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Caroline Darian, fille de Gisèle et Dominique Pélicot, raconte le « cataclysme » subi par sa famille

La fille de la victime et principale accusée a témoigné pour la première fois vendredi au procès qui s’est ouvert lundi à Avignon, devant le tribunal correctionnel départemental du Vaucluse.

Emue mais déterminée, Caroline Darian s’avance à la barre, par l’allée centrale de la salle d’audience, bordée de part et d’autre de nombreux accusés (dont plus de la moitié comparaissent libres). Nous sommes au cinquième jour du procès dit des « viols de Mazan », vendredi 6 septembre, et c’est la première fois que le tribunal correctionnel du Vaucluse entend, dans ce cadre, le récit de la fille de Gisèle et Dominique Pélicot. « Je parle au nom de mes frères et sœurs », commença-t-elle, sous les yeux de ses deux frères, David et Florian, très émus.

« Je suis la fille de l’accusé principal et de la victime avérée, qui a subi des actes d’une atrocité insupportable », Elle continue, d’un ton calme. Afin de protéger sa relation et son enfant, elle parle publiquement sous son nom de plume, sous lequel elle a publié, en avril, Et j’ai arrêté de t’appeler papaSa solennité contraste avec le témoignage rapide de sa mère, entendu jeudi.

Le 2 novembre 2020, sa vie « littéralement renversé ». « Il y a eu un avant et un après » le jour où sa mère l’a appelée de Mazan pour lui annoncer l’insupportable, « à 20h25 », elle précise. « Avant le 2 novembre 2020, nous étions une famille unie. Nous avons traversé tant de choses ensemble. J’aimais mon père. J’aimais l’image de l’homme que je croyais connaître. L’image de cet homme sain, attentionné et prévenant. »elle explique en détail sous les yeux de l’homme qu’elle appelle désormais « éleveur »en larmes dans le box des accusés.

« Caroline, il faut que tu t’asseye, j’ai quelque chose de très grave à te dire, et cela concerne ton père. »sa mère la prévient le jour de ce coup de téléphone. A ce moment-là, son père est suivi pour des problèmes respiratoires. « Je l’imagine en soins intensifs, je crois qu’il est sur le point de mourir »elle se souvient. « Ton père m’a drogué pendant des années pour que des inconnus me violente. » Gisèle Pélicot lui annonce alors. « C’est précisément ce que l’on appelle, dans la vie, un point de basculement. »Caroline Darian a dit d’une voix tremblante, décrivant une « un toboggan où l’on ne sait pas jusqu’où l’on va aller. » Son mari était présent à ce moment-là, ainsi que son fils, alors âgé de 6 ans. « Nous l’avons mis dans une pièce séparée pour qu’il n’entende pas sa mère crier pendant qu’elle dévisse des vis dans le salon », elle raconte.

Le lendemain, elle emmène son fils à l’école. Le petit garçon vient de commencer la première année. « Je ne peux pas lui dire qu’il ne reverra plus jamais son grand-père, a déclaré Caroline Darian en larmes, Je ne peux pas lui dire que je suis déjà une femme brisée et une mère qui aura probablement beaucoup de mal à continuer d’être celle que je suis à ce moment-là.

Elle prend alors un train pour Mazan, avec ses frères. Lorsqu’ils retrouvent leur mère, « elle est détruite », elle décrit. Le commissaire de police de Carpentras, qui a annoncé les faits à Gisèle Pélicot la veille, les reçoit. « Je vois dans ses yeux que cet homme ne sait pas quels mots il va devoir choisir pour nous dire ce qu’il a à nous dire. » Et là, cette phrase terrible : « Nous pensons qu’il y en a entre 30 et 50, mais nous ne pouvons pas vous dire combien. »« C’est un homme que Dominique Pélicot a recruté sur le site « coco.gg » pour violer sa femme », explique le policier.

« Je reverrai toujours David (son frère)blanc, stoïque, et mon petit frère, Florian, affaissé, je ne peux pas vous dire le contraire »se souvient Caroline Darian. On leur donne quelques détails sur l’affaire, notamment concernant les prescriptions de Temesta, ces anxiolytiques obtenus par leur père pour endormir leur mère.

Le même jour, le commissaire la rappelle et lui dit qu’elle doit revenir au commissariat. « Je comprends tout de suite que je vais devoir voir des choses qui ne vont vraiment pas me plaire. »se souvient-elle. Alors qu’elle montait les escaliers menant au bureau du commissaire, ses jambes « flageller ». On lui montre une première photographie, qui, selon les enquêteurs, la représente. Sur cette photo, on voit « une femme qui, à priori, dort, allongée sur le côté, la lumière allumée, on voit ses fesses en gros plan, la couette relevée sur le côté », explique Caroline Darian, assurant dans un premier temps ne pas avoir reconnu cette personne. « Non, ce n’est pas moi » elle a dit.

On lui montre ensuite une deuxième photo. « Même position, même femme a priori. Même culotte. Même mise en scène. » Elle ne se reconnaît toujours pas. Jusqu’à ce que le commissaire lui demande : « Madame, est-ce vous qui avez une tache brune sur la joue droite ? » « Je me découvreelle continue, choquée. Je découvre qu’il m’a photographiée à mon insu, nue. Pourquoi ? Je comprends tout de suite, avant d’avoir une crise de tétanie, que je suis moi-même droguée sur ces photos, car je ne dors pas comme ça »déclare Caroline Darian.

« Aujourd’hui, je ne veux pas que vous rabaissiez mon père. La justice se chargera de le juger sur des faits et des preuves tangibles. Ce que je peux vous dire, c’est que dans ce cas, il s’agit bien d’une question de soumission chimique », elle assure, soulignant que, « Dans la majorité des cas de victimes de soumission chimique, des preuves comme celles contenues dans le dossier de ma mère n’existent pas »Le quadragénaire a depuis fondé l’association « Ne vous endormez pas : stop à la soumission chimique » pour venir en aide aux victimes.

Caroline Darian charge son père, à haute voix, lui reprochant de ne pas reconnaître les faits : « Tant qu’il n’a pas de preuve irréfutable, il n’avoue pas. » Elle a conclu son témoignage en s’adressant directement au président du tribunal, Roger Arata : « Comment une personne comme moi peut-elle guérir ? Comment peut-elle espérer avoir une vie normale de femme, une vie sexuelle normale ? Comment peut-elle se reconstruire à partir de ses cendres, alors qu’elle sait que son père est probablement l’un des… »Elle s’arrête, reprend son souffle. « Quand on sait que son père est sans doute l’un des plus grands prédateurs sexuels de ces vingt dernières années. »

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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