchronisée ne soit pas à l’époque un sport reconnu comme tel, ses exigences physiques nécessitaient d’être un athlète. C’est d’ailleurs Esther Williams qui en fit une discipline sportive et l’affirma comme une véritable discipline aussi esthétique qu’athlétique. En 1947, les États-Unis et le Canada mettent en place les premiers règlements de la natation synchronisée, qui sera finalement reconnue comme sport en 1952, réservée aux femmes uniquement. La natation synchronisée était véritablement née.

Troisième étape : la route vers les JO. La natation synchronisée fait sa première apparition aux JO de 1952, pour une simple démonstration. Sa véritable entrée aux JO se fait grâce à la nageuse française Monique Berlioux, nommée directrice du CIO au début des années 1970. Michaël Attali, professeur à l’université de Rennes-2 et historien du sport, explique qu’au cours de cette décennie, l’un des enjeux majeurs a été d’augmenter le nombre de femmes participant aux JO.

Monique Berlioux est une actrice majeure de cette féminisation des Jeux olympiques. Aux Jeux de Los Angeles en 1984 : elle introduit le premier marathon féminin et les premiers sports exclusivement féminins, comme le GRS… ainsi que la natation synchronisée. Pourtant, selon Michaël Attali, un paradoxe persiste : la natation synchronisée est développée comme « un sport pour les femmes, par des femmes, au sein d’une compétition structurée par des hommes pour des hommes ».

La natation artistique, vers la mixité ?

Et les hommes ? Pour Thomas Bauer, président de l’association des journalistes sportifs : « Il a fallu du temps pour que les hommes commencent vraiment à entrer dans le monde de la natation artistique, c’est assez récent. C’est dans les années 1980-1990-2000 que les choses ont vraiment commencé à changer. » Les licenciés se comptent aujourd’hui par milliers en France, et leur nombre ne cesse de croître. Dans les clubs, on trouve même quelques équipes 100% masculines, même si les duos et les équipes mixtes sont plus fréquents.

Avant 2014, les garçons ne pouvaient participer qu’aux compétitions nationales. Or, cette même année, aux Championnats du monde de natation de Kazan, une nouvelle épreuve a été ajoutée : le duo mixte en programmes techniques et libres. Il a fallu également attendre 2022 et les Championnats d’Europe de natation pour les premières épreuves masculines en solo. Et comme pour les JO de 2024, la nouveauté n’était autre que l’ouverture de la natation artistique par équipes aux hommes : chaque fédération était désormais libre d’inclure un ou deux hommes. Lorsque la fédération internationale a pris cette décision en décembre 2022, elle a affirmé vouloir aller vers plus d’égalité dans un sport généralement perçu comme « féminin ».

Mais il n’existe aucune obligation pour les fédérations d’intégrer un homme. Ainsi, très peu prennent le risque de changer toute leur organisation. L’Italie et les États-Unis sont finalement les seuls pays à avoir inclus un homme dans leurs équipes.


Jeoffro René

I photograph general events and conferences and publish and report on these events at the European level.
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