Si ce n’était qu’une zone où l’on reste immobilisé, « calmé » comme disent les marins, faute de vent pour gonfler les voiles. Mais en plus, l’humidité y est si forte qu’il n’est pas rare de tomber malade. Et gare aux orages soudains, dont la foudre peut déclencher un incendie à bord ! D’où ses surnoms de « pot-au-noir » et de « pot au noir », faisant respectivement référence à un piège et au pot au noir.
Si l’existence du Triangle des Bermudes est mise en doute – on n’y dénombre pas plus d’accidents qu’ailleurs –, la Zone de convergence intertropicale (ZCIT) dépasse la simple légende. Météo France la décrit comme le siège de « basse pression » et des masses nuageuses formées à partir de nuages à « développement vertical élevé », Type de cumulonimbus.
Tantôt au nord, tantôt au sud de l’équateur géographique, la position de cet « équateur météorologique » oscille ainsi au cours de l’année suivant le déplacement du soleil, influençant notamment la mousson dans les pays tropicaux. Mais comment se forme-t-il ? Une nouvelle étude publiée dans la revue Geophysical Research Letters (27 août 2024) bouleverse la théorie la plus répandue.
Le marasme, un phénomène oublié…
Les zones de vents faibles, voire nuls, étaient jusqu’ici expliquées par la convergence et la montée, sous l’effet de la chaleur équatoriale, de masses d’air – les fameux alizés. Or, cette confrontation ne peut expliquer la vaste région touchée par le pot au noir que si l’on fait la moyenne de nombreuses petites zones sur plusieurs jours ou semaines, mais pas à plus court terme, soulignent les auteurs.
« L’idée de la cause du pot au noir remonte à une époque où nous ne savions pas grand-chose sur la façon dont l’air se déplace sous les tropiques. »explique Julia Windmiller, scientifique atmosphérique à l’Institut Max Planck de météorologie et auteur de l’étude (communiqué de presse). Depuis lors, « Nous avons tellement oublié le marasme que personne n’a pris la peine de réfléchir à nouveau à cet argument. »
Le chercheur a analysé les données météorologiques de l’ITCZ pour l’océan Atlantique entre 2001 et 2021, ainsi que les données des bouées de mesure entre 1998 et 2018, afin de définir les bords du pot au noir et d’étudier les épisodes de vents faibles, c’est-à-dire avec une vitesse inférieure à cinq nœuds pendant au moins six heures.
En examinant les données sur plusieurs jours, à chaque heure et minute, elle a étudié l’évolution de ces épisodes au fil du temps, montrant qu’ils coïncidaient avec un ciel dégagé, une baisse des températures de l’air et, enfin, une absence de précipitations. Des conditions indiquant des masses d’air descendantes et divergentes à la surface, plutôt que des masses d’air ascendantes.
…et pourtant, actuel
« La majeure partie de l’air dans la zone de convergence intertropicale descend plutôt que de monter »Julia Windmiller le souligne. « Ce n’est pas seulement en moyenne que nous avons des vitesses de vent faibles dans cette région, mais il y a des moments où le vent disparaît sur de très grandes zones. »
En outre, l’étude montre que les vents faibles se produisent principalement dans les régions intérieures de la ZCIT et n’affectent en moyenne qu’environ 5 % de la région à un moment donné.
Bien que les bateaux d’aujourd’hui soient pour la plupart équipés de moteurs, le pot au noir fait encore littéralement la une des journaux, notamment lors des courses de yachts. Mais surtout, note le chercheur, les nouveaux modèles climatiques à haute résolution « Lutte pour simuler les régions où la vitesse du vent est faible »Une meilleure compréhension du pot au noir pourrait ainsi contribuer à améliorer les prévisions des précipitations et des régimes de vent.
Certaines questions demeurent cependant. Comment expliquer ces vastes régions d’air descendant ? Et leur effet est-il réellement suffisant pour générer le pot au noir ? Parmi les possibilités évoquées dans l’étude figurent de grands systèmes convectifs laissant derrière eux des courants descendants, ainsi que des gradients d’humidité capables de provoquer à la fois un refroidissement et un affaissement de l’air à l’échelle locale.
GrP1